Œuvre semi-autobiographique d’Ann Hui On-Wah, Song of the Exile (1990) met
en scène la jeune Hueyin (Maggie Cheung Man-Yuk) installée à Londres. Cette
dernière retourne à Hong Kong à l’occasion du mariage de sa sœur. Elle y retrouve
alors sa mère, Aiko (Luk Siu-Fan) femme irascible d’origine japonaise. Les deux
femmes ne tardent pas à entrer en conflit comme par le passé…
Sur un scénario de Wu Nien-Jen,
co-scénariste de La Cité des Douleurs
(1989) de Hou Hsiao Hsien, Song of the Exile pourrait
s’assimiler à l’œuvre du taïwanais. Les deux films se rapprochent notamment
dans cette façon de raconter une famille emportée par la grande Histoire qui se
joue. Mais si Hou Hsiao Hsien ancrait son récit à Taïwan, Ann Hui, elle traite
des relations d’une mère et d’une fille qui connaissent l’exil chacune à leur
façon. Au gré de l’histoire qui semble se répéter, la cinéaste hongkongaise
narre un récit qui prend racine après la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux
années 70. Elle nous emmène de la Grande-Bretagne à la Chine en passant par
Macao, Hong Kong et le Japon. A travers plusieurs flashbacks qui s’immiscent
parfaitement à la narration tout en pudeur, Ann Hui met en parallèle ces
différentes époques tout en retranscrivant les différences culturelles
existantes. Ces époques se superposent, se répondent et nous montrent notamment
l’évolution des mœurs chez les femmes. Si la mélodie qui se joue se veut douce,
elle s’avère également dure à l’image des relations qu’entretiennent Hueyin et
sa mère Aiko. Toutes les deux connaissent le déracinement et un profond
ressentiment l’une à l’encontre de l’autre. Cette incompréhension permanente, et
ce, depuis la tendre enfance du personnage interprété par Maggie Cheung les
amènera à rechercher leurs racines, cet héritage si douloureux participant à
leur identité.
Se jouant comme une mélodie suave
faite de nostalgie âpre, Song of the
Exile s’inscrit comme un grand film sur les relations tendues au sein d’une
même famille mais également un regard sur le déracinement et la diaspora de ses
membres. Une poésie cinématographique de l’intime, sublime, mise en scène avec
délicatesse.
I.D.