Pour la quatrième année consécutive, le Cercle Frédéric Bastiat, présidé par Patrick de Casanove [photo ci-contre], organisait du 6 au 8 juillet 2012 un week-end de la liberté.
Avec le concours de l'ALEPS, de Contribuables Associés, de Liberté Chérie, de l'Institut Coppet et de l'iFRAP.
Le thème de cette année était la responsabilité. Vaste programme.
Lors du dîner-débat du 6 juillet, il revient à Alain Laurent de définir ce qu'est la responsabilité individuelle.
L'orateur rappelle que, si l'expression de responsabilité individuelle est employée pour la première fois par Frédéric Bastiat, le concept existe bien avant lui. Pour Aristote le coupable est responsable de son ignorance. Pour un chrétien chacun est responsable de son salut. Pour Kant il n'est pas de responsabilité sans autonomie de la volonté.
Alain Laurent fait remarquer que responsable vient du verbe latin respondere qui signifie répondre de ses actes et de spondere qui signifie se porter garant et qui a donné spontané et sponsor. Il cite encore Ayn Rand et le fondement objectif de la causalité de la liberté, Nietzsche et l'empire sur soi-même, Saint-Exupéry et le renard qui dit au Petit Prince qui l'a apprivoisé: "Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé".
Alain Laurent insiste sur la distinction entre responsabilité individuelle qui est une notion générale, et traditionnelle dans le vocabulaire libéral, et responsabilité personnelle qui est la responsabilité propre que chacun exerce en particulier.
Le matin du 7 juillet Vincent Ginocchio parle de politique agricole et responsabilité.
La PAC, Politique agricole commune, représente 30% du budget européen. Ses objectifs sont d'assurer un revenu décent aux agriculteurs, de lutter contre la désertification des campagnes, de compenser les variations des prix mondiaux, de fournir aux consommateurs une sécurité alimentaire et de protéger l'environnement.
En France la mainmise des SAFER, Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, sur les terres agricoles, avec leur droit de préemption et leur volonté de maintenir les prix bas, a des effets pervers. Beaucoup de gens incompétents se lancent dans des projets non viables. Les propriétaires ne sont pas incités à vendre ou ne peuvent plus vendre etc. Il en résulte qu'elles sont d'une faible rentabilité.
Pour stabiliser les prix agricoles plusieurs mécanismes sont mis en oeuvre: subventions, droits de douane, jachère obligatoire, prix d'intervention, compensations entre prix européens et prix mondiaux (baptisées pudiquement restitutions).
Il s'agit donc d'interventions publiques destinées à protéger, qui, au final, ne protègent rien du tout mais déresponsabilisent.
Car quels sont les résultats ? Les exploitations agricoles sont peu rentables et disparaissent. Les investissements sont mauvais parce qu'ils ne sont fait qu'en fonction des subventions qu'il est possible d'obtenir. La quantité prime sur la qualité. Les consommateurs paient deux fois les produits agricoles, en les achetant et en contribuant aux subventions dont ils bénéficient. Les pays pauvres subissent une concurrence "déloyale". L'environnement est dégradé.
Au sujet des subventions il n'est pas surprenant de noter que seuls 10% des agriculteurs reçoivent des subventions et que les 24 premières entreprises subventionnées en France ne sont pas des exploitations agricoles. Les premiers bénéficiaires sont en effet le Groupe Doux (qui a récemment déposé son bilan...), LVMH, Rotschild, Dassault, Grimaldi...
Pour s'en sortir? Il faut ouvrir les frontières européennes à la concurrence, ce qui devrait se traduire par une baisse des prix de l'ordre de 25%. Il faut supprimer les subventions et les quotas et rendre les agriculteurs responsables. Impossible? La Nouvelle Zélande l'a fait et son agriculture est aujourd'hui florissante.
Patrick de Casanove, qui est médecin, s'exprime sur politique de santé et responsabilité individuelle.
La sécurité sociale coûte toujours plus cher et rembourse de moins en moins. Les urgences sont engorgées et des régions sont devenus de véritables déserts médicaux.
Patrick de Casanove préconise donc de limiter le rôle de l'Etat et de restituer aux individus les moyens d'assumer leur vie et leur responsabilité individuelle. Comment? En remplaçant les 6 ou 7 cotisations de la sécurité sociale par une seule cotisation correspondant au contrat d'assurance privée qu'ils souscriront et qui sera d'un coût nettement moins élevé. Autrement dit en privatisant la sécurité sociale.
La liberté des prix permettra de faire la distinction entre les médecins qui soignent, et examinent, et ceux qui se contentent d'être des distributeurs d'ordonnances.
Les médecins seront librement choisis non pas en fonction de critères technocratiques déterminés par un organisme étatique mais en fonction du meilleur service qu'ils rendent à leurs patients. Qui pourront exercer leur libre choix de santé.
