cette pièce
La pièce où je suis entré était un rêve de cette pièce.
Tous ces pieds sur le sofa étaient les miens, sûrement.
Le portrait ovale
d’un chien, c’était moi lorsque j’étais jeune.
Quelque chose chatoie, quelque chose est tu.
Nous mangions des macaronis tous les jours au déjeuner
sauf le dimanche, où l’on avait convaincu une petite caille
de se laisser servir. Pourquoi je te raconte cela ?
Tu n’es même pas ici.
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pas toi, encore
J’ai pensé t’écrire ce poème. Oui,
je sais que tu n’en as pas besoin. Non,
tu n’as pas besoin de me remercier. C’est juste
que j’avais envie de m’en débarrasser en quelque sorte
et de le laisser tomber dans la poussière de cacahuète.
Tu es venu à moi et c’était quelque chose.
J’étais de taille face à toi et davantage, tu
étais de taille face à moi, nous avons défait les attaches
de nos chemises, c’était un semblant de tout va bien.
Puis la muse mal-venue en a eu vent.
L’a ramassé, l’a porté là-bas.
Pendant tout ce temps, l’homme aux jambes arquées
regardait. « … pour faire revenir Betty à bord. »
A présent, c’est l’heure de la partie d’amour.
Prenez place sur l’aire.
Toi, Sam, il faut que tu fasses une prière mauve
en origami et que tu la mettes quelque part. Si tu as
vomi, il est déjà trop tard.
Je vois tout derrière moi de petits canyons, qui dérivent,
s’emplissent de l’espace de la dérive.
La chaise au grenier trame quelque chose.
Puis tu m’as pris et tu m’as tenu comme un enfant
ou une récompense. Un instant, j’ai cru que je te connaissais,
mais tu as reculé, essuyé tes lunettes. « Oh,
désolé… » Ça va,
jouirai une autre fois
quand les stupéfiantes mouettes carillonneront sur l’Atlantique,
quand le camion de pompiers foncera tout en rajustant son jupon orange
après avoir renversé le vieillard que la jeune fille relève.
À présent il est trop tard, les livres sont fermés, les saumons
ont cessé de vomir. Pour que tu le saches.
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terminal
Tu n’as pas eu ma carte ?
Tu vois, aucun de nous ne savait que nous venions
avant que l’autocar ne quitte la station.
Un peu tristement, j’ai contemplé le caoutchouc des semelles de mes
chaussures, le trouvant insuffisant.
Je suis devenu un peu agité après la fin de
l’attente, mais à présent je suis aussi frais qu’un jardin de banlieue
dans une ville perdue. A l’heure de mon discours
je n’arrivais à penser à rien, bien entendu.
J’ai fait un petit laïus sur l’oignon – comment son goût
nous inspire, comment sa forme informe notre architecture.
Il y avait tant d’autres choses que je voulais dire, aussi,
mais, tout coquet, j’étais incapable de me dandiner,
je ne pouvais pas m’asseoir tellement tout reluisait.
À présent c’est ton tour de dire quelque chose sur le mur
du jardin. Tout ce que tu veux, n’importe quoi.
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coups de sang
Inévitable comme un chien qui aboie, la musique de seconde main
descend lentement les cinq volées d’escaliers, puis dans la rue,
ajuste ses coutures, vérifie son maquillage dans un miroir de poche.
Dans la chambre obscure, comme toujours joviaux,
les dentistes se font tout l’argent. Je ne le savais pas, alors.
Les enfants sont sortis me dire sur un ton mesuré
comme le bord de la mer est bon marché, comme l’air de la mer met du rouge aux joues.
Violemment cabossées par les tempêtes, les nouvelles silhouettes
ne tiennent que le temps de quelques lessives.
Mets tes lunettes et lis l’étiquette. Tiens cette batte.
Il aime mieux lâcher prise qu’un pet.
