Magazine Cinéma
C’est un moment redouté dans la vie d’un spectateur. Non, pas se retrouver assis à côté d’un adolescent tenant un énorme seau de pop-corn. Quoique. Non, pas non plus oublier sa carte illimitée chez soi… quoique… également. Bon d’accord, les moments redoutés dans la vie d’un spectateur assidu sont nombreux dans une salle de cinéma, mais celui auquel j’ai été confronté au Festival Paris Cinéma est autre : assister à une projection en présence d’un cinéaste venu spécialement de l’autre bout du monde et constater que nous ne sommes qu’une petite poignée dans une grande salle pour l’accueillir. C’est un moment quelque peu honteux de s’avérer si peu dans une salle qui pourrait contenir tant de spectateurs et entendre cet écho caractéristique au moment des applaudissements lorsque la personne venue présenter son film entre en salle.
Cette mésaventure m’était déjà arrivée il y a quelques mois pour la venue d’Alexander Payne à Paris pour l’avant-première de « The Descendants ». C’était déjà au MK2 Bibliothèque, exactement dans la même salle. Pourtant le Festival Paris Cinéma s’était jusqu’ici paré d’une jolie fréquentation au MK2 Bibliothèque à chaque séance, alors je m’imaginais qu’il en serait de même pour « High Noon », l’un des films projetés dans le cadre de la mise à l’honneur de Hong Kong. Un premier film réalisé en 2008 par une jeune femme (même pas 25 ans à l’époque), Heiward Mak, et projeté en soirée.
Pourtant à 21h passées, quand les portes de la salle s’ouvrirent et que nous nous installâmes (c’est classe le passé simple), nous n’étions qu’une petite trentaine de curieux – dont l’ami blogueur Phil Siné qui accepta de se poser en ma compagnie au 5ème rang. Quelques heures plus tôt à peine, nous étions encore moins nombreux au cinéma Les Trois Luxembourg pour « Made in Hong Kong », mais la salle était plus petite et le réalisateur n’était pas présent. Je vis deux cinéastes d’ailleurs ce soir-là car en sortant de « Made in Hong Kong » rue Monsieur Le Prince, je tombais presque nez-à-nez avec Yuen Woo Ping qui s’apprêtait à donner une masterclass dans la salle que je venais de quitter.
Mais je m’éparpille. Où en étais-je ? Oui, les rangs trop vides de la salle 12 du MK2 Bibliothèque. Losque Bastien Meiresonne arriva tout joyeux pour nous présenter Heiward Mak et l’un des comédiens de « High Noon », nous fîmes tous bonne figure, le présentateur de la soirée le premier qui nous recommanda de rester en fin de projection pour discuter avec la réalisatrice et son acteur, en précisant « Déjà qu’on n’est pas nombreux… », mais avec une bonne humeur qu’il espéra communicative (ce fut le cas).
« High Noon » nous emporta ensuite 1h50 durant dans une exploration fougueuse de l’adolescence hongkongaise. Une bande d’amis lycéens faisant les 400 coups dans et hors les murs de l’école, au grand désespoir des profs et des parents. Cet esprit fougueux bat le chaud et le froid sur le film, si enthousiaste et jeune qu’il parvient régulièrement à emporter l’adhésion, osant passer de la comédie au drame avec défi, au risque de beaucoup trop s’éparpiller sur la longueur. Heiward Mak part dans tous les sens, appuie excessivement sur la pédale de la stylisation et nous laisse quelque peu fatigués. « High Noon » est un film plein d’excès entre rires et larmes qui dénote finalement beaucoup avec « Made in Hong Kong » vu plus tôt, un film plus sobre et maîtrisé, plus sage aussi mais non moins pourvu de sensibilité. Deux regards sur la jeunesse HK montrant l’un (Made in Hong Kong), à l’heure de la rétrocession, la fin des rêves et des illusions quand l’autre (High Noon) s’attache au difficile passage vers la maturité alors que la rétrocession est consommé mais a laissé des traces dans les rapports humains.
A l’heure de voir « High Noon », nous étions donc une trentaine assis ce qui en soi, déjà, semblait bien trop peu pour l’occasion. Mais lorsque le film s’acheva, seule la moitié des spectateurs resta pour la rencontre avec la réalisatrice et l’acteur du film. En me retournant sur mon siège, je constatai avec déception qu’au-delà du 6ème rang, la salle était complètement vide. Seuls restaient une quinzaine de spectateurs répartis donc sur les premiers rangs.
Heureusement, malgré la gêne évidente, qui en tout cas était ressentie du côté spectateurs, le silence ne demeura pas longtemps et la conversation eut bien lieu, s’attachant à la jeunesse hongkongaise, à la violence, aux acteurs amateurs ou à la voix de fausset du producteur Eric Tsang. Malencontreusement, la traduction de la conversation avec l’interprète se faisait à partir de l’anglais (les interprètes français/chinois devaient être mobilisés dans d’autres salles ?), ce qui entraîna quelques quiproquos et difficultés dans l’échange, ajoutant parfois un peu à la gêne.
Difficile d’imaginer que la réalisatrice et l’acteur de « High Noon » ne furent pas déçus par le manque de curiosité des spectateurs français pour leur film, à découvrir la poignée que nous étions. Qu’ils se rassurent, nous nous sommes sentis aussi déçus et gênés qu’eux. Quelque part dans leur moment de solitude, ainsi face à nous, ils ont pu compter sur notre solidarité. Nous aussi, nous nous sentions seuls dans cette salle.