Ségolène Royal était hier l’invitée de l’émission « j’ai une question à vous poser ».
La candidate a paru d’abord un peu crispée – ce qui se conçoit assez bien, étant donné que l’émission avait été présentée par les media comme l’émission de la dernière chance -, puis elle s’est détendue au fil du temps. Malgré tout, sur la forme, elle m’a paru moins habile que N. Sarkozy.
Lorsqu’une question embarrasse, une des techniques de l’art oratoire est de commenter la question posée plutôt que d’y répondre. Ségolène Royal abuse de ce procédé, qu’elle emploie de manière quasi systématique : « c’est une excellente question, merci de l’avoir posée », « c’est un problème très important que vous soulevez ici », « merci pour ce témoignage vibrant », « vous avez tout à fait raison », etc.
Au-delà, la candidate utilise toutes les stratégies d’évitement possibles : elle reste dans les généralités, parlant de sa volonté de faire de la politique autrement, elle élargit la question pour que la réponse puisse correspondre à un point de son « pacte présidentiel » (« votre question pose plus généralement le problème de... »), elle répond à des questions qui ne lui sont pas posées (c’est ainsi qu’elle fait un long développement sur les prisons à deux Français qui l’interrogeaient l’un sur le logement et l’autre sur la lutte contre l’alcoolisme), elle clôt toute discussion en affirmant, sans dire comment, que « clairement, le problème sera réglé » (je pense par exemple à cet handicapé qui l’interroge sur la cotorep)...
Ségolène Royal répugne à déplaire, et elle dit quasiment à chacun de ses interlocuteurs qu’il a raison, ce qui la conduit à acquiescer à des absurdités, comme l’idée de réunir le conseil des ministres à Clichy-sous-bois. Cela la pousse aussi à se contredire au moins en apparence, par exemple au sujet de la police de proximité : affirmant d’abord qu’elle rétablira cette police, elle répond "vous avez tout à fait raison" à son interlocuteur qui lui dit que la police de proximité ne sert à rien puisqu’elle ne fonctionne que le jour et que les violences ont lieu la nuit ! Ce genre de maladresses formelles n'est pas trop grave dans le cadre d’une émission, mais il y a tout de même de quoi s'inquiéter lorsqu’on réfléchit que le président de la république dirige la diplomatie française et qu'il faut alors savoir faire preuve de fermeté et de conviction...
J’en viens maintenant au fond. Les commentaires que je faisais récemment sur le discours de Villepinte restent tous d’actualité, et pour ne pas me répéter, je concentrerai mon attention sur une question qui m’a paru révélatrice : celle des PME et TPE : S. Royal prétend vouloir réconcilier les Français avec l’entreprise et propose ce qu’elle appelle une stratégie « gagnant-gagnant », autrement dit une stratégie qui favorise l’emploi sans nuire pour autant à l’entreprise. Pour cela, elle promet de redéployer les aides aux entreprises qui créent de l’emploi, grâce à des « exonérations de charges modulées en fonction de la masse salariale ».
Une fois de plus, le parti socialiste tend à confondre l’entreprise avec les très grandes entreprises. Il existe pourtant en France 1,5 millions de PME et TPE qui représentent plus de 80% de la masse salariale. C’est en favorisant les PME et les TPE que la France a le plus de chance de faire reculer l’emploi. Certes, S. Royal a annoncé hier vouloir réserver aux PME une part des marchés publics, mais au delà de cette proposition, on a assisté à un véritable dialogue de sourds entre deux ou trois dirigeants de PME et de TPE et la candidate.
Une participante soulignait que les charges sont trop lourdes pour qu'un artisan ou un petit patron puisse se permettre d’embaucher un salarié supplémentaire. Une directrice de chantier avouait à la fois devoir refuser des chantiers parce qu’elle n’avait pas suffisamment d’ouvriers pour satisfaire toutes les demandes, et à la fois ne pas pouvoir embaucher de nouveaux salariés en raison du poids de la fiscalité. Unanimement, ces petits patrons demandaient la baisse des charges de façon à pouvoir mieux payer leurs salariés et à en embaucher de nouveaux.
Or, S. Royal leur répond, avons-nous dit, qu'elle distribuera des aides aux entreprises qui créent de l’emploi : elle prend ainsi le problème à l’envers, puisque beaucoup de TPE et de PME n’ont justement pas les moyens de créer ces emplois et ne recevront donc jamais les aides attribuées ! Et pour être bien sûre que cette situation se cristallisera et que les TPE pourront encore moins embaucher, S. Royal propose la hausse du smic à 1500 euros... L’enfer socialiste est pavé de bonnes intentions !