John Ashbery, poèmes

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

cette pièce

La pièce où je suis entré était un rêve de cette pièce.

Tous ces pieds sur le sofa étaient les miens, sûrement.

Le portrait ovale

d’un chien, c’était moi lorsque j’étais jeune.

Quelque chose chatoie, quelque chose est tu.

Nous mangions des macaronis tous les jours au déjeuner

sauf le dimanche, où l’on avait convaincu une petite caille

de se laisser servir. Pourquoi je te raconte cela ?

Tu n’es même pas ici.

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pas toi, encore

J’ai pensé t’écrire ce poème. Oui,

je sais que tu n’en as pas besoin. Non,

tu n’as pas besoin de me remercier. C’est juste

que j’avais envie de m’en débarrasser en quelque sorte

et de le laisser tomber dans la poussière de cacahuète.

Tu es venu à moi et c’était quelque chose.

J’étais de taille face à toi et davantage, tu

étais de taille face à moi, nous avons défait les attaches

de nos chemises, c’était un semblant de tout va bien.

Puis la muse mal-venue en a eu vent.

L’a ramassé, l’a porté là-bas.

Pendant tout ce temps, l’homme aux jambes arquées

regardait. « … pour faire revenir Betty à bord. »

A présent, c’est l’heure de la partie d’amour.

Prenez place sur l’aire.

Toi, Sam, il faut que tu fasses une prière mauve

en origami et que tu la mettes quelque part. Si tu as

vomi, il est déjà trop tard.

Je vois tout derrière moi de petits canyons, qui dérivent,

s’emplissent de l’espace de la dérive.

La chaise au grenier trame quelque chose.

Puis tu m’as pris et tu m’as tenu comme un enfant

ou une récompense. Un instant, j’ai cru que je te connaissais,

mais tu as reculé, essuyé tes lunettes. « Oh,

désolé… » Ça va,

jouirai une autre fois

quand les stupéfiantes mouettes carillonneront sur l’Atlantique,

quand le camion de pompiers foncera tout en rajustant son jupon orange

après avoir renversé le vieillard que la jeune fille relève.

À présent il est trop tard, les livres sont fermés, les saumons

ont cessé de vomir. Pour que tu le saches.

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terminal

Tu n’as pas eu ma carte ?

Tu vois, aucun de nous ne savait que nous venions

avant que l’autocar ne quitte la station.

Un peu tristement, j’ai contemplé le caoutchouc des semelles de mes

chaussures, le trouvant insuffisant.

Je suis devenu un peu agité après la fin de

l’attente, mais à présent je suis aussi frais qu’un jardin de banlieue

dans une ville perdue. A l’heure de mon discours

je n’arrivais à penser à rien, bien entendu.

J’ai fait un petit laïus sur l’oignon – comment son goût

nous inspire, comment sa forme informe notre architecture.

Il y avait tant d’autres choses que je voulais dire, aussi,

mais, tout coquet, j’étais incapable de me dandiner,

je ne pouvais pas m’asseoir tellement tout reluisait.

À présent c’est ton tour de dire quelque chose sur le mur

du jardin. Tout ce que tu veux, n’importe quoi.

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coups de sang

Inévitable comme un chien qui aboie, la musique de seconde main

descend lentement les cinq volées d’escaliers, puis dans la rue,

ajuste ses coutures, vérifie son maquillage dans un miroir de poche.

Dans la chambre obscure, comme toujours joviaux,

les dentistes se font tout l’argent. Je ne le savais pas, alors.

Les enfants sont sortis me dire sur un ton mesuré

comme le bord de la mer est bon marché, comme l’air de la mer met du rouge aux joues.

Violemment cabossées par les tempêtes, les nouvelles silhouettes

ne tiennent que le temps de quelques lessives.

Mets tes lunettes et lis l’étiquette. Tiens cette batte.

Il aime mieux lâcher prise qu’un pet.

