Préoccupé depuis un mois de la fin du monde dont j’ai eu une précise vision, je lis que Baudelaire, dans les derniers temps de sa vie pensante, était hanté par cette même idée de livre.
***
Ô ma douleur, sois tout pour moi. Les pays dont tu me prives, que mes yeux les trouvent dans toi. Sois ma philosophie, sois ma science.
***
Le prisonnier voit la liberté plus belle qu’elle n’est.
Le malade se représente la santé comme une source de joies ineffables – ce qui n’est pas.
Tout ce qui nous manque est le divin.
***
Une de mes privations, ne plus faire l’aumône. Joies que celle-ci m’a causées. L’homme – main fiévreuse – cent sous dedans tout à coup.
***
Stérilité. Le seul mot qui puisse rendre à peu près l’horrible état de stagnation où tombe par moment l’intelligence d’un esprit. C’est le » sans foi, sans effusion » des âmes croyantes. – La note que je jette ici, inexpressive et sourde, ne parle que pour moi, écrite dans un de ces cruels malaises.
***
Vision de Jésus en croix, au matin sur le Golgotha. L’humanité. Cris.
***
Ô puissance de la présence réelle ! Depuis que je ne marche plus, qu’on ne me voit plus, j’ai appris à mes dépens à la connaître.
***
Alphonse DAUDET (1840-1897).
(La Doulou, journal intime que Daudet écrivit pendant ses années de maladie et de souffrance.)
(Publication posthume.).
*****************************************************