Comment privatiser en France? En établissant une charte qui ne prévoit pas de conditions d'accès, en rétablissant un système concurrentiel d'assurances, en permettant aux patients de se constituer un compte d'épargne santé et en prévoyant pour les plus démunis un filet de sécurité.
La publicité et la responsabilité personnelle est le sujet traité par Olivier Méresse.
La publicité est multiple. Son domaine est difficile à circonscrire. Contrairement aux idées reçues elle est surtout favorable aux petits qui ne disposent pas des mêmes moyens d'information que les grands.
Naguère un organisme privé, le BVP, Bureau de vérification de la publicité, délivrait un label de qualité des annonces.
Le législateur socialiste - ce qui est un pléonasme - a trouvé ce label insuffisant et a cru bon de protéger davantage le consommateur (lois Evin contre le tabagisme et l'alcoolisme, loi Sapin sur les achats d'espace, accord Ameline avec les médias sur l'image de la femme dans la publicité).
L'effet pervers de cette déresponsabilisation? Tout ce qu'on voit maintenant dans la publicité est considéré comme vrai puisque la loi l'autorise...
Au début de l'après-midi du 7 juillet, Axel Arnoux, Président de Chauvin Arnoux, expose le combat qu'il mène depuis des années pour le salaire complet, qu'il a instauré dans sa propre entreprise.
Pourquoi? Parce qu'il fait apparaître tout ce que l'Etat prend au salarié sur son salaire réel.
L'opération est simple, comptable. Le salaire complet est égal au salaire net plus les cotisations dites salariales plus les cotisations dites patronales. Exemple:
Un salarié qui touche 1'600 euros nets par mois a en réalité un salaire complet de 3'200 euros. La moitié lui est prélevée par l'Etat... Ce qui est dissimulé en faisant le distingo artificiel entre prélèvements salariaux et patronaux, d'un montant de 400 et 1'200 euros respectivement.
Patrick de Casanove a montré que le salarié pourrait s'assurer contre la maladie à meilleur compte dans le privé. Axel Arnoux montre qu'il en est de même pour les retraites.
Dans l'exemple donné, en plaçant à 3% le prélèvement qui lui est fait, le même salarié pourrait bénéficier d'une retraite de 2'500 euros par mois pour une durée de retraite de 25 ans (dont il conviendrait de déduire, à la louche, 500 euros par mois pour qu'il puisse s'assurer contre le risque maladie) ou d'un capital de 550'000 euros.
Il s'agit donc non pas d'un combat que devraient mener les employeurs mais les salariés, dont, par coercition, on ampute la moitié du salaire sans qu'ils n'aient leur mot à dire.
Christian Julienne avait la lourde tâche de parler de politique du logement et responsabilité individuelle.
Le logement a pris une très grande place dans le budget des familles françaises. Alors qu'il représentait 4% de ce budget dans l'immédiate après-guerre, il en représente aujourd'hui 29%, 35% si l'on inclut les taxes. Il faut dire que sur la même période les propriétaires sont passés de 20 à 60% de la population.
En matière d'urbanisme il y a corrélation étroite entre biens publics et bien privés, qu'il s'agisse de copropriétés ou de lotissements. Mais cette corrélation est renforcée par le code d'urbanisme qui mêle allègrement droit et incantation morale, droit et social - la proportion arbitraire de 20% de logements sociaux dans toutes les communes est une absurdité. Le même code d'urbanisme se mêle en outre d'environnement technocratique depuis la loi Borloo...
La politique d'urbanisme est déterminée par l'Etat et par les courroies de transmission de son monopole en la matière que sont les sociétés d'économie mixte, les agences foncières et techniques, les sociétés publiques.
Comme l'Etat n'aime pas la maison individuelle, les logements sociaux sont essentiellement des appartements dont la superficie et le nombre de pièces sont définis arbitrairement par lui et non pas par ceux qui les habitent. N'est-il pas significatif que, quand une aide à la personne est décidée, elle ne soit pas versée à l'intéressé mais à l'organisme qui assume la gestion de son logement?
Au lieu de servir de secteur de dépannage contre les accidents de la vie, les logements sociaux sont devenus par la grâce de l'Etat un privilège héréditaire. Il n'y a même pas de contrat de bail définissant les obligations du bailleur et du preneur, mais un simple engagement de location, transmissible aux descendants.
Le maire d'une commune peut se comporter en véritable despote en matière de logement. Ne détient-il pas entre ses mains à la fois la permission de construire et l'application de la politique étatique d'urbanisme? De quoi, à moindres frais, fidéliser une clientèle électorale...
Il serait donc souhaitable que les habitations à loyers modérés ne représentent plus qu'une toute petite part du parc de logements et que des baux de 6 ans soient conclus dans ce secteur de l'habitat.