Il s’est acheté une chemise de la même couleur que le lac Sam Rayburn,
Ocre brouillé par les souches et les pratiques agricoles. Pendant leurs pique-niques, les prisonniers
ne manquent jamais d’apprécier le musc qui s’en dégage
en vagues sans cesse plus concentrées,
créant une nostalgie sanglante
d’une hypoténuse qui ne fut jamais.
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brouillard implicite
Nous nous sommes mis à aduler
ce que nous regardions
déjà :
je suivais les sentiers de la musique.
J’aurais tout aussi bien pu être en train de me tamponner avec une serviette
sous un champignon.
L’hiver est arrivé à égalité
avec le printemps, en quelque sorte.
Les deux se sont emmêlés pour des raisons
qu’ils sont seuls à connaître.
Le temps que cela finisse
l’été s’était terminé
par une journée calme, tendue,
dehors, sous les arbres,
dans des fauteuils pliants :
des soldats éjectés d’un bar du coin.
Cela se fit beau, puis un peu hirsute.
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votre nom ici
Mais comment puis-je être dans ce bar et aussi être un reclus ?
La colonie de fourmis marchait vers moi, s’étirait
au loin, où elles étaient aussi petites que des fourmis.
Leur chef leva une brindille aussi haute qu’un peuplier.
Manifestement, c’était pour moi.
Mais il ne pouvait pas le dire avec un peuplier dans les mandibules.
Bon, oublions cette scène, prenons-en une à Paris.
Des fourmis descendent les Champs-Élysées
dans la neige, par deux et par trois, en discutant,
révélant une sociabilité qu’on ne leur avait jamais soupçonnée.
Les plus grandes ont presque atteint les statues allégoriques
des villes de France (c’est bien ça ?) sur la place de la Concorde.
« Tu vois, je t’avais dit qu’il allait se barrer.
À présent il reste dans son galetas
et commande des plats copieux dans un restaurant du voisinage
comme si Dieu avait voulu qu’il se taise. »
« Alors que toi tu ressembles à un portrait de Mme de Staël par Overbeck,
c’est-à-dire un peu sérieux, fané.
Rappelle-toi : tu peux venir quand tu veux
me raconter ce qui t’embête, mais ne demande pas d’argent.
Jour et nuit ma maison, mon foyer, te sont ouverts,
à toi, mon grand chéri. »
Le bar était confortable, c’était inattendu.
Je pensai à rester. Il y avait un réveil dessus.
Les clients étaient invités à deviner l’heure (le réveil était toujours faux).
D’autres citoyens entrèrent, de bonne humeur, chantant la Marseillaise,
se félicitant les uns les autres pour de mauvaises raisons, par exemple la couleur
de leurs chaussettes, et buvant des coups à une carafe commune.
« J’adore quand il devient comme ça,
ça se produit à la mi-août, quand l’été commence
à s’en aller, et l’automne n’est encore qu’une étincelle dans son regard,
la chronique d’un givre annoncé. »
« Oui », et il allait acheter toutes les barres chocolatées de la machine
mais il s’est passé quelque chose, les murs se sont effondrés (qui sait,
le niveau de la rivière était monté rapidement ?) et un par un les gens furent balayés,
se disant des gentillesses les uns aux autres, des surnoms tendres.
« Achille, je te présente Angus. » Puis tout s’est passé si vite que
je suppose que je n’ai jamais su où nous allions, où le trottoir
nous emportait.
Tout est devenu très silencieux dans l’oubliette.
Je lisais toujours Jean-Christophe. Je ne le finirai jamais, ce sacré bouquin.
À présent, il est l’heure pour toi de sortir dans la lumière
et de féliciter tous ceux qui restent dans notre ville. Ceux qui ont survécu
à l’éclipse. Mais j’étais entièrement absorbé par toi, je l’ai toujours été.
Allume une bougie dans ma couronne, je serai à toi pour toujours, je t’embrasserai.
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sagesse populaire
Bien que je te connaisse depuis longtemps
on dirait que nous nous connaissons à peine.
