Consciencieux, François Fillon prend des notes dans un carnet noir qu'il garde dans la poche intérieur de sa veste. Il y griffonne les doléances de ses interlocuteurs, ses impressions. En ce jour
ensoleillé de juillet, le député de Paris goûte, sans se départir de sa réserve habituelle, des joies d'une journée de campagne : il serre poliment les mains tendues, effleure les épis de blés
qui plient sous le vent et admire une moissonneuse-batteuse dernier cri. Souvent, il se triture les peaux des ongles et mordille les branches de ses lunettes, seuls signes révélateurs d'un
bouillonnement intérieur.
Dans les pas de Sarkozy
Tout au long de l'après-midi, François Fillon joue tantôt à ignorer son rival Jean-François Copé (qui ne s'est pas encore déclaré officiellement), tantôt à le dézinguer. Devant les militants, il
prend soin de rappeler qu'il est candidat à la succession de Nicolas Sarkozy, ancien président de l'UMP, et non pas contre Jean-François Copé, qui occupe actuellement le poste de secrétaire
général du parti. "Je ne suis candidat contre personne puisque le président de l'UMP, c'était Nicolas Sarkozy", répète celui qui se pose en "rassembleur" de la "famille" UMP.
Et quand l'ex-locataire de Matignon juge la machine UMP, il rend hommage au président sortant en évitant soigneusement de prononcer le nom du député-maire de Meaux. "Il faut que l'UMP continue la
mutation que Nicolas Sarkozy avait enclenchée notamment en termes d'adhérents. Nicolas Sarkozy a réussi à en faire une très grande formation politique", lance-t-il. Interrogé par un militant sur
ce qui le différencie de Jean-François Copé, Fillon ne répond pas frontalement. "Pour l'instant, je suis le seul candidat déclaré. Et la question n'est pas de différencier les hommes mais de
faire le choix d'un équilibre qui soit le mieux à même de rassembler toutes les tendances de l'UMP", souffle-t-il. Et de mettre en avant Valérie Pecresse, Laurent Wauquiez et Éric Ciotti, une
équipe qui embrasse à la fois le chiraquisme, la droite sociale et l'aile droite du parti.
"Pas d'attaques personnelles"
Mais, en filigrane de son discours, François Fillon décoche ses flèches contre Copé, faisant passer ce dernier pour un personnage agressif, diviseur et désireux de positionner davantage l'UMP à
droite. "Vous ne m'entendrez jamais dire du mal de mes adversaires ou proférer des attaques personnelles. C'est ma conception personnelle de la politique, on n'a pas à se critiquer", insiste
Fillon qui est régulièrement victime des salves de Jean-François Copé et de sa bonne amie Rachida Dati.
"J'entends bien le discours sur on est trop à droite ou on est trop au centre. Mais nous gagnerons seulement si nous rassemblons le plus largement possible. Mon obsession est que l'UMP ne se
rétracte pas et ne se réduise pas", enchaîne-t-il. Alors que le député-maire de Meaux est féru de médias, l'élu de Paris rappelle qu'il a mené "les réformes qui lui avaient été confiées en
faisant le moins de bruit possible". François Fillon, l'homme discret et solitaire, cultive donc ses différences face à un Jean-François Copé chef de bande.
Pole position
Après avoir encaissé les coups sans broncher, François Fillon semble déterminé à les rendre. "François a été suffisamment humilié par Copé. Maintenant, c'est fini", souffle l'un de ses soutiens
au sein du parti. Il entend parcourir les cent fédérations UMP d'ici au 18 novembre, premier tour de l'élection. Un second déplacement est prévu dans quelques jours ou peut-être seulement la
semaine prochaine. Côté pratique, l'équipe Fillon a trouvé un QG de campagne à Paris, rue Saint Dominique, où elle s'installera fin juillet.
En se mettant en piste pour prendre le parti, Fillon cherche à se placer en pole position pour la présidentielle de 2017. Valérie Pecresse, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez et Jérôme Chartier qui
l'accompagnent dans le Loiret ne disent pas autre chose en affirmant qu'il est le meilleur pour l'emporter face à Hollande en 2017. "La vraie question, c'est : qui peut nous faire gagner aux
municipales de 2014 et à la présidentielle de 2017 ? Fillon est le premier opposant, le premier rassembleur, le premier défenseur du bilan de Sarkozy", assène l'ex-ministre Valérie Pecresse.
Source : Le Point