Titre original : Alien Resurrection
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Distribution : Sigourney Weaver, Winona Ryder, Ron Perlman, Dominique Pinon, Brad Dourif, Dan Hedaya, Gary Dourdan, Raymond Cruz, Michael Wincott…
Genre : Science-fiction/Action/Horreur
Date de sortie : 12 novembre 1997
Le Pitch :
200 ans après la mort de Ripley, une équipe de scientifiques à bord du vaisseau spatial militaire Auriga, est parvenue à cloner la jeune femme en croisant son ADN avec celui de l’embryon alien. Ressuscitée, le lieutenant découvre que des manipulations génétiques ont été faites sur des cobayes humains vendus par un équipage de dangereux pirates et de mercenaires, et qu’elle-même possède certaines caractéristiques des aliens. Les expériences donnent naissance à de nouveaux monstres, et lorsque ceux-ci s’échappent des laboratoires, la situation s’annonce mal…
Critique :
Alien : La Résurrection fait sourire. Non pas parce que c’est le quatrième volet d’une franchise qui avait déjà foncé dans le mur et qui se contente de recycler les restes. Même si c’est le cas. Non pas parce que c’est l’exemple parfait d’une suite pourrie qui n’a quasiment aucun rapport avec le sujet d’origine et qui aura néanmoins ses admirateurs. Même si c’est le cas. Après tout, dès qu’un film à succès a trouvé ses fans, libre aux studios de sortir n’importe quoi sous le même titre et il y aura toujours un public qui répondra présent, que ce soit un tas de conneries ou pas. Réfléchissez : on nous a servi combien de Vendredi 13, déjà ? Onze ? Douze si on compte le remake à deux balles ? Est-ce que même un seul de ces douze films valait son pesant de cacahuètes ?
Non, Alien : La Résurrection fait sourire parce que le responsable de son scénario cousu de fil blanc, c’est Joss Whedon. Oui, le papa de Buffy, d’Avengers et le maître de Firefly. C’est assez drôle que le dieu des geeks ait commencé sa carrière avec un des longs-métrages de science-fiction les plus débiles du cinéma. Avec le succès de Prometheus et d’Avengers, certains se demandent sûrement pourquoi personne n’a eu la bonne idée de réunir J-Man et la saga Alien ensemble. Pas la peine de chercher très loin : Alien : La Résurrection en est la preuve.
Alien est maintenant une franchise qui a perdu son inspiration. Tout ce qui la rendait intéressante a sombré dans l’oubli. Le chef-d’œuvre original de Ridley Scott reste l’un des embryons de l’horreur et de la science-fiction moderne, qui laissait beaucoup de place à l’amélioration. Sauf que ses suites ont suivi une chute progressive en qualité.
Aliens, Le Retour de James Cameron a bien fait de suivre les traces de Scott et s’inscrit dans les classiques grâce à sa mise en scène impeccable. Mais malgré le talent de David Fincher, l’ensemble d’Alien 3 revient à une simple commande, un moulin à viande des plus conventionnels qui n’a fait qu’enfoncer une porte ouverte. Les studios jouaient au ping-pong avec les responsabilités du scénariste et du réalisateur, jusqu’à ce que le résultat final n’ait rien à voir avec la version d’origine prévue par Fincher. Avec six réécritures du scénario, un budget en spirale et un niveau incroyable d’intervention des producteurs, Alien 3 a même fini par être renié par son créateur. Tous les personnages sont morts, les xénomorphes ne font plus peur… Le deuxième pied est dans la tombe.
Cinq ans plus tard, devinez combien de dollars il a fallu pour déterrer à nouveau la saga ? 11 millions. En soit, le salaire qu’il a fallu payer à Sigourney Weaver pour qu’elle se ramène devant la caméra. C’était aussi, accessoirement, le budget d’Alien. Et nous voici avec Alien : La Résurrection, la seule excursion hollywoodienne du réalisateur français Jean-Pierre Jeunet, et le quatrième chapitre de ce qui s’intitule maintenant la « quadrilogie » Alien. Même le mot est maladroit.
En tout cas, l’œuvre de Jeunet ne perd pas de temps concernant la résurrection. Après tout, si Alien 3 avait craché sur la fin du volet précédent, pourquoi ne pas en faire de même ? Ripley revient d’entre les morts, grâce au clonage dès les premières minutes du film, et Weaver montre qu’elle est toujours aussi splendide dans le rôle. Forte, lasse, sardonique, elle rayonne dans quelques scènes et donne même l’envie de la revoir dans des suites potentielles. Si seulement le film lui-même lui accordait un peu d’attention et évitait de seulement lui servir des dialogues lapidaires qui sonnent cool dans la bande annonce. L’idée est que Ripley est une sorte de mutante hybride, son ADN humain également constitué d’éléments xénomorphes. Intéressant, certes, mais ce fil narratif s’égare en chemin et n’aboutit pas à grand-chose.
Pour s’assurer que c’est bien la Ripley qu’on connaît tous, l’intrigue offre l’explication que ses gènes lui ont permis de préserver ses souvenirs. Les scientifiques du film nous disent que c’est de la mémoire génétique. Les gars, c’est pas comme ça que ça marche. Votre théorie scientifique est un tas de conneries. Comme si un cookie pouvait se rappeler à quoi ressemblait le gingembre.