C’était pour la répétition d’une arrivée dans le temps
que les feuilles étaient inclinées. Regarde voir encore,
cherche le cookie recelé dans les aisselles jusqu’à présent,
le regard aigu.
Lorsque la sacoche s’est défaite je tournais
le coin au pas de course, s’il te plaît, aussi certain que le souffle d’une pendule
dans les allées, creusant. C’est le ciel qui a envoyé cette piqûre d’épingle.
C’était un autre moment pour circuler.
D’accord j’ai dit je peux me débrouiller tout seul.
Puis la profondeur a fait tourner ses roues dans le vide. Quelque part, je glissais sur du gravier.
Regarde autour de toi, cherche tes affaires personnelles
avant de monter dans ce bus. Il est arrivé non pas une mais trois vieilles dames.
Le caddy tout altéré parlait au nom du spécialiste des fosses septiques du coin lorsqu’il disait
eh ben la remorque je pensais que ma place était ici mais on
s’en fiche, dit-il en temps de guerre les betteraves étaient trop épinards.
À présent je peux te déboucher sois patient.
Une jeune fille dans l’abside se demandait pourquoi les cymbales
étaient vidées de voyelles en ces temps étranges.
As-tu jamais lu le sonnet des voyelles de Rimbaud Non dis-je.
Cela ressemble trop à une classe ici. Mais si nous remplacions l’air
par des toiles d’araignées est-ce qu’ils n’entreraient pas tous correctement en cadence
au son du triangle ? C’est vrai, le major va forcément être en pétard
mais tout ce qui compte c’est notre air conditionné. En un instant
la jetée fut restaurée. Le colonel empoigna Mavis et Iris.
C’est bête là-haut. Je sais mais je vous en prie,
sachons résoudre nos différends en hommes du monde. Que choisissez-vous,
l’épée ou le scarabée ? Ça alors, il y a une différence ?
Peut-être seulement en rêve, où on l’embouteille pour le vendre.
Puis la boîte de conserve est tombée du radiateur.
Le regard absent d’Althea devint réalité. Il faisait bleu foncé dans les palais
de la révolte. Il se passait quelque chose d’extraordinaire
tout le temps. La date limite ne cessait de passer à toute allure
la fente de diamant dans les escarpins résille et une ombre,
l’ombre du plongeon vers l’avant sur le pont,
des monstres se figeant au-dessus de la ville,
et d’une fiche perdue portant mon nom dans le berceau des âges.
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week-end
Filets de cygne et vin de paille,
l’air emphatique de l’allée
dont les cannes de golf sont éparpillées sensiblement.
Tu peux te déshabiller et t’asseoir
sur le paillasson en velours côtelé agité par la brise
et lorsque les trois sorcières viennent rendre visite
faire semblant de parler tout seul.
L’ennui, c’est qu’elles ne viennent pas,
parce qu’elles souffrent d’agoraphobie en phase terminale.
Une grenouille dépasse d’une pomme de pin.
Mon Dieu, c’était toi, là-bas ?
On peut dire que tu sais
faire peur aux gens, toi.
J’aurais pensé que ce n’étaient que ces chauves-souris
qui lâchaient du goudron sur les têtes des invités et des valets.
On voit si peu d’action live dans cette ville
et puis tout le monde veut coopérer
ou faire la fête, en quelque sorte. Moi aussi, je peux le faire.
Toujours. M’amuser.
Quelque chose pourrait sortir de la thérapie de groupe :
ton âme de velours comme je viens de la réaliser.
Reviens, je t’en prie. Tu me plaisais tant.
Les chardons, les pissenlits, qu’en avons-nous à faire ?
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histoire de ma vie
Il était une fois deux frères.
Puis il n’y en eut plus qu’un : moi.
J’ai grandi vite, avant de savoir conduire,
même. Me voilà donc : un adulte puant.
Je songeais à des centres d’intérêt naissants
qui pourraient intéresser les autres. Pas de savon.