Il s’est acheté une chemise de la même couleur que le lac Sam Rayburn,

Ocre brouillé par les souches et les pratiques agricoles. Pendant leurs pique-niques, les prisonniers

ne manquent jamais d’apprécier le musc qui s’en dégage

en vagues sans cesse plus concentrées,

créant une nostalgie sanglante

d’une hypoténuse qui ne fut jamais.

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brouillard implicite

Nous nous sommes mis à aduler

ce que nous regardions

déjà :

je suivais les sentiers de la musique.

J’aurais tout aussi bien pu être en train de me tamponner avec une serviette

sous un champignon.

L’hiver est arrivé à égalité

avec le printemps, en quelque sorte.

Les deux se sont emmêlés pour des raisons

qu’ils sont seuls à connaître.

Le temps que cela finisse

l’été s’était terminé

par une journée calme, tendue,

dehors, sous les arbres,

dans des fauteuils pliants :

des soldats éjectés d’un bar du coin.
Cela se fit beau, puis un peu hirsute.

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votre nom ici

Mais comment puis-je être dans ce bar et aussi être un reclus ?

La colonie de fourmis marchait vers moi, s’étirait

au loin, où elles étaient aussi petites que des fourmis.

Leur chef leva une brindille aussi haute qu’un peuplier.

Manifestement, c’était pour moi.

Mais il ne pouvait pas le dire avec un peuplier dans les mandibules.

Bon, oublions cette scène, prenons-en une à Paris.

Des fourmis descendent les Champs-Élysées

dans la neige, par deux et par trois, en discutant,

révélant une sociabilité qu’on ne leur avait jamais soupçonnée.

Les plus grandes ont presque atteint les statues allégoriques

des villes de France (c’est bien ça ?) sur la place de la Concorde.

« Tu vois, je t’avais dit qu’il allait se barrer.

À présent il reste dans son galetas

et commande des plats copieux dans un restaurant du voisinage

comme si Dieu avait voulu qu’il se taise. »

« Alors que toi tu ressembles à un portrait de Mme de Staël par Overbeck,

c’est-à-dire un peu sérieux, fané.

Rappelle-toi : tu peux venir quand tu veux

me raconter ce qui t’embête, mais ne demande pas d’argent.

Jour et nuit ma maison, mon foyer, te sont ouverts,

à toi, mon grand chéri. »

Le bar était confortable, c’était inattendu.

Je pensai à rester. Il y avait un réveil dessus.

Les clients étaient invités à deviner l’heure (le réveil était toujours faux).

D’autres citoyens entrèrent, de bonne humeur, chantant la Marseillaise,

se félicitant les uns les autres pour de mauvaises raisons, par exemple la couleur

de leurs chaussettes, et buvant des coups à une carafe commune.

« J’adore quand il devient comme ça,

ça se produit à la mi-août, quand l’été commence

à s’en aller, et l’automne n’est encore qu’une étincelle dans son regard,

la chronique d’un givre annoncé. »

« Oui », et il allait acheter toutes les barres chocolatées de la machine

mais il s’est passé quelque chose, les murs se sont effondrés (qui sait,

le niveau de la rivière était monté rapidement ?) et un par un les gens furent balayés,

se disant des gentillesses les uns aux autres, des surnoms tendres.

« Achille, je te présente Angus. » Puis tout s’est passé si vite que

je suppose que je n’ai jamais su où nous allions, où le trottoir

nous emportait.

Tout est devenu très silencieux dans l’oubliette.

Je lisais toujours Jean-Christophe. Je ne le finirai jamais, ce sacré bouquin.

À présent, il est l’heure pour toi de sortir dans la lumière

et de féliciter tous ceux qui restent dans notre ville. Ceux qui ont survécu

à l’éclipse. Mais j’étais entièrement absorbé par toi, je l’ai toujours été.

Allume une bougie dans ma couronne, je serai à toi pour toujours, je t’embrasserai.

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sagesse populaire

Bien que je te connaisse depuis longtemps

on dirait que nous nous connaissons à peine.

