La section de lutte contre la cybercriminalité de Tokyo est sur les dents. Un individu coiffé d’un masque en papier journal poste sur Internet des vidéos menaçantes où il prédit les pires crimes : incendies, agressions, viols… Le problème ? Dès le lendemain, ses prophéties se réalisent à la une des journaux télévisés. Qui est-il, comment procède-t-il, quelles sont ses motivations ? C’est le début d’une course contre la montre qui mène les inspecteurs jusqu’au siège vide d’un cybercafé de la banlieue de Tokyo. Mais tandis que l’enquête piétine, contre toute attente, le soutien populaire grandit autour du mystérieux personnage. Marginaux, employés tyrannisés par leur hiérarchie, internautes qui hantent les forums de discussion : ils sont de plus en plus nombreux à se retrouver dans son combat…
Source: Manga-News
Dernier bébé des éditions Ki-oon, c’est à l’occasion de la Japan Expo 2012 que j’ai eu l’opportunité de le découvrir (et avec en prime, un gigantesque sac à son effigie).
Mais j’avoue que le point qui m’a décidé est Tetsuya Tsutsui. Rien qu’à ce nom, je n’ai pas hésité 10 secondes avant de me procurer son nouveau manga. Totalement fan de Duds Hunt, Reset ou encore Manhole, son nouveau bébé ne pouvait pas être mauvais. Même la couverture m’a donné envie. Un homme masqué d’un journal et portant un t-shirt « écran Iphone », on voit déjà l’un des sujets qui sera mis en avant dans Prophecy: les réseaux sociaux. Et en effet, dès les premières pages, ce phénomène grandissant (et pourtant déjà bien ancré) est pris à partie. Twitter, Youtube, Wikipédia, j’en passe et des meilleurs sont les nouvelles armes d’une criminalité qui a évolué avec la société. A l’heure où les informations circulent sur la toile plus vite que la musique, que bien des gens vivent plus dans le virtuel que dans la réalité, Tsutsui reprend cette tendance, sans pour autant perdre ce qui fait son style ou son dynamisme. Pas besoin de plusieurs tomes pour savoir qu’il s’agit de ce mangaka. On y retrouve sa griffe, ses qualités, son univers particulier, sa façon de narrer une histoire, tout ce qui m’avait fait aimer ses oeuvres. Y compris dans les sujets. Duds Hunt et Reset reprenaient un peu les mêmes thèmes et tout ce qui touchait au monde virtuel, mais avec un scénario différent et un message différent.
Justicier ou déjanté?
Comment fait-il cette fois? Par l’intermédiaire d’un mystérieux justicier qui punit les crimes d’une façon, pour le moins violente, et qui passe ses messages et ses vidéos sur ses sites, afin de toucher un maximum de personne et de se faire entendre. Paperboy, comme il est surnommé, cherche à montrer les nombreuses inégalités et injustes de la société (thème cher à Tsutsui) mais également à les punir. C’est une sorte de Zorro des temps modernes. Et voilà le point fort du manga. Malgré sa violence et ses actes répréhensibles, on est de plus en plus tenté de le voir comme un héros. Cet aspect évolue constamment dans ce premier tome avec d’abord une vision plutôt négative de ce « héros », qui tend à disparaitre au fil des pages. Plus on avance, plus on découvre la face cachée de Paperboy et plus on le comprend. Au final, on se retrouve avec deux camps, dont on partage plus ou moins les aboutissants. L’un cherche à faire respecter la loi, l’autre cherche à gommer les erreurs d’un système qui ne fonctionne pas toujours. Qui est le bon? Difficile à dire. Après tout, chaque personne subissant une punition le méritait et avait échappé à la justice par ses relations ou parce qu’il avait de l’argent. Comment ne pas juger que leur sort est mérité? Et comment ne pas comprendre le but de la police? Un vrai dilemme pour le lecteur.
Tsutsui s’attaque à la société dont Paperboy se veut le nettoyeur. Entre le stéréotype du geek, gros et sale, uploadant des jeux de manière illégale (qui n’est pas sans rappeler beaucoup de questions actuelles et dont l’auteur donne sa propre réponse); les journalistes amassés comme des vautours autour d’une scène de crime pour leur scoop; les gens importants (je veux dire riches et puissants) gros et égoïstes, le point de vue du mangaka est clair. Mais ce qui m’a frappé, comme beaucoup d’entre vous je pense, ce sont les pages de commentaires et les messages des internautes, qui illustrent d’ailleurs l’évolution de notre avis sur Paperboy. Si les premiers sont nettement contre ce Zorro moderne, la tendance s’inverse rapidement. Et les messages sont alors parlants puisqu’on se rend compte que les soutiens le sont de personnes victimes des injustices de la société. Paperboy gagne en popularité car il touche les victimes. Pourtant, je n’ai pas le sentiment que Tsutsui prenne partie pour Paperboy. Il envoie un message (ou plutôt des messages), en nous faisant voir les deux côtés du problème. Que ce soient la police ou Paperboy, ils n’ont pas la réponse et ne sont pas parfaits. Mais ils ont au moins conscience que leur monde est parfois injuste et qu’il faut y faire quelque chose. Seul leur méthode pour y arriver diffère. Un bras de fer s’engage.
Prophecy commence sur les chapeaux de roue. Aucun temps mort, aucune faiblesse, beaucoup de messages, de violence, une atmosphère prenante et des sujets actuels. J’attendais le retour de Tsutsui et je ne suis pas déçu. DU grand art pour l’instant.