Je devins très pleurnichard, regrettant ce qui avait semblé
être les belles années de jeunesse. Vieillissant
de plus en plus, je me fis aussi plus charitable
en ce qui concernait mes pensées, mes idées,
trouvant qu’elles valaient au moins celles d’un autre.
Puis un vaste nuage dévorateur
surgit et traîna à l’horizon, le
buvant pendant (aurait-on dit) des mois ou des années.
traduction de Anne Talvazpublié dans Vacarme 16 automne 2001
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AMERIQUE
1.
S’empilant
le fait les étoiles
En Amérique le bureau a caché
des archives dans son
stand…
D’énormes étoiles sur eux
Le froid anarchiste debout
avec son chapeau.
Bras contre la rampe
Nous étions garés
Des millions d’entre nous
L’accident fut terrible.
La façon dont la porte dégagea
Les pierres empilées -
Le ruban — livres. miracle. avec lune et les étoiles
Le poirier
m’émouvant
Je suis dans le coin et dans mon soupir
Le cadeau d’une les étoiles.
La personne
Horreur — les morceaux de son choix
Reprochés à moi je
— dans l’appartement
le caillou nous dans le lit.
Le toit —
pluie — pilules —
Trouvées dans la mousse
Les siens ça leur était égal désormais — je ne sais pourquoi.
2.
Rubans
sur le Pacifique
Parfois nous
Les profonds
additionnels
et de plus en plus moins profonds
mais souffrant
sous le feu
pluie brillante
pour nous rencontrer.
Sans doute en
feu sculpté
On y arrive
périodes de l’année
la lumière tombe des cieux
l’amour
séparant les vies distinctes
sa fourchette les
lunettes
notamment le feu.
On se fait malheureux, la malle
Cet amour
Toute la maison
Déchets visites
L’automne brosse les cheveux
La fille a vécu dans ce coin
Au soleil toute l’année.
se levant pour parler
Ton concierge a essayé
si c’était prêt
J’ai failli me faire tuer
à l’instant en lisant
à l’essai
debout avec le pot
dans l’emballage de la porte
de cette année feu intangible
Cuillère
content la saleté autour
des géraniums d’août dernier dont
séchés dans le jardin
joué pour certaine
personne
bien-sûr les tours autour
des étoiles avec privilège branle
sur le pays l’année dernière nous étions dégoûtés en rencontrant
égarés
leur seule réponse le pin
de là la terre
au vent
plus de vos médicaments
santé, lumière, appréhension de la mort, beauté.
Donc ne tue pas la
pierre c’est désert
aux bras
Toi la fille
la mer en vagues.
3.
de l’arsenal
ombragé en public
une main levée
lèvres — une maison
Un instant la musique s’arrête.
Le jour où cela a commencé. La personne
bloquant le chef d’orchestre
Est le concierge à la cape rouge
Et le pot de fleurs dans une main
Son visage caché par l’étagère
pensée intangible.
Donc est-ce que ce chemin
vers les sentiers
des carrés
pétales armés d’une chaîne
nuit arctique
entre les étoiles
les pierres et cette illumination fascinante
qui enterre mon cœur
lui-même une tribune pour laquelle les danseurs
viennent. Pouce reconstitution
historique façonnant
Plus que les formes
peuvent les charlatans
la nuit finie les bains
agité dans son sommeil le concierge prend la clef avec laquelle il tuera l’intrus
Terrain
Luisant
Ressemble pas beaucoup au grand air
Nous nous sommes promenés la main
observe l’écrasement de la pluie
contre la porte la nuit
ne peut garder à l’intérieur
sentant peut-être la sentinelle
le disque parfait
Nous avons marché jusqu’au buisson
le disque
il y avait un problème avec le disque
buisson avait oublié
les pommes sur le cratère
le nordique
Messager la neige
pierre
4.