Quelle est la responsabilité des libéraux dans l'opposition? C'est à cette question qu'a répondu Jacques Garello [photo ci-contre].
Il incombe aux libéraux de relancer le libéralisme français, à partir du constat que ce n'est pas la pensée libérale qui est en crise, mais la politique libérale.
Force est de constater qu'il n'y a pas de politiciens libéraux en France.
De gauche comme de droite les politiciens français sont en effet protectionnistes et contre la finance. Ils sont tous étatistes, de Mélenchon à Le Pen. Aussi faut-il faire une nouvelle offre politique, qui soit réaliste, nécessaire et exigeante.
Quand les socialistes sont au pouvoir, c'est bon pour les libéraux, parce que les socialistes commettent tous la même erreur anthropologique qui est de vouloir tout diriger administrativement, ce qui les conduit inexorablement à l'échec. Ce n'est plus à démontrer. L'histoire le montre à satiété.
Que faut-il faire? Réduire les dépenses publiques, c'est-à-dire réduire le périmètre de l'Etat qui ne doit plus s'occuper d'éducation, de logement ou de protection sociale; privatiser ce qui est privatisable, par exemple la poste, les chemins de fer, l'énergie.
Pourquoi? Parce que l'Etat omniprésent - les dépenses publiques représentent 57% du PIB - empêche le fonctionnement de la société marchande. Ce qui conduit 100 000 jeunes, chaque année, à quitter la France pour être, sous des cieux plus propices, acteurs de leur propre vie.
La solution ne viendra pas de l'actuelle opposition, mais d'en-bas, de la base. Les libéraux doivent devenir militants, prendre leur bâton de pèlerins et vendre le libéralisme, qui est un tout, car des mesures libérales isolées seraient de toute façon inefficaces:
"Faites-moi des électeurs libéraux, je vous ferai des élus libéraux." disait le libéral Edouard Laboulaye.
Xavier Bébin est délégué général de l'Institut pour la justice ici, qui lutte contre les dysfonctionnements de la justice. Lors du dîner-débat du 7 juillet il traite magistralement de la responsabilité des juges en démocratie.
Qu'est-ce qu'un juge? Le gardien de la loi, à la fois créateur de normes et arbitre d'une part entre particuliers, d'autre part entre particuliers et administration, tout du moins en droit pénal.
Le juge ne jouit pas de l'immunité pénale et ses responsabilités civile et disciplinaire peuvent être engagées. Ainsi son comportement personnel, comme tout justiciable, peut être sanctionné. Il n'en est pas de même de son comportement professionnel, où il jouit d'une impunité de fait, même si sa responsabilité devrait pouvoir être mise en cause en cas de non respect de la procédure ou de dépassements de délais.
En revanche si un juge prend une mauvaise décision, c'est l'appel qui est la contrepartie de son irresponsabilité.
Comment s'assurer que justice soit rendue, c'est-à-dire que les coupables ne restent pas impunis? Par la délimitation des pouvoirs des juges, par un nouveau mode de nomination des juges, par la construction de nouvelles places de prison:
- En cas de récidive, l'application de réelles peines plancher, par exemple, ne devraient-elles pas être appliquées?
- L'Ecole nationale de la magistrature formant de très jeunes juges, ne devrait-on pas élire, ou en tout cas nommer, des juges d'au moins 40 ans, ayant une expérience du droit, comme cela se fait dans d'autres pays?
- En France 80'000 personnes condamnées à des peines de prison ferme étant en liberté faute de place -il n'y a que 57'000 places dans les prisons françaises, occupées par 67'000 détenus -, ne serait-il pas indispensable d'avoir un taux de détenus par habitant plus élevé, comparable à celui des pays voisins?
Il ne faut pas oublier que les libertés fondamentales sont remises en cause par la trop grande impunité dont jouissent délinquants et criminels en France.
Au matin du 8 juillet, les participants peuvent se demander comment René de Laportalière va bien pouvoir se sortir d'un sujet tel que la responsabilité personnelle, la religion et l'Eglise.
D'emblée il rassure l'auditoire et se place sous l'égide de trois libéraux, Frédéric Bastiat, Murray Rothbard et François Guillaumat, pour qui l'appartenance à la religion catholique ne pose pas de problème:
- Le premier est au début un catholique rationnel, puis un catholique éclairé par la grâce de Dieu.
- Le deuxième a permis de redécouvrir l'Ecole de Salamanque.
- Le troisième dans une conférence, faite notamment le 20 juin 1998 devant le Cercle Frédéric Bastiat, a brillamment établi les liens entre libéralisme et christianisme.
Puis l'orateur fait l'examen de quatre encycliques, qu'il compare à des coffres immergés. En écartant les algues, selon lui, il est possible de trouver de véritables trésors:
- Dans Rerum de novarum, qui traite des rapports entre patrons et ouvriers, Léon XIII fait du Mélenchon avant l'heure, ce sont les algues, mais défend la propriété privée et condamne ce qui s'appellera l'Etat providence.
