La compagnie In situ organise cette année et à Paris le projet "Tu vois ce que je veux dire." Il s'agit paradoxalement de faire une visite sans rien y voir. Ces promenades ont commencées en 2005 à Marseille grâce à l'initiative de Martin Chaput et Martial Chazallon. Un bandeau sur les yeux, une guide et c'est parti pour une balade de 2h30.
Pour ceux que ça interesse, je vous conseille de ne pas lire la suite de l'article avant la promenade au risque de gacher la surprise.
En attendant, voici les informations pratiques
Prochaines visite le 13 et 14 juillet 2012
Inscription gratuite au : 01 40 03 78 10
Départ métro Botzaris
La promenade commance donc tout simplement avec des explications sur "comment se laisser guider" et aborder les passages un peu épineux: rues étroites, flaques d'eau, trottoir.... Une fois les basiques compris c'est parti pour 2h30 de marche. Dans le noir, l'équilibre est perturbé, le corps tangue à droite et à gauche, sans compter sur la peur inconsiente de rencontrer un obstacle "je ne vois pas ce qu'il y a, je peux pas etendre les bras devant moi pour vérifier s'il y a quelque chose, j'assume donc inconsciemment qu'il y a un obstacle et que je vais m'y cogner." Petit à petit, la confiance s'installe et on peut aller plus rapidemment. Quelques moments étranges quand il faut enjamber des flaques et qu'on se retrouve à faire des pas de géants pour être sûr de ne pas mettre les pieds dans l'eau. Je suis sûre qu'il y avait d'excellente photos à prendre!
A mi chemin, on penetre dans un immeuble, on monte les escaliers et on sonne à une porte. Un couple nous aceuille et nous parle de sa perception du quartier, de sa découverte de l'artiste de street art Artof Popof, de l'histoire de Willy Ronis dans ce quartier et des coins secrets et insolites dans les rues avoisinnantes. Apres cette petite pause, la visite continue.
A droite, a gauche, en haut, en bas... tous les sens sont en eveil. On passe un pont levis, une passerelle et on s'arrete dans un bar pour boire un verre.
Puis ça redemarre. La balade est très rythmée car nous avons de nombreux points de rendez-vous. Prochaine étape : je suis cette fois guidée par un aveugle. Quel drôle de couple nous devons être dans les rues de Paris: un aveugle qui guide à l'aide de sa canne un voyant, encore une fois ça doit faire une bonne photo! Celui m'invite à voir ce qu'il se passe autour de moi. Je lui fais remarquer à ce moment là, ni lui ni moi ne pouvons rien voir, ça le fait rire. Tout au long de la promenda, il continue de me demander si je vois la lavande à droite, les plantes au plafond ou encore la grosse porte en acier.
De retour avec ma guide officielle, nous continuons encore la promendae. Pour la dernière étape, je suis encore une fois remise à un nouveau guide. C'est reparti pour l'inconnu. Celui se comporte très étrangement. IL accelère puis s'arrête d'un coup. Il se baisse, je me baisse pour éviter les obstacles moi aussi. Je cherche tout de même de ma main libre à identifier ce que nous cherchons à éviter car mon guide ne répond pas à mes questions. Autour de nous des bruits étranges: des enfants qui courrent, des balais qui frottent le sol, des grincements, des personnes qui se roulent par terre. Pied nu, dans un environnement très suspect, remise à guide qui ne me parle pas et se comporte très bizarement, je réalise enfin que mon guide danse. Je décide de rester le plus proche possible de lui et perdre le contact le moins possible. En haut, en bas, à gauche, à droite, il saute, il se baisse... mon guide me donne bien du mal, j'imagine que moi aussi je lui donne bien du mal. A un moment, je le perds totalement et quand je touche finalement une partie humaine, je rencontre son dos. Je cherche sa tête (pour localiser son bras), d'un cote, de l'autre; je réalise soudainnement que si je vais trop loin du mauvais côté, je vais tout simplement lui mettre la main aux fesses! Je décide donc d'attendre que ce soit lui qui recréé le contact. La chorégraphie continue ainsi pendant un petit moment et je suis finalement remise à ma guide initiale.
Le parcours touche à sa fin, on m'invite à échanger avec ma guide sur mes impressions et on me dit que j'ai le choix de voir ou pas ma guide. Prise au dépourvu, je choisi de ne pas la voir pour que l'expérience soit totale, car après tout, je ne sais absolument pas quel parcours j'ai fais et on ne me le dira pas donc autant jouer le jeu jusqu'au bout. Ma guide s'en va, j'enlève mon bandeau et retrouve petit à petit ma vision.
Une animatrice m'explique où je suis et surtout me montre que je peux maintenant regarder les couples en train de danser. Quel spectacle étrange! Certains visiteurs restent comme moi je l'ai été : a essayer de garder le contact avec le coude à tout prix, d'autres sont complétement liberés et suivent complètement leur guide: je vois un guide ramper au sol et son "aveugle" faire exactement comme lui a ses côtés en se basant uniquement sur les bruits qu'elle entend.
Paris les yeux fermés c'est donc plus de deux heures de découvertes incroyables, l'occasion de visiter Paris autrement.