Bien que je ne fus jamais venu ici
Ce pays, ses lois de verre
Et nuit en majesté
À travers le football
Attiré loin
Signale désespérément
Le pays
doublé de neige
seule de la bouillie fut servie
s’empilant
les étoiles indésirables
requises contre la nuit
Interdites catégoriquement
mais admises
au-delà du cap
l’arbre pousse toujours
les larmes coulent
Et je suis fier
de ces étoiles dans notre drapeau nous ne voulons pas
le drapeau des films
un signal dans le ciel
vers nous — citoyens d’un État futur.
Nous désespérons dans la pièce, mais les étoiles
Et la nuit demeurent, sachant que nous ne le voulons pas
Des pompons d’abord
puis rien — jour
l’odeur.
Dans le couloir. La pierre.
5.
De l’autre côté de l’autre mer, se trouvait
en progrès
la mer de hèle
Des dizaines de personnes aveuglées
Immédiatement le port, défi
Argument
Poirier
Seulement perforation
Chaîne qui se défait dans sa main
Un jour liberté
à venir de la presse
but
peut-être la lotion
ajouta-t-elle. But
les ordres.
Ceux qui sont
faux.
frise
sa misanthropie. brume de poires.
L’acte imitation
son attitude heureuse
position paix
sur terre
liquide enflammé
avant qu’il tombe
doit venir sous cette tête
être aimé, pour pouvoir être
larmes, adoration désespérée, passions
le fruit de nuit charpentée
visible tard le jour suivant. Des voitures
bloquent les rues souhait
les géraniums embrassant
parapluies
en tombant son embrassade il étrangle
dans son garde-meuble mais dans
ceci signifiait
une occurrence
une plume pas de la neige a été soufflée contre la fenêtre.
Signal du grand extérieur.
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LE PEINTRE
Assis entre la mer et les immeubles
Il se plaisait à peindre le portrait de la mer,
Mais comme les enfants imaginent qu’une prière
N’est que silence, il s’attendait a ce que son sujet
Surgisse sur la sable, et, saisissant son pinceau,
Se colle en autoportrait sur sa toile.Il n’y a pas eu de trace de peinture sur la toile
Jusqu’au moment où les habitants des immeubles
L’ont encouragé : « Tentez de vous servir du pinceau
Comme d’un moyen vers une fin. Désignez, pour le portrait,
Un sujet moins furieux, moins ample, un sujet
Plus à l’écoute de vos humeurs changeantes, où peut-être d’une prière. »
Comment leur expliquer qu’il priait déjà
Pour que la nature plus que l’art naisse sur sa toile ?
Il choisit son épouse comme nouveau sujet
L’amplifiant, à l’image de bâtiments en ruines
Comme si s’oubliant le portrait
S’était exprimé de lui-même sans pinceau.Encouragé il a trempé son pinceau
Dans la mer, murmurant une prière lui montant du fond du cœur :
« Mon âme, la prochaine fois que je peindrai un portrait
Que tu viennes dévaster la toile. »
Les nouvelles se sont répandues comme de la poudre, enflammant les bâtiments :
Cet artiste avait retrouvé son sujet auprès de la mer.Imaginez un peintre crucifié par son sujet !
Trop épuisé pour lever son pinceau,
Son attitude attire des artistes penchés aux fenêtres des immeubles
Avec des rires cruels : « Nous n’avons plus aucune chance
Maintenant de nous étaler sur la toile
Ni d’engager la mer à s’asseoir pour qu’on fasse son portrait. »On l’a décrit comme un autoportrait,
Et à la fin toute trace de sujet
Commença à s’évanouir, laissant la toile
Parfaitement blanche. L’artiste posa son pinceau.
Et soudain un hurlement en forme de prière
Monta des immeubles grouillant de monde.Ils l’ont jeté, le portrait, de la plus haute des tours ;
Et la mer a dévoré la toile et la brosse
Le sujet ayant pris la décision de demeurer prière.
