73304-23-4153-6-96-8 (Ott)

Par Mo

© Thomas Ott & L’Association – 2008

Ce jour-là, le bourreau se rend à la prison.

Il est 7h30, il a ½ heure pour préparer la salle, vérifier installer le condamné sur la chaise électrique… à 8 heures, tout sera terminé. Durant ce laps de temps, le condamné à mort est dans sa cellule, le regard hagard, comme perdu dans ses pensées. De temps en temps, il ouvre sa Bible à l’endroit où il a inséré un petit bout de papier avec « 73304-23-4153-6-96-8 » inscrit dessus. Glissé au creux de sa main, ce petit papier l’accompagnera jusqu’à la salle d’exécution. Quelques minutes plus tard, en nettoyant la salle, le bourreau aperçoit ce papier tombé du corps inerte du condamné. Il l’enfourne dans sa poche, termine son office et rentre chez lui.

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Il y a quelques temps, je partageais avec vous ma découverte de Cinema Panopticum, ouvrage qui m’avait donné envie de poursuivre mes explorations dans l’univers de cet auteur. Kbd s’en est mêlé puisque 73304-23-4153-6-96-8 est la lecture mensuelle de ce mois de Juillet 2012.

Toujours en utilisant la carte à gratter, Thomas Ott part cette fois du postulat que les chiffres peuvent avoir une incidence sur la vie d’un individu, encore faut-il y prêter attention. La trame narrative de cet album muet nous incite donc à étudier la question et, pour se faire, l’auteur s’appuie sur un personnage en apparence rationnel et méthodique, quoique ce soit le genre d’individu pour qui on ne ressent pas naturellement de la sympathie du fait de sa fonction sociale (il est bourreau). Cependant, le changement s’opère rapidement : qu’est-ce qui pousse cet homme à mettre ce petit bout de papier dans sa poche plutôt que de le jeter à la poubelle ?

Dès lors où le lecteur commence à se poser des questions et à supputer des réponses, je crois que c’est bien la preuve qu’il est pris dans les filets de l’auteur et que quoiqu’il fasse pour se sortir de ce pétrin, ses tentatives seront vaines. En 8 chapitres, Thomas Ott malaxe tellement l’image que l’on s’était faite de son bourreau qu’il devient difficile d’anticiper ses réactions. Les expressions des personnages sont si figées qu’elles forcent le lecteur à s’arrêter sur chaque case pour les décoder. Je me suis sentie très voyeuriste une fois encore car la situation est si déstabilisante pour le personnage principal que sa souffrance psychique devient palpable ; cela m’a plu de l’analyser, de l’observer et de tenter de la ressentir. On s’enfonce progressivement dans l’absurde pourtant, ce qui se dégage de cette tranche de vie continue à s’ancrer dans quelque chose de concret. Inconsciemment, il me semble que le lecteur se retranche derrière le même raisonnement qui s’opère chez cet homme fictif qui perd pied progressivement et se bat pour se raccrocher à des faits plus rationnels.

La technique à la carte à gratter crée une ambiance atypique, l’utilisation des jeux d’ombre et de lumière installe une tension, une forme d’angoisse quant à ce qui peut encore se produire jusqu’au dénouement.

Moins interloquée que lors de ma lecture de Cinema Panopticum,  j’ai pourtant ressenti encore une fois ce mélange d’attraction/répulsion tout au long du récit. Lorsque je compare mon ressenti de lecture, je constate que je suis également moins enjouée. Cependant, à partir du moment où j’ai débuté cette lecture, je n’ai pas lâché le livre et j’ai parcouru d’une traite ces 144 pages qui développent une histoire bien singulière. La noirceur de ce récit a d’étranges vertus…

Une chose est sure : je vous reparlerais encore de Thomas Ott ;)

« Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent »

(L’Enchanteur de Vladimir Nabokov).

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs BD du mercredi

Les chroniques : du9, Contrebandes, Champi, graphic novel reporter, No Color et Moisson Noire.

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One Shot

Éditeur : L’Association

Hors Collection 

Dessinateur / Scénariste : Thomas OTT

Dépôt légal : avril 2008

ISBN : 9782844142658

Bulles bulles bulles…

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73304-23-4153-6-96-8 © Thomas Ott & L’Association – 2008