- Dans Quadragesimo Anno, qui traite du capital et du travail, Pie XI ne trouve aucune grâce ni au libéralisme ni au socialisme, qu'il renvoie dos à dos, ce sont les algues, mais il dit que la propriété privée est un droit naturel qu'il faut laisser intact, défend le principe de subsidiarité et affirme qu'il est incompatible d'être un bon catholique et un vrai socialiste.
- Dans Popularum progressio, Paul VI fait du Mélenchon, tout comme Léon XIII avant lui, ce sont les algues, mais il dit que le dessein de l'homme est de faire fructifier ses talents et que chacun est l'artisan de ses échecs et de ses réussites.
- Dans Caritas in veritate, Benoît XVI fustige la mondialisation, mais déclare que le développement humain n'est possible que dans la liberté.
En résumé, si les papes affirment dans ces encycliques des principes solides, leur analyse sur les raisons de la misère demeure insuffisante. Le libéral y retiendra cependant deux thèmes:
- Le principe de subsidiarité
- La nécessaire soumission de l'Etat au droit naturel: ce n'est plus le cas depuis au moins deux siècles, puisque c'est désormais l'Etat qui décide arbitrairement - de manière changeante - de ce qui est bien et de ce qui est mal.
Le fondement de la résistance est bien le droit naturel.
Max Falque, qui est délégué général de l'ICREI, International Center for Research on Environmental Issues ici,avec sa conférence sur politique environnementale et responsabilité personnelle, témoigne que de telles préoccupations ne sont pas étrangères aux libéraux.
La qualité de l'environnement et le niveau de vie sont liés, de même que la qualité de l'environnement et l'exercice de droits de propriété privée le sont, tant il est vrai que la propriété en commun conduit inévitablement à la surexploitation, sauf quand elle est de taille réduite, homogène et quand les sanctions des abus sont clairement définies à l'avance.
Une politique environnementale, qui responsabilise, passe donc par de nouvelles modalités d'appropriation (comme, par exemple, la propriété de servitudes), lesquelles s'avèrent plus efficaces que n'importe quelles réglementations et taxations. En effet la gestion publique est finalement toujours mauvaise ou coûteuse, souvent les deux.
Ainsi de belles âmes écolo servent-elles d'alibis à de véritables voyous, comme c'est manifestement le cas avec l'escroquerie des éoliennes.
Max Falque résume la politique environnementale étatique par cette sentence:
"C'est donner la garde de l'oiseau au chat."
La dernière conférence de la matinée du 8 juillet est donnée par Jacques de Guenin, fondateur du Cercle Frédéric Bastiat, sur le thème responsabilité personnelle et l'Etat minimum.
L'Etat est responsable d'une insidieuse, progressive et cumulative diminution des responsabilités individuelles, dans des domaines tels que les relations en entreprise, les retraites, le logement, le surendettement, la solidarité (qui tue la compassion puisque l'Etat est payé pour ça), la santé, le mariage, la PAC, l'interdiction des OGM, l'interdiction du gaz de schiste.
Force est de constater que plus les sociétés sont libres, plus elles sont efficaces. Jacques de Guenin souligne que les habitants eux-mêmes de la région de Fukushima ont effectué des réparations immédiates alors que l'Etat a mis plus d'un an à mettre en oeuvre les aides ministérielles pour la reconstruction.
Le mal existe et peut détruire les meilleures sociétés. Sur une échelle de 1 à 10 l'orateur a classé les manifestations du mal: 1 graffiti, 2 virus informatiques, 3 les vols, 4 les viols et les violences, 5 les crimes crapuleux, 6 les attentats, 7 les meurtres pour la prise de pouvoir, 8 les guerres de conquête, 9 les génocides, 10 les meurtres de masse communistes.
Un Etat minimum est par conséquent nécessaire selon Frédéric Bastiat, Ayn Rand et Robert Nozick, pour que soient respectés les droits à la vie, à la liberté, à la propriété, au fruit de son travail etc. Il fonctionne d'autant mieux qu'il est décentralisé, parce qu'alors tout le monde se connaît et qu'en résulte une société plus paisible.
Patrick de Casanove tire la conclusion de ces neuf conférences et de ces deux dîners-débat.
Les libéraux de toutes obédiences doivent se rencontrer, unir leurs forces pour que s'accomplisse le dessein de l'homme libre, bref devenir tous des militants de la liberté.
Et dans le projet Bastiat 2017 ici ils peuvent tous se reconnaître.
Francis Richard
Post-scriptum:
La toute jeune fille de Patrick de Casanove, après la conclusion de son père, réserve la surprise aux participants de réciter le magnifique poème de Paul Eluard, qui date de 1942:
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté