Il y a de ces choses impossibles à
expliquer. Expliquer clairement j’entends. Comme ce sentiment que l’on vit face
à une situation sans que notre intelligence ou notre capacité de traduction
puissent la rendre intelligible pour tous. Ce sentiment d’être face à des gens
très critiques (en québécois, ça ressemblerait davantage à critiqueux) sans
avoir certains prérequis pour établir cette dite critique. Je tente de
m’expliquer. En ce beau samedi d’été, Jo et moi partons pour la province et nous
accompagne dans la machine un beau timoun de 3 ans. En québécois bien induits
des bonnes pratiques en matière de sécurité automobile, nous avons de manière
sécuritaire installé le ti-cul en question dans un siège d’enfant conformes aux
exigences du CSA (Canadian Standards Association). Le siège bien amarré à la
bagnole et le timoun aussi bien amarré au siège. Toujours dans cette logique
‘sécuritaire’, Jo et moi avons bouclé nos ceintures. Je ne parle pas de celles
qui tiennent nos culottes, mais de celles qui nous lient à notre siège. Le
ti-cul bercé par les trous de la chaussée s’est endormi. Jo, bercée par je ne
sais quoi, c’est elle aussi assoupie en donnant à son siège des allures qui se
rapprochent davantage d’une chaise longue. RFI me berce les oreilles au son du
blues de Buddy Guy. Des moments de petits bonheurs. Dans un de ces villages où
la route nationale sert de marché, la vitesse se réduit de manière drastique.
Vitesse réduite encore davantage par un fonctionnaire de la PNH qui décide de
m’arrêter. Le moteur électrique du 4x4 descend rapidement la fenêtre pour que
le policier puisse assumer auprès de moi sa fonction. Il s’engage
énergétiquement dans un long monologue sécuritaire pour m’expliquer qu’en cas
d’accident, la position assoupie de Jo est hautement risquée. Il nous fait donc
don de ses conseils… Pire, pour le timoun qui dort derrière, on devrait ajouter
un support supplémentaire à son cou pour éviter qu’il ne se blesse gravement si
jamais on crashait dans un autre voiture au moment où Morphée envahissait ses
pensées. Il devait comprendre à ma politesse légèrement hébétée que j’entrais
dans la quatrième dimension… Par jour, le bonhomme voit passer en silence 845
taptap et 169 autobus super-bondés où des gens sont accrochés n’importe comment
sur la carlingue. Des familles qui circulent dans des véhicules finis où les
enfants se tiennent debout devant le passager le menton bien appuyé sur le
‘dash’, ou d’autres debout entre le conducteur et sa passagère. Sans compter
ceux debout sur le siège arrière qui te saluent amicalement quand tu les suis.
Ce même policier qui m’interpelle pour faire une trop longue leçon sur le
respect de certaines règles de sécurité. Le moteur électrique a remonté la
vitre et nous avons silencieusement repris la route. Jo a lentement grogné
« Est-ce que j’ai rêvé ? » « C’est sûrement plus simple de
penser que tu as effectivement rêvé, que d’essayer de donner un sens à ce qui
vient de se passer. » Cet évènement est malheureusement représentatif de
cette attitude locale de sauter sur toutes les occasions pour écraser doucement
le nez d’un blanc dans son caca, peu importe l’épaisseur. Chacun ses petites victoires.