La droite sait compter. Quand Xavier Bertrand affirme que la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires va coûter quelques centaines d'euros par mois aux salariés concernés, il ment. Il ment effrontément car comme ancien ministre du Travail, il connaît la réalité des chiffres et il n'est pas le seul. Il y a six mois justement, les députés Jean-Pierre Gorges (UMP) et Jean Mallot (PS) rendaient un rapport parlementaire sur le sujet. Verdict : le gain de pouvoir d'achat a été en moyenne de 450 euros par an pour les salariés qui ont fait des heures supplémentaires et qui ont bénéficié de la défiscalisation.
L'acharnement de la droite à défendre la mesure s'explique essentiellement par le fait qu'elle est au cœur de l'héritage Sarkozy et notamment du concept du travailler plus pour gagner plus. 500 € par an ne constitue pas une somme négligeable pour des petits salaires mais le dispositif est pernicieux puisqu'il oppose les travailleurs entre eux. Entre ceux qui ont un travail et qui peuvent améliorer très légèrement leur situation et ceux, qui privés de travail sont enfermés dans le chômage par des entreprises qui faute de visibilité préfèrent payer des heures supplémentaires qu'embaucher.
C'est ce qu'a avancé Jean-Marc Ayrault le 4 juillet sur TF1. "D'abord, les heures supplémentaires sont payées plus chères que les heures normales même sans cette disposition, mais surtout la défiscalisation décourage l'emploi. Beaucoup d'entreprises auraient pu embaucher et ne l'ont pas fait à cause de cette mesure qui faisait qu'une heure supplémentaire payée au salarié était moins chère qu'une heure normale".
La situation est plus complexe qu'il n'y paraît. Dans les faits, 43% du volume total des heures supplémentaires sont réalisées dans des entreprises de moins de 20 salariés or ces TPE pourront toujours exonérer ces heures des charges sociales patronales. Parallèlement, aucune étude ne démontre l'effet négatif de la défiscalisation des heures supplémentaires sur l'emploi.
Michel Sapin, le nouveau le ministre du travail, voit surtout dans la fin de cette défiscalisation "une mesure de justice nécessaire" car le dispositif ne bénéficiait ni aux non salariés ni aux salariés à temps partiel. Des économistes du CNRS soulignent en outre, chiffres à l'appui que la défiscalisation des heures supplémentaires est en réalité un outil d'optimisation fiscale pour les entreprises.
Conscient néanmoins du risque politique, le gouvernement semble décidé à temporiser. Si les exonérations sociales des heures supplémentaires cesseront (sauf pour les très petites entreprises) en 2012, la défiscalisation pour les salariés n'interviendra pas avant le 1er janvier 2013. Prudent, le gouvernement n'exclut pas à ce moment là de proposer des contreparties aux salariés concernés.
La conjoncture, il vrai, est préoccupante. Tant pour les entreprises dont la situation financière est désastreuse que pour les ménages dont le pouvoir d'achat va connaître cette année une baisse historique d'au moins 1,2%.
Tout l'enjeu consiste à séparer le bon grain de l'ivraie. Cela requiert du cousu main pour sauver d'une part des entreprises au bord de la faillite mais aussi, des ménages au bord de la précarité sans encourager, dans un contexte d'Etat désargenté, ni l'assistanat ni les licenciements boursiers.
Ce n'est là pourtant que la partie émergée de la difficulté. Le point dur en arrière-plan, c'est la question du financement de notre protection sociale, largement déficitaire, qui impacte lourdement le coût du travail et donc notre compétitivité. Jamais la remise à plat fiscale promise par le candidat Hollande n'aura été aussi urgente et nécessaire.