C’était pour la répétition d’une arrivée dans le temps

que les feuilles étaient inclinées. Regarde voir encore,

cherche le cookie recelé dans les aisselles jusqu’à présent,

le regard aigu.

Lorsque la sacoche s’est défaite je tournais

le coin au pas de course, s’il te plaît, aussi certain que le souffle d’une pendule

dans les allées, creusant. C’est le ciel qui a envoyé cette piqûre d’épingle.

C’était un autre moment pour circuler.

D’accord j’ai dit je peux me débrouiller tout seul.

Puis la profondeur a fait tourner ses roues dans le vide. Quelque part, je glissais sur du gravier.

Regarde autour de toi, cherche tes affaires personnelles

avant de monter dans ce bus. Il est arrivé non pas une mais trois vieilles dames.

Le caddy tout altéré parlait au nom du spécialiste des fosses septiques du coin lorsqu’il disait

eh ben la remorque je pensais que ma place était ici mais on

s’en fiche, dit-il en temps de guerre les betteraves étaient trop épinards.

À présent je peux te déboucher sois patient.

Une jeune fille dans l’abside se demandait pourquoi les cymbales

étaient vidées de voyelles en ces temps étranges.

As-tu jamais lu le sonnet des voyelles de Rimbaud Non dis-je.

Cela ressemble trop à une classe ici. Mais si nous remplacions l’air

par des toiles d’araignées est-ce qu’ils n’entreraient pas tous correctement en cadence

au son du triangle ? C’est vrai, le major va forcément être en pétard

mais tout ce qui compte c’est notre air conditionné. En un instant

la jetée fut restaurée. Le colonel empoigna Mavis et Iris.

C’est bête là-haut. Je sais mais je vous en prie,

sachons résoudre nos différends en hommes du monde. Que choisissez-vous,

l’épée ou le scarabée ? Ça alors, il y a une différence ?

Peut-être seulement en rêve, où on l’embouteille pour le vendre.

Puis la boîte de conserve est tombée du radiateur.

Le regard absent d’Althea devint réalité. Il faisait bleu foncé dans les palais

de la révolte. Il se passait quelque chose d’extraordinaire

tout le temps. La date limite ne cessait de passer à toute allure

la fente de diamant dans les escarpins résille et une ombre,

l’ombre du plongeon vers l’avant sur le pont,

des monstres se figeant au-dessus de la ville,

et d’une fiche perdue portant mon nom dans le berceau des âges.

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week-end

Filets de cygne et vin de paille,

l’air emphatique de l’allée

dont les cannes de golf sont éparpillées sensiblement.

Tu peux te déshabiller et t’asseoir

sur le paillasson en velours côtelé agité par la brise

et lorsque les trois sorcières viennent rendre visite

faire semblant de parler tout seul.

L’ennui, c’est qu’elles ne viennent pas,

parce qu’elles souffrent d’agoraphobie en phase terminale.

Une grenouille dépasse d’une pomme de pin.

Mon Dieu, c’était toi, là-bas ?

On peut dire que tu sais

faire peur aux gens, toi.

J’aurais pensé que ce n’étaient que ces chauves-souris

qui lâchaient du goudron sur les têtes des invités et des valets.

On voit si peu d’action live dans cette ville

et puis tout le monde veut coopérer

ou faire la fête, en quelque sorte. Moi aussi, je peux le faire.

Toujours. M’amuser.

Quelque chose pourrait sortir de la thérapie de groupe :

ton âme de velours comme je viens de la réaliser.

Reviens, je t’en prie. Tu me plaisais tant.

Les chardons, les pissenlits, qu’en avons-nous à faire ?

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histoire de ma vie

Il était une fois deux frères.

Puis il n’y en eut plus qu’un : moi.

J’ai grandi vite, avant de savoir conduire,

même. Me voilà donc : un adulte puant.

Je songeais à des centres d’intérêt naissants

qui pourraient intéresser les autres. Pas de savon.

Je devins très pleurnichard, regrettant ce qui avait semblé

être les belles années de jeunesse. Vieillissant

de plus en plus, je me fis aussi plus charitable

en ce qui concernait mes pensées, mes idées,

trouvant qu’elles valaient au moins celles d’un autre.

Puis un vaste nuage dévorateur

surgit et traîna à l’horizon, le

buvant pendant (aurait-on dit) des mois ou des années.

traduction de Anne Talvazpublié dans Vacarme 16 automne 2001

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AMERIQUE

1.

S’empilant

le fait les étoiles

En Amérique le bureau a caché

des archives dans son

stand…

D’énormes étoiles sur eux

Le froid anarchiste debout

avec son chapeau.

Bras contre la rampe

Nous étions garés

Des millions d’entre nous

L’accident fut terrible.

La façon dont la porte dégagea

Les pierres empilées -

Le ruban — livres. miracle. avec lune et les étoiles
Le poirier

m’émouvant

Je suis dans le coin et dans mon soupir

Le cadeau d’une les étoiles.

La personne

Horreur — les morceaux de son choix

Reprochés à moi je

— dans l’appartement

le caillou nous dans le lit.

Le toit —

pluie — pilules —

Trouvées dans la mousse

Les siens ça leur était égal désormais — je ne sais pourquoi.

2.

Rubans

sur le Pacifique

Parfois nous

Les profonds

additionnels

et de plus en plus moins profonds

mais souffrant

sous le feu

pluie brillante

pour nous rencontrer.

Sans doute en

feu sculpté

On y arrive

périodes de l’année

la lumière tombe des cieux

l’amour

séparant les vies distinctes

sa fourchette les

lunettes

notamment le feu.

On se fait malheureux, la malle

Cet amour

Toute la maison

Déchets visites

L’automne brosse les cheveux

La fille a vécu dans ce coin

Au soleil toute l’année.

se levant pour parler

Ton concierge a essayé

si c’était prêt

J’ai failli me faire tuer

à l’instant en lisant

à l’essai

debout avec le pot

dans l’emballage de la porte

de cette année feu intangible

Cuillère

content la saleté autour

des géraniums d’août dernier dont

séchés dans le jardin

joué pour certaine

personne

bien-sûr les tours autour

des étoiles avec privilège branle

sur le pays l’année dernière nous étions dégoûtés en rencontrant

égarés

leur seule réponse le pin

de là la terre

au vent

plus de vos médicaments

santé, lumière, appréhension de la mort, beauté.

Donc ne tue pas la

pierre c’est désert

aux bras

Toi la fille

la mer en vagues.

3.

de l’arsenal

ombragé en public

une main levée

lèvres — une maison

Un instant la musique s’arrête.

Le jour où cela a commencé. La personne

bloquant le chef d’orchestre

Est le concierge à la cape rouge

Et le pot de fleurs dans une main

Son visage caché par l’étagère

pensée intangible.

Donc est-ce que ce chemin

vers les sentiers

des carrés

pétales armés d’une chaîne

nuit arctique

entre les étoiles

les pierres et cette illumination fascinante

qui enterre mon cœur

lui-même une tribune pour laquelle les danseurs

viennent. Pouce reconstitution

historique façonnant

Plus que les formes

peuvent les charlatans

la nuit finie les bains

agité dans son sommeil le concierge prend la clef avec laquelle il tuera l’intrus

Terrain

Luisant

Ressemble pas beaucoup au grand air

Nous nous sommes promenés la main

observe l’écrasement de la pluie

contre la porte la nuit

ne peut garder à l’intérieur

sentant peut-être la sentinelle

le disque parfait

Nous avons marché jusqu’au buisson

le disque

il y avait un problème avec le disque

buisson avait oublié

les pommes sur le cratère

le nordique

Messager la neige

pierre

4.

Bien que je ne fus jamais venu ici

Ce pays, ses lois de verre

Et nuit en majesté

À travers le football

Attiré loin

Signale désespérément

Le pays

doublé de neige

seule de la bouillie fut servie

s’empilant

les étoiles indésirables

requises contre la nuit

Interdites catégoriquement

mais admises

au-delà du cap

l’arbre pousse toujours

les larmes coulent

Et je suis fier

de ces étoiles dans notre drapeau nous ne voulons pas

le drapeau des films

un signal dans le ciel

vers nous — citoyens d’un État futur.

Nous désespérons dans la pièce, mais les étoiles

Et la nuit demeurent, sachant que nous ne le voulons pas

Des pompons d’abord

puis rien — jour

l’odeur.

Dans le couloir. La pierre.

5.

De l’autre côté de l’autre mer, se trouvait

en progrès

la mer de hèle

Des dizaines de personnes aveuglées

Immédiatement le port, défi

Argument

Poirier

Seulement perforation

Chaîne qui se défait dans sa main

Un jour liberté

à venir de la presse

but

peut-être la lotion

ajouta-t-elle. But

les ordres.

Ceux qui sont

faux.

frise

sa misanthropie. brume de poires.

L’acte imitation

son attitude heureuse

position paix

sur terre

liquide enflammé

avant qu’il tombe

doit venir sous cette tête

être aimé, pour pouvoir être

larmes, adoration désespérée, passions

le fruit de nuit charpentée

visible tard le jour suivant. Des voitures

bloquent les rues souhait

les géraniums embrassant

parapluies

en tombant son embrassade il étrangle

dans son garde-meuble mais dans

ceci signifiait

une occurrence

une plume pas de la neige a été soufflée contre la fenêtre.

Signal du grand extérieur.

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    LE PEINTRE

    Assis entre la mer et les immeubles
    Il se plaisait à peindre le portrait de la mer,
    Mais comme les enfants imaginent qu’une prière
    N’est que silence, il s’attendait a ce que son sujet
    Surgisse sur la sable, et, saisissant son pinceau,
    Se colle en autoportrait sur sa toile.

    Il n’y a pas eu de trace de peinture sur la toile
    Jusqu’au moment où les habitants des immeubles
    L’ont encouragé : « Tentez de vous servir du pinceau
    Comme d’un moyen vers une fin. Désignez, pour le portrait,
    Un sujet moins furieux, moins ample, un sujet
    Plus à l’écoute de vos humeurs changeantes, où peut-être d’une prière. »
    Comment leur expliquer qu’il priait déjà
    Pour que la nature plus que l’art naisse sur sa toile ?
    Il choisit son épouse comme nouveau sujet
    L’amplifiant, à l’image de bâtiments en ruines
    Comme si s’oubliant le portrait
    S’était exprimé de lui-même sans pinceau.

    Encouragé il a trempé son pinceau
    Dans la mer, murmurant une prière lui montant du fond du cœur :
    « Mon âme, la prochaine fois que je peindrai un portrait
    Que tu viennes dévaster la toile. »
    Les nouvelles se sont répandues comme de la poudre, enflammant les bâtiments :
    Cet artiste avait retrouvé son sujet auprès de la mer.

    Imaginez un peintre crucifié par son sujet !
    Trop épuisé pour lever son pinceau,
    Son attitude attire des artistes penchés aux fenêtres des immeubles
    Avec des rires cruels : « Nous n’avons plus aucune chance
    Maintenant de nous étaler sur la toile
    Ni d’engager la mer à s’asseoir pour qu’on fasse son portrait. »

    On l’a décrit comme un autoportrait,
    Et à la fin toute trace de sujet
    Commença à s’évanouir, laissant la toile
    Parfaitement blanche. L’artiste posa son pinceau.
    Et soudain un hurlement en forme de prière
    Monta des immeubles grouillant de monde.

    Ils l’ont jeté, le portrait, de la plus haute des tours ;
    Et la mer a dévoré la toile et la brosse
    Le sujet ayant pris la décision de demeurer prière.