Il se trouve aussi que la nouvelle Ripley est différente de l’originale : elle pense que le mot « fourchette » veut dire « foutaise » (Pourquoi ? Parce que c’est rigolo!), et elle est doté de superpouvoirs, comme une force inouïe et du sang acide. Et que fait-elle, avec ces pouvoirs ? Elle joue au basket, elle tabasse Ron Perlman, et elle utilise la télépathie pour expliquer l’intrigue. Dans une scène où elle s’échappe de sa cellule, elle utilise sa force surhumaine pour ouvrir une brèche dans un mur à mains nues, s’entaille sur du métal pointu, et utilise son sang acide pour court-circuiter un mécanisme électronique et ouvrir la porte…Quand elle aurait pu tout simplement utiliser sa force surhumaine pour…ouvrir cette même porte. C’est clair que le sang des xénomorphes, c’est pas bon pour la santé.
Alien : La Résurrection comprend un casting pour le moins antipathique et oubliable, ponctué par quelques exceptions, qui se distinguent uniquement du lot par des jeux d’acteurs bizarres et cabotins. Notamment, la prestation de Ron Perlman (dont le personnage est tellement bête qu’on se demande s’il n’est pas le lien manquant entre l’homme de Cro-Magnon et l’homme moderne) et de Brad Dourif, qui semble avoir complètement perdu la boule et oublié ce que signifie le mot « subtil ».
Et puis il y a Winona Ryder, l’actrice qui épaule Sigourney Weaver, et si c’est bien une actrice qui a fait ses preuves, difficile d’en être fan ici. Son jeu manque de conviction et n’a rien de naturel. Elle tire la tronche en permanence, elle insulte et engueule tout le monde, et à chaque fois qu’elle s’énerve, elle ressemble à une gamine de douze ans qui pique sa crise parce qu’elle n’a pas eu sa glace. Mignonne, mais pas attachante. Ses motivations changent de scène en scène, et lorsque des secrets à propos de son personnage sont révélés, ils amènent plus de questions que de réponses.
La saga Alien a toujours bénéficié d’excellents environnements futuristes. Ici, Jean-Pierre et compagnie semblent avoir placé l’action dans un hangar, supplanté avec des effets spéciaux risibles. Il n’existe aucun plan dans le film qui puisse émerveiller ou impressionner le spectateur. Tout n’est que labyrinthes claustrophobes de couloirs en acier gris, des grilles, des conduits inutiles et des ventilateurs industriels. C’est aussi très sombre, comme dans tous les films de science-fiction. Pourquoi est-ce que l’éclairage arrive toujours en dernier sur la liste des priorités architecturales d’un vaisseau spatial ? C’est comme jouer à Wing Commander avec les lumières éteintes pour faire semblant qu’on est dans l’espace. Même les séquences standards de navettes en plein vol dans le vide interstellaire semblent superficielles.
Ce qui devient vraiment un obstacle pour le film, c’est la largesse ridicule de Jean-Pierre Jeunet. Le visionnaire derrière Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et La Cité des Enfants Perdus ne semble pas avoir la bonne mentalité pour s’attaquer aux nuances subtiles d’Alien. Là où une scène a besoin de tension, il rajoute un gag. Quand un peu de mystère pourrait pimenter l’intrigue, lui y va avec franchise. Le ton est kitsch et satirique : idéal pour un pastiche, mais tragiquement inapproprié pour un film Alien.
Parmi d’autres excentricités aggravantes, on peut compter un pirate qui peut faire ricocher ses tirs sur n’importe quelle surface, avec une précision hors-pair, mais qui est incapable de toucher un alien devant lui à bout portant, un système d’identification par haleine (parce les analyses vocales, les empreintes digitales et les scans rétiniens, c’est nul !), et des glaçons de whisky qu’il faut liquéfier avec un laser pour boire. D’accord, c’est le futur, mais sérieusement, c’est un pas un peu compliqué juste pour se servir un verre ? Les bouteilles, c’est plus à la mode ?
Concernant les xénomorphes, il n’y a plus de surprise. Toutes les règles établies précédemment dans l’univers d’Alien sont jetées à la poubelle. Les aliens ne sont plus des machines à tuer, mais plutôt des toutous enragés qui ont le sens de l’humour. Les fameux facehuggers sont à peu près aussi dangereux que des papillons, et on devine dés le début qui sera au menu des monstres puisque quasiment tous les personnages sont là pour mourir. Tout suspens est obligatoire et pas unique, chose qui ne peut pas être compensée par le niveau de gore parfois généreux. S’il y a vraiment un truc qui fasse peur, c’est les épaules très poilues de Dan Hedaya.
Aujourd’hui, quel est l’impact d’Alien : La Résurrection ? Côté finances, le film a boosté les carrières de Weaver et de Ryder, qui travaillent encore au cinéma. Et comme toujours, il a bien géré au box-office. Côté artistique, que dalle. Aucun impact. C’est un cirque qui débarque en ville, fait son numéro, puis s’efface dans le néant. Quand on considère l’importance de la mythologie Alien, il est étonnant de voir une telle licence toucher le fond, et ceci d’une façon aussi bizarre. Les fans crient souvent à la déception et à la frustration, mais ici c’est surtout la surprise qui marque. Que s’est-il passé ?
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : 20th Century Fox