« J’ai annoncé que je voulais définitivement rompre avec les dérives de la Françafrique. Il ne s'agit pas seulement de faire disparaître la cellule africaine de l'Élysée, nous le ferons, mais d'ériger la transparence en principe cardinal de toute notre diplomatie africaine. Je veillerai tout particulièrement à ce que l'action des acteurs publics soit irréprochable en la matière. » François Hollande, interview au journal Le MessagerIl l'a dit pendant sa campagne, Jean-Marc Ayrault l'a redit dans son discours de politique générale le 3 juillet dernier. L'administration Hollande veut rompre avec la Françafrique. Interrogé à Paris le 5 juillet, Ali Bongo n'a pas fait d'humour en déclarant: « la Françafrique, je ne connais pas. »
Cette rencontre franco-gabonaise suivait deux autres réceptions de chefs d'Etat africains controversés le président guinéen, Alpha Condé (le 2 juillet) et le président du Bénin, Boni Yayi. Toutes les trois ont fait hurler quelques blogueurs, opposants et associations. A tort et à raison.
Ces critiques avaient tort car rompre avec la Françafrique se jugera sur des actes plus importants que l'absence ou pas de rencontres officielles. Nicolas Sarkozy avait également promis de rompre avec la Françafrique, mais il s'était assuré du soutien d'Omar Bongo. On se souvient de cette étonnante video d'un rendez-vous des deux hommes en pleine campagne présidentielle de 2006.
Et quand son premier secrétaire d'Etat chargé de la Coopération, Jean-Marie Bockel, déclara dans la presse que « la Françafrique était terminée », l'ancien Monarque le vira manu militari dès que Bongo le demanda. Il nomma à sa place le fidèle Alain Joyandet qui, de surcroît, gérait une entreprise familiale de construction de bateau en bois précieux... africain. Le monde était bien fait.
François Hollande n'a pas ces relations. Ses propres réseaux sont différents. C'est ce qui inquiète quelques pontes africains. Rappelons que Sarkozy avait nommé Bernard Kouchner aux Affaires Etrangères. On découvrit plus tard, notamment grâce à la minutieuse enquête de Pierre Péant sur le réseau K, que l'ancien French Doctor était complètement affidé aux autocrates locaux, à qui il avait prodigué de rémunérateurs conseils. De surcroît, la politique étrangère de la France resta dictée à l'Elysée. Claude Guéant, secrétaire général du Palais jusqu'en 2010, assuma l'entière responsabilité des rapports clandestins avec les potentats africains. En un sens, Nicolas Sarkozy fut incroyablement fidèle aux traditions gaullistes et mitterrandiennes.
Avec Hollande, le changement est là et pourvu qu'il dure: on ne connait pas à Laurent Fabius de collaborations françafricaines particulières. Il est réputé ami d'Alassane Ouattara, l'actuel président ivorien, alors que d'autres socialistes préféraient Laurent Gbagbo.
La nomination de Fabius, une personnalité importante, est aussi le signe qu'il est censé exercer son ministère de plein exercice. Il ne doit pas être le pantin qu'était Kouchner.
Le secrétariat d'Etat à la coopération a été supprimé et remplacé par un ministère du Développement, qui fut confié à ... un eurodéputé écologiste, Pascal Cafin. L'homme mérite d'être connu: ancien journaliste d'Alternatives économiques, il fut l'initiateur de Finance Watch, et a participé au lancement du site Sauvons les riches.
Les critiques contre ces premières rencontres françafricaines avaient raison car la vigilance doit demeurer de tous les instants. Il faut faire savoir et répéter que nous sommes sur les gardes.
Du premier au dernier jour de cette présidence.
La Françafrique n'est plus une question d'influence française en Afrique. Cette dernière, de toutes façons, est mise à mal par la Chine, très offensive sur le continent. La Françafrique est cet ensemble de relations troubles et clandestines basée sur la cupidité, la corruption et le chantage.
La rupture avec les anciens réseaux et les anciennes pratiques se jugera d'abord sur le traitement de l’affaire « des biens mal acquis » de certains dirigeants africains. La justice française n'en finit pas de découvrir l'ampleur de la fortune d'une poignée d'autocrates africains, mais l'ancien gouvernement, via des instructions au parquet, n'a cessé de freiner ces instructions. La dernière perquisition spectaculaire date de février dernier, dans l'appartement du fils du président de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema.