La fonction première et historique du permis de construire modificatif n’était pas de permettre une régularisation du permis de construire initial. Pourtant, tel est devenu le cas et une jurisprudence abondante témoigne que ce que le permis de construire modificatif est souvent sollicité, notamment lorsqu’un recours tendant à l’annulation du permis de construire initial est introduit devant un tribunal administratif.
I. Les faits
Dans cette affaire, les requérants avaient saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’une demande d’annulation d’un jugement par lequel le tribunal administratif de Potiers avait rejeté leur recours tendant à l’annulation du permis de construire trois éoliennes.
II. La fonction de régularisation du permis de construire initial par le permis de construire modificatif
La Cour administrative d’appel de Bordeaux va tout d’abord rappeler quel peut être la fonction de régularisation d’un permis de construire modificatif :
« Considérant que d'autre part, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ; »
Dès lors qu’un motif d’illégalité du permis de construire initial a été « régularisé » par un permis de construire modificatif, il n’est plus susceptible de constituer un motif d’annulation dudit permis de construire initial.
A l’inverse, lorsque le permis de construire modificatif n’avait pour objet de régulariser un motif d’illégalité visé par le recours dirigé contre le permis de construire initial, ledit motif demeure susceptible de constituer un motif d’annulation.
C’est ce que vient rappeler la Cour administrative d’appel de Bordeaux, aux termes du présent arrêt:
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental de l'équipement, chef du service de l'Etat chargé de l'urbanisme dans le département des D., n'a été saisi, à l'occasion de la demande de permis de construire modificatif, que d'un dossier partiel visant exclusivement à régulariser le défaut de titre habilitant à construire de la SARL E. ; que c'est d'ailleurs sur ce seul aspect du projet modifié qu'il a rendu un avis le 22 juin 2009 ; qu'en revanche, lors de l'instruction du permis de construire modificatif, il n'a pas été saisi de l'ensemble du dossier ; que dans ces conditions, les époux A sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le permis de construire modificatif du 2 juillet 2009 était venu régulariser le vice dont pouvait être affecté le permis initial à raison de l'absence d'avis du directeur départemental de l'équipement ».
Toutefois, dans cette affaire, si le permis de construire modificatif n’avait pas eu pour objet de purger le vice de procédure lié à l’absence d’avis de la DDE, c’est précisément parce que cet avis avait été émis.
Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux ne comporte donc pas de réelle nouveauté mais a pour intérêt de confirmer clairement, s’agissant d’éoliennes, les conditions auxquelles un permis de construire modificatif peut régulariser les insuffisances d’un permis de construire initial.
III. Le contrôle de l’émergence sonore au titre de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme
Cet arrêt présente un deuxième intérêt en ce qu’il semble démontrer que le contrôle réalisé par le Juge administratif sur la sincérité des données fournies par le pétitionnaire sur la question du bruit apparaît être pragmatique. En premier lieu, l’arrêt démontre qu’une légère erreur de mesure du bruit n’est, d’une part pas de nature à remettre en cause la légalité du permis de construire entrepris, d’autre part, pas susceptible d’être étendu à toutes les mesures du bruit :
« Considérant en premier lieu qu'après avoir rappelé les termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a jugé " qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude acoustique contenue dans l'étude d'impact réalisée sur la base d'un parc de trois éoliennes, que les normes réglementaires fixées en matière de bruit ne [seraient] pas dépassées à l'occasion du fonctionnement des machines et que la gêne sonore induite [n'excèderait] pas ce qui est normalement admissible au sens des valeurs limites autorisées par le code de la santé publique ; que si les mesures effectuées en nocturne sur le site de La Chagnée [faisaient] apparaître une erreur de calcul ayant pour effet de porter de 3 dBA à 3,5 dBA le niveau de l'émergence sonore prévisionnelle, cette différence, qui ne porte que sur les mesures par temps de vent fort, n'est pas de nature à démontrer que les seuils d'émergence du bruit [seraient] atteints alors que les aérogénérateurs choisis ont une puissance modérée de 850 Kw ; »
Par ailleurs, l’arrêt démontre que le Juge administratif admet d’autant plus une « erreur de calcul » que le permis de construire comporte une prescription relative au suivi dans le temps des mesures de bruit:
« qu'en outre, l'autorité administrative [avait] assorti le permis d'une prescription en vue de " faire réaliser des mesures de contrôle afin de confirmer les calculs de bruits effectués, et au besoin recaler la régulation de la puissance acoustique des éoliennes " ; que dans ces conditions, les requérants [n'étaient] pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des atteintes à la salubrité publique au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme " ; que contrairement à ce que les époux A soutiennent, à supposer même qu'ils aient ainsi procédé à une qualification erronée des faits de l'espèce, et dès lors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments des parties, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision quant aux nuisances sonores que le projet est susceptible d'engendrer ».
On notera qu’à la suite de la réforme de l’étude d’impact réalisée par un décret du 29 décembre 2011, ces mesures de suivi des nuisances devront se généraliser. Ce suivi des mesures constitue un engagement du pétitionnaire puis de l’exploitant qui justifie d’autant plus un contrôle cas par cas et pragmatique des mesures réalisées au départ.
Arnaud Gossement
Avocat associé
http://www.gossement-avocats.com