Nikolaj BS Larsen, Promised Land, 2011
Les immigrants clandestins, silhouettes lointaines à peine aperçues, articles tragiques dans les journaux ou ombres traçant leur périple sur une carte : jamais nous ne les voyons de près, toujours à distance. Peut-être est-il alors un peu artificiel de descendre au sous-sol de la galerie Vanessa Quang (jusqu'au 28 juillet), d'entrer sous une tente de fortune faite de bâches assemblées et de s'asseoir sur des palettes en vrac, comme si on était vraiment à Calais, comme si on partageait leur quotidien : pas vraiment, bien sûr, mais très vite le film de Nikolaj Bendix Skyum Larsen nous prend à la gorge. Promised Land est le récit des tentatives de passage en Angleterre depuis Calais de quelques immigrants clandestins, Iraniens et Afghans, survivant à Calais dans la 'jungle', espérant la terre promise de l'autre côté du Channel : c'est bien plus qu'un documentaire, c'est un travail de proximité constante du cinéaste et des protagonistes (à qui il a confié des caméras), un témoignage poignant sur leur détermination, leur espoir, leur amitié et leurs désillusions. A la fin, l'un d'eux, le seul à n'avoir pas encore réussi, dit, alors qu'un
Nikolaj BS Larsen, Ode to the Perished, 2011, vue d'expo
ferry inaccessible passe derrière lui, que le moment qu'ils ont vécu ensemble à Calais fut unique, que leur vie future en Angleterre ne sera pas aussi intense, aussi amicale, que le chemin ardu était plus enrichissant que le but tant désiré, en quelque sorte. C'est un film remarquable, d'un artiste qui avait réussi, à Sharjah à faire passer les frontières aux sentiments, pour d'autres migrants.
Au-dessus, une ode aux migrants qui n'ont pas réussi, qui ont péri en mer. Ode to the Perished consiste en une douzaine de sculptures suspendues au plafond, comme des âmes en peine, flottant dans les limbes entre deux mondes : ces chrysalides sont des linceuls marins, morceaux de béton longtemps immergés dans les eau de la Mer Égée, par où passent tant de clandestins venant d'Asie. Sur eux, des traces de coquillages marins qui s'y sont incrustés, une vie parasite.
Nikolaj BS Larsen, Boat
Aux murs, des dessins en négatif, à partir de photos de presse montrant des bateaux de clandestins, comme on en voit tant, et des photographies de campements abandonnés à Calais. C'est un travail éminemment politique que celui de Nikolaj Larsen, qui, par des moyens subtils, nous amène à regarder ce que sinon nous ne verrions sans doute pas.
Photos courtoisie de l'artiste et de la galerie.