Bayrou-conférence de presse
envoyé par bayroufr
J'ai écouté avec intérêt la conférence de presse donnée par François Bayrou, qui s'est exprimé aujourd'hui en direct sur la chaine Public Sénat pendant plus d'une heure. La seule stratégie qui lui permettait de rester en cohérence avec sa campagne de premier tour était de refuser de donner une consigne de vote, et c'est évidemment ce qu'a fait le président de l'UDF.
Il est ainsi resté dans la logique du ni-ni, tenant des propos très durs aussi bien envers S. Royal qu'envers N. Sarkozy. A dire vrai, il m'a paru assez difficile de mesurer ce qui était sincère et ce qui ne l'était pas dans le discours de Fr. Bayrou, car ses paroles étaient davantage le reflet d'une posture politique que l'expression de réelles convictions. A Nicolas Sarkozy, il a reproché ce qu'il estime être son autoritarisme, son lien avec les puissances de l'argent, ses pressions sur les medias. A Ségolène Royal, il a reproché l'étatisme de son programme politique, qu'il a jugé infantilisant et rétrograde. Jouant, comme c'est décidément la mode, sur la diabolisation des adversaires politiques, il s'est dit "inquiet" de voir arriver l'une ou l'autre à la tête de l'Etat.
En fait, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir que François Bayrou s'est contenté de reprocher à N. Sarkozy ce que lui reproche la gauche et à S. Royal ce que lui reproche la droite, fondant plus sa démarche de rassemblement sur le regroupement des haines venues de tous les horizons que sur un projet à proprement parler constructif.
Ne nous y trompons pas, tout cela n'est que calcul politique, et la stratégie de Fr. Bayrou doit se jouer en deux actes dont le premier a eu lieu aujourd'hui. Pour tenter de pérenniser la force que lui a donné son bon score du premier tour, il devait aujourd'hui rester dans le ni gauche ni droite, pour annoncer la fondation d'un nouveau parti politique, qu'il propose habilement d'appeler parti démocrate. Un tel nom est évidemment un appel du pied aux sociaux-démocrates qui forment la droite du PS.
Sur le long terme, ce parti démocrate ne pourrait avoir une assise électorale large qu'en avalant l'aile droite du PS, et c'est très certainement ce à quoi rêve Fr. Bayrou pour les prochaines années. Mais à court terme, et en particulier en raison du mode de scrutin aux élections législatives, Fr. Bayrou n'a pas encore une force politique suffisante pour pouvoir s'imposer sans alliances. La plupart des députés UDF, parce qu'ils sont de centre droit et qu'ils songent naturellement à leur réélection, vont se rallier à N. Sarkozy, et Fr. Bayrou n'a d'autre choix que de les laisser libres.
Ils viendront d'ailleurs d'autant plus volontiers que, N. Sarkozy, en homme intelligent et habile, saura inclure ces députés dans sa majorité tout en les laissant libres de conserver leurs idées et leur appartenance à leur parti. Fr. Bayrou lorsqu'il s'exprimera une seconde fois après le débat entre Royal et Sarkozy (deuxième acte), et afin d'assurer une base à son futur parti du centre, ne prendra donc probablement pas parti pour S. Royal, car s'il peut se permettre, à titre individuel, de ne pas se prononcer, il ne pourrait pas, en revanche, prendre une direction contraire à la majorité de ses députés sans créer une scission au sein d'un parti trop faible pour pouvoir la supporter.
Mais ce ne sont là que traditionnels calculs d'appareils, qui ne doivent pas empêcher la vraie campagne d'avoir lieu. N. Sarkozy a eu raison de refuser ce soir un débat avec Fr. Bayrou : on ne peut certes pas reprocher à Fr. Bayrou de continuer à tracer la route qu'il a choisie, et quiconque à sa place ferait sans doute de même. Mais ce projet politique ne doit pas interférer dans la campagne. Un second tour se fait à deux et non à trois. C'est donc avec S. Royal que N. Sarkozy doit débattre, et c'est les Français qu'il doit convaincre, et non simplement Fr. Bayrou.