Traduction en français du poème original en anglais, “The Painter” (1956),
par Elizabeth Brunazzi (2012), relue par Matthieu Baumier
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Source : Source : Poezibao
S’écrire, se décrire, se nommer. Équivoques du réfléchi. Ashbery a buté à son tour sur l’incapacité du sujet à se poser comme tel sans passer par la méditation d’un modèle, d’un miroir où se reconnaître. Son poème multiplie reflets et renvoie jusqu’au vertige. Sans toutefois s’y perdre. L‘ekphrasis, la description de l’autoportrait, se replie sur elle-même en une sévère et séduisante méditation sur la ressemblance et la différence, l’identité et la répétition.
La Quinzaine littéraire, 16-28 février 1993
Poète et critique, John Ashbery est un des poètes américains dont l’influence a été très importante aux Etats-Unis dans les
années 1970. Il est le plus connu des poètes de l’École de New York, terme inventé par John Bernard Mayers dans le magazine Nomad. Né à Rochester, dans l’État de New York le 28 juillet 1927, il grandit dans une ferme près du lac Ontario. Pendant des années, dès son adolescence, le week-end, il suit une formation pour devenir peintre. Au cours de ses études universitaires, il lit Auden, Wallace Stevens, Dylan Thomas, et termine ses études à l’Université de Columbia après être passé par Harvard. Il vient en France au milieu des années 1950 et y reste dix ans, travaillant notamment pour l’édition européenne du New York Herald Tribune. De retour aux Etats-Unis en 1965, il devient critique d’art – ses écrits sur l’art ont été réunis en 1989.
Bibliographie
(en français) :
Fragment. Clepsydre, traduction
Michel Couturier et Serge Fauchereau, Seuil, 1975.
Quelqu’un que vous avez déjà vu,
traduction Anne Talvaz, POL, 1992.
Heure locale, traduction Anne Talvaz,
Un Bureau sur l’Atlantique, 1997.
Autoportrait dans un miroir convexe,
traduction Anne Talvaz, Atelier La Feugraie, 2004.
bibliographie en anglais
Turandot and Other Poems, 1953
Some Trees, 1956
Three Poems, 1957
The Poems, 1960
The Tennis Court Oath, 1962
Rivers and Mountains, 1966
Sunrise in Suburbia, 1968
ed.: The
American Literary Anthology, 1968
Three Madrigals, 1968
Fragment, 1969
A Nest of Ninnies, 1969
(with Schuyler James)
The Double Dream of Spring, 1970
The New Spirit, 1970
ed.: Penguin Modern Poets 24, 1974
The Vermont Notebook, 1975
(with Joe Brainard)
Self-Portrait in a Convex Mirror,
1975
Houseboat Days, 1977
Three Plays, 1978
As We Know, 1979
Kitaj, 1981
(with R.B. Kitaj)
Shadow Train, 1981
Fairfield Porter, 1982 (with others)
A Wave, 1985
Selected Poems, 1985
April Galleons, 1987
The Ice Storm, 1987
Selected Poems, 1987
Reported Sightings, Art
Chronicles 1957-1987, 1989 (ed. by D.
Bergman)
Flow Chart, 1991
Selected Poems: Pierre
Reverdy, 1991 (with M.A. Caws, P. Terry)
Hotel Lautréamont, 1992
Three Books, 1993
And The Stars Were
Shining, 1994
Can You Hear Birds, 1995
The Mooring of Starting
Out, 1997
Girls on the Run, 1999
Other Traditions, 2000
Your Name Here: Poems, 2000
As Umbrellas Follow Rain, 2001
Chinese Whispers: Poems, 2002
Selected Prose, 2005
Études :
Antoine
Cazé, John Ashbery, à contre-voix de
l’Amérique, Belin, 2000.
En ligne
Sur le site
de l’éditeur P.O.L
L’œil de bœuf, n°22, 2000 : en ligne
Sites en anglais (très nombreux) :
Une excellente page en anglais
sur le site Kirjasto
Un blog très riche d’un passionné d’Ashbery
Un site
ouvrant de nombreuses ressources
“How to read John Ashbery”, By Meghan O’RourkeÉcouter John Ashbery lire trois poèmes