Le communiqué de presse du Conseil d'Etat peut être lu ci-dessous ou ici
L'arrêt peut être lu ici : CE, 10 juillet 2012, SA GDF Suez et Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, n°s 353356 353555
Le communiqué de presse ministériel en réaction peut être téléchargé ici.
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Communiqué de presse du Conseil d'Etat - 10 juillet 2012
Tarif du gaz : Le Conseil d’État annule l’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel.
L’essentiel
Depuis 2009, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel pour les ménages et les entreprises sont fixés en utilisant une formule qui repose sur les coûts payés par les fournisseurs pour s’approvisionner sur le marché. Lors de la révision annuelle des tarifs, le Gouvernement doit appliquer cette formule, dont il peut éventuellement corriger les résultats en fonction des évolutions des coûts déjà intervenues et de celles qui sont prévisibles.
En septembre 2011, l’application de cette formule aurait dû aboutir à une hausse de 10% environ. Le Gouvernement a toutefois décidé de geler les tarifs des ménages et de borner à moins de 5% la hausse pour les entreprises, sans que l’écart avec les résultats de la formule tarifaire soit justifié par une surévaluation initiale des tarifs ou par la baisse prévisible des coûts. Le Conseil d’État annule donc l’arrêté tarifaire du 29 septembre 2011.
Les conséquences de cette annulation seront réduites. Le Gouvernement est tenu de reprendre un arrêté de révision des tarifs, et les opérateurs pourront facturer le complément de prix correspondant. Mais les sommes en cause resteront limitées. En effet, le juge des référés du Conseil d’État avait très vite suspendu l’arrêté tarifaire en raison de doutes sérieux sur sa légalité, et un nouvel arrêté était entré en vigueur peu après. L’arrêté que le Gouvernement doit reprendre à la suite de l’annulation prononcée par le Conseil d’État ne portera donc que la période du 1er octobre 2011 au 1er janvier 2012.
Il reviendra à l’avenir au Gouvernement, s’il estime que la formule tarifaire aboutit à des évolutions qu’il n’estime pas correctes, de modifier celle-ci ; mais tant qu’elle est en vigueur, il doit l’appliquer, pour ne pas fausser les règles de la concurrence.
Par deux requêtes distinctes, la société GDF Suez et l’association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), regroupant plusieurs fournisseurs « alternatifs » de gaz, tels que les sociétés Altergaz, Direct Energie, Gaz de Paris et Poweo, demandaient au Conseil d’État l’annulation de l’arrêté du 29 septembre 2011 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez. La première contestait cet arrêté en tant qu’il n’avait pas fixé l’augmentation des tarifs à un niveau permettant de couvrir ses coûts complets, tandis que la seconde attaquait l’arrêté dans sa totalité.
La réglementation prévoit la fixation par un arrêté interministériel d’une formule tarifaire pour déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel.
En vertu du code de l’énergie, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel, qui s’appliquent aux fournisseurs historiques de gaz, principalement à GDF Suez, lorsque leurs clients n’ont pas exercé la faculté de se fournir auprès du fournisseur de leur choix, sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils doivent couvrir l’ensemble de ces coûts. Le décret du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel prévoit en effet que ces tarifs couvrent les coûts d’approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ce décret précise que, pour chaque fournisseur, une « formule tarifaire » traduit la totalité des coûts d’approvisionnement en gaz naturel et des coûts hors approvisionnement et permet de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente, en fonction des modalités de desserte des clients concernés. Cette formule tarifaire est fixée par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Par ailleurs, le même décret prévoit que, pour chaque fournisseur, un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, pris après avis de la CRE, fixe les barèmes des tarifs réglementés, qui sont réexaminés au moins une fois par an, et révisés s’il y a lieu en fonction de l’évolution de la formule tarifaire et compte tenu des modifications intervenues à titre conservatoire à l’initiative du fournisseur en raison des variations des coûts d’approvisionnement.
Le Conseil d’État relève que les ministres concernés doivent en principe, lorsqu’ils révisent les barèmes des tarifs réglementés de vente du gaz naturel, appliquer la formule tarifaire qu’ils ont préalablement fixée.
