Jean-Marc Ayrault a donc organisé, comme convenu, une conférence sociale cette semaine. A droite, on couine, on grince, on proteste. Ces gens-là pourraient avoir la décence de se taire le temps de quelques mois. Quand il était Monarque, Nicolas Sarkozy attendit la Grande Crise et d'immenses manifestations pour déclencher quelque misérable mises en scène médiatiques à l'Elysée qu'il qualifia de sociales.
En janvier 2009, cet homme déjà tourneboulé par une secousse économique qu'il n'avait venir, s'était précipité à annoncer la tenue d'un sommet social. Il avait imaginé bien des Grenelle (Environnement, Mer, Jeunesse), mais aucun ne concernait les questions pourtant essentielles du chômage, des salaires, et des conditions de travail. Des mois durant, il a fallu répéter que Nicolas Sarkozy n'avait protégé personne contre la Grande Crise. C'est l'Etat-providence qui nous a protégé. Le reste n'est que pipeau et hypocrisie. Point barre. En janvier 2009, il a eu la trouille. Un proche ministre avait confié que « le président s'est montré très surpris par la tournure des événements ».
En 2010, ce fut le grand cirque de la réforme des retraites. Un grand show, une belle manipulation. Qu'importe le résultat, par ailleurs injuste et sans réelle efficacité. Nicolas Sarkozy s'est planqué. Il avait laissé son trésorier favori, Eric Woerth, multiplier les annonces et les démentis jusqu'à dévoiler, le 16 juin 2010, les contours d'une réforme qui ne résolvait rien. Pendant des mois, les perroquets sarkozyste tentèrent de convaincre que la pénibilité des carrières avait été enfin prise en compte. C'était ignoble. La pénibilité version Sarkozy s'appelait handicap de travail. Perdez un bras (20% d"invalidité), et vous aurez le droit à la retraite à 60 ans... Mais attention, choisissez votre moment, votre 60ème anniversaire. Si l'accident arrive plus tard... c'est trop tard... Quand François Hollande régla par décret une première des injustices de la réforme Sarkozy - permettre l'accès à une retraite à taux plein dès 60 ans pour celles et ceux ayant travaillé dès 18 ou 19 ans - , il y en eut, parmi les perroquets sarkozystes, pour hurler aux déficits.
En 2011, Sarkozy avait oublié le chômage. Il nous en promettait la baisse depuis deux ans déjà. Il aurait dû se taire. Ou admettre que la Crise avait été plus forte que lui.
Le 1er décembre 2011 à Toulon, lors d'un discours raté qu'il espérait réussi, Nicolas Sarkozy lança l'idée d'un autre sommet, calé pour le 18 janvier suivant. Il ne voulait pas entrer officiellement en campagne. Il l'était depuis trop longtemps, mais officieusement, sur fonds publics et présidentiels. Bravache, il avait promis qu'on allait voir ce qu'on allait voir; qu'il aurait des annonces « fortes et décisives » à faire. Le 18 janvier en question, nous fûmes déçus et même à droite. La France avait perdu son Saint Triple A depuis le vendredi 13 (sic!). Et la seule idée « forte et décisive » de Nicolas Sarkozy fut de promettre... des promesses! Il avait si peu d'idées qu'il voulait les garder pour sa campagne officielle. Il pré-annonça une réforme de la formation professionnelle, la création d'une banque de l'industrie, des « mesures extrêmement puissantes » mais non détaillées sur le logement, et un projet de taxe sur les transactions financières...
Cette droite-là, donc, n'avait rien eu à dire en matière de concertation sociale.
Lundi 9 juillet 2012, François Hollande a ouvert sa conférence sociale par une intervention d'une heure devant les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Cette conférence doit déboucher sur un agenda social
«cohérent et partagé permettant d'avancer en commun dans le respect de
l'indépendance de chacun». La démarche est différente: un temps pour discuter, un an pour agir puis en faire le bilan. Devant le Cese, Hollande a rappelé les trois défis, compétitivité, redressement des comptes et lutte contre le chômage. « Des efforts seront nécessaires, (...) chacun est prêt à consentir.»
Ce discours d'ouverture a été suivi d'une première rencontre des partenaires sociaux chez le premier ministre. Le premier thème était l'égalité professionnelle. Quelques propositions ont été discutées. Une nouvelle négociation spécifique devrait s'ouvrir le 21 septembre « sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle », a confié un témoin. Une autre idée est un durcissement, par décret, des sanctions contre les entreprises ne respectant pas la loi.
Au total, sept tables rondes sont organisées. Tous les syndicats, même le Medef étaient satisfaits de la démarche. Laurence Parisot dût admettre: «Nous partageons la démarche de François Hollande sur le dialogue social». Pourtant, à droite, quelques anciens perroquets avaient la dent dur.
François Fillon a critiqué... la méthode, sans rire.
« Le dialogue social, c'est toujours utile. (...) Il
y a juste une chose qui m'inquiète, c'est que François Hollande a dit
qu'il en tirerait les enseignements dans un an. Franchement, l'économie
française n'a pas un an à attendre ».
Valérie Pécresse n'était plus honnête.
Elle était franchement pire.
«J’ai peur que cette conférence sociale ne fasse une victime : l’emploi. (...) Parce
que, très paradoxalement, toutes les premières décisions du
gouvernement (...) me paraissent porter atteinte à la fois au pouvoir
d’achat, à l’emploi et à la compétitivité de notre pays»
« (Elle) ne doit pas uniquement remettre à plus tard des décisions qui
s’imposent. Il ne suffit pas de détricoter l'ère Sarkozy pour être un
gouvernement efficace. (...° Il y a urgence, il y
a urgence sur l’emploi, il y a urgence sur la formation
professionnelle, il y a urgence sur la compétitivité du pays.»
Eric Woerth
« François Hollande n'a en revanche pas dit un mot sur les emplois
d'avenir, autre mesure phare de son programme.(...) François Hollande est ensuite resté très flou sur la question des retraites.»
Marc Landré (Le Figaro)
Qu'ils se taisent.