Traduction en français du poème original en anglais, “The Painter” (1956),
par Elizabeth Brunazzi (2012), relue par Matthieu Baumier

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Source : Source : Poezibao
S’écrire, se décrire, se nommer. Équivoques du réfléchi. Ashbery a buté à son tour sur l’incapacité du sujet à se poser comme tel sans passer par la méditation d’un modèle, d’un miroir où se reconnaître. Son poème multiplie reflets et renvoie jusqu’au vertige. Sans toutefois s’y perdre. L‘ekphrasis, la description de l’autoportrait, se replie sur elle-même en une sévère et séduisante méditation sur la ressemblance et la différence, l’identité et la répétition.
La Quinzaine littéraire, 16-28 février 1993

Poète et critique, John Ashbery est un des poètes américains dont l’influence a été très importante aux Etats-Unis dans les
années 1970. Il est le plus connu des poètes de l’École de New York, terme inventé par John Bernard Mayers dans le magazine Nomad. Né à Rochester, dans l’État de New York le 28 juillet 1927, il grandit dans une ferme près du lac Ontario. Pendant des années, dès son adolescence, le week-end, il suit une formation pour devenir peintre. Au cours de ses études universitaires, il lit Auden, Wallace Stevens, Dylan Thomas, et termine ses études à l’Université de Columbia après être passé par Harvard. Il vient en France au milieu des années 1950 et y reste dix ans, travaillant notamment pour l’édition européenne du New York Herald Tribune. De retour aux Etats-Unis en 1965, il devient critique d’art – ses écrits sur l’art ont été réunis en 1989.

Bibliographie
(en français) :
Fragment. Clepsydre, traduction
Michel Couturier et Serge Fauchereau, Seuil, 1975.
Quelqu’un que vous avez déjà vu,
traduction Anne Talvaz, POL, 1992.
Heure locale, traduction Anne Talvaz,
Un Bureau sur l’Atlantique, 1997.
Autoportrait dans un miroir convexe,
traduction Anne Talvaz, Atelier La Feugraie, 2004.

bibliographie en anglais
Turandot and Other Poems, 1953
Some Trees, 1956
Three Poems, 1957
The Poems, 1960
The Tennis Court Oath, 1962

Rivers and Mountains, 1966
Sunrise in Suburbia, 1968
ed.: The
American Literary Anthology,
1968
Three Madrigals, 1968
Fragment, 1969

A Nest of Ninnies, 1969
(with Schuyler James)
The Double Dream of Spring, 1970
The New Spirit, 1970
ed.: Penguin Modern Poets 24, 1974
The Vermont Notebook, 1975
(with Joe Brainard)
Self-Portrait in a Convex Mirror,
1975

Houseboat Days, 1977
Three Plays, 1978
As We Know, 1979
Kitaj, 1981
(with R.B. Kitaj)
Shadow Train, 1981
Fairfield Porter, 1982 (with others)

A Wave, 1985
Selected Poems, 1985
April Galleons, 1987
The Ice Storm, 1987
Selected Poems, 1987
Reported Sightings, Art
Chronicles 1957-1987
, 1989 (ed. by D.
Bergman)

Flow Chart, 1991
Selected Poems: Pierre
Reverdy
, 1991 (with M.A. Caws, P. Terry)
Hotel Lautréamont, 1992
Three Books, 1993
And The Stars Were
Shining
, 1994
Can You Hear Birds, 1995

The Mooring of Starting
Out
, 1997
Girls on the Run, 1999
Other Traditions, 2000
Your Name Here: Poems, 2000
As Umbrellas Follow Rain, 2001
Chinese Whispers: Poems, 2002

Selected Prose, 2005

Études :
Antoine
Cazé, John Ashbery, à contre-voix de
l’Amérique
, Belin, 2000.

En ligne
Sur le site
de l’éditeur P.O.L
L’œil de bœuf, n°22, 2000 : en ligne

Sites en anglais (très nombreux) :
Une excellente page en anglais
sur le site Kirjasto
Un blog très riche d’un passionné d’Ashbery
Un site
ouvrant de nombreuses ressources
“How to read John Ashbery”, By Meghan O’RourkeÉcouter John Ashbery lire trois poèmes