Le Conseil d’État juge qu’il résulte de ces textes que les ministres doivent, lorsqu’ils révisent les barèmes des tarifs réglementés de vente de gaz naturel, s’assurer que le niveau des tarifs ainsi fixé permet de couvrir le coût moyen complet de fourniture du gaz naturel, tel qu’il est déterminé par l’application de la formule tarifaire fixée préalablement par arrêté. Ils ne peuvent s’écarter du niveau des tarifs ainsi obtenu qu’aux fins de compenser l’écart, s’il est significatif, qui se serait creusé entre tarifs et coût, au moins au cours de l’année écoulée, et de prendre en compte une estimation de l’évolution de ce coût sur l’année à venir, au regard des éléments dont ils disposent au moment où ils procèdent à la révision des barèmes. Enfin, le Conseil d’État précise que, dès lors que la formule tarifaire ne traduit plus correctement les coûts du fournisseur, et notamment ses coûts d’approvisionnement en gaz naturel, il appartient aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie, après avis de la CRE, de la modifier. Cette modification doit toutefois, pour être prise en compte dans la révision des barèmes, être préalable à celle-ci.
Tirant les conséquences de ces principes, le Conseil d’État juge que l’arrêté du 29 septembre 2011 est entaché d’erreur de droit, en ce qu’il fixe les tarifs à un niveau très inférieur à celui qui aurait résulté de la formule tarifaire alors en vigueur, sans que cet écart soit justifié.
Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique avaient fixé la formule tarifaire en fonction de laquelle sont déterminés les tarifs réglementés de vente hors taxes du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez par un arrêté du 9 décembre 2010. Le Conseil d’État relève que l’application de cette formule tarifaire faisait apparaître une augmentation du coût d’approvisionnement en gaz naturel qui aurait conduit en moyenne, au 1er octobre 2011, à une hausse des tarifs variant, à structure tarifaire inchangée, de 8,8 % à 10 % selon les tarifs.
Or, l’arrêté interministériel du 29 septembre 2011, attaqué par la société GDF Suez et par l’ANODE, avait maintenu à l’identique les tarifs réglementés applicables aux clients résidentiels et aux petits clients professionnels, et augmenté en moyenne de 4,9 % les tarifs réglementés applicables aux autres clients, mais sans que la différence entre cette évolution des tarifs et celle des coûts soit justifiée par une surévaluation initiale des tarifs ou par la baisse prévisible des coûts. Le Conseil d’État juge que, en procédant ainsi, les ministres concernés ont commis une erreur de droit. Si les ministres estimaient que les évolutions constatées des coûts d’approvisionnement rendaient nécessaire une modification de la formule tarifaire, il leur appartenait en effet de procéder à cette modification avant de réviser les barèmes.
Le Conseil d’État ne limite pas les effets rétroactifs de cette annulation et enjoint aux ministres concernés de prendre un nouvel arrêté de fixation des tarifs pour la période du 1er octobre 2011 au 1er janvier 2012.
Pour mémoire, le juge des référés du Conseil d’État avait déjà suspendu l’exécution de l’arrêté litigieux près de deux mois après son adoption, par une ordonnance du 28 novembre 2011, prise sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. A la suite de cette suspension, les ministres chargés de l’économie et de l’énergie ont pris, le 22 décembre 2011, un nouvel arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez. Cet arrêté a fixé de nouveaux barèmes qui se sont appliqués à compter du 1er janvier 2012.
Dans ces conditions, le Conseil d’État estime que l’annulation de l’arrêté du 29 septembre 2011 n’est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits que des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, et qu’il n’y a donc pas lieu de limiter les effets dans le temps de l’annulation de cet acte. En effet, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il peut être dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses.
Le Conseil d’État juge que l’annulation qu’il prononce implique en revanche nécessairement l’adoption d’un nouvel arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez pour la période du 1er octobre 2011 au 1er janvier 2012, date d’entrée en vigueur des tarifs fixés par l’arrêté adopté le 22 décembre 2011. Il enjoint donc aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie de prendre, dans un délai d’un mois, un nouvel arrêté fixant une évolution des tarifs conforme aux principes énoncés dans sa décision.