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Retour à la question de l’existence de Dieu (R&N;)

Par Tchekfou @Vivien_hoch

Les athées ont beau jeu de dire que Dieu ne peut pas être prouvé et que, se dérobant à la science, Il n’est qu’une vaste fable. Mais un religieux jamais ne tentera de prouver que Dieu existe : cela est à la fois insensé et ridicule. Si Dieu pouvait se démontrer au moyen d’une éprouvette ou d’une équation, il serait un bien piètre dieu – ou il ne serait pas. La raison sera toujours qu’un pis-aller pour la religion, un supplément d’âme ; la vérité n’en a pas besoin. C’est tout le propre du Catholicisme d’être une religion de Mystères : c’est là sa beauté.

Opposer la minable raison humaine aux Mystères de la Foi, quelle folie [1] ! Certes, la métaphysique ne peut prétendre être une science positive ; mais cela ne suffit pas à l’invalider, et la métaphysique n’est une prétention folle que pour celui qui, contaminé par l’idéologie moderne et aveuglé par sa vanité, est insensible à l’invisible. En réalité, l’athéisme relève également de la croyance : réfuter la métaphysique présuppose en effet l’idée selon laquelle la vérité ne peut provenir que du pur résultat mathématique, de la preuve, de l’expérience, du fait. Voilà son dogme et son credo [2]. Pourtant, jamais la divinité n’a paru aussi réelle à celui qui, recueilli dans la prière, a fait l’expérience de la solidarité mystique de l’Ecclesia. Il est en outre amusant de constater comment beaucoup d’athées ont aussitôt comblé le vide spirituel créé par leur propre incroyance : ils multiplient les idoles, se fascinent pour l’argent, la débauche et la vaine gloire. Ils n’ont d’autres soucis que le plaisir, si bien que, comme le disait saint Paul, ils font de leur ventre un dieu [3]. En fait, l’athéisme comme conviction absolue n’existe pas, et même s’il existait, il ne serait qu’une religion de plus.

Dieu est l’Être nécessaire que tout révèle, et en cela, l’athéisme n’est que pur déni. Déjà, la seule présence en l’homme de l’idée de Dieu « prouve » Dieu ; il est dès lors contradictoire d’affirmer que Dieu n’existe pas, puisqu’il faut pour cela reconnaitre la présence en nous d’une idée de Dieu : l’athée, pour nier Dieu, le suppose. Et c’est parce que l’athéisme n’est que pure négation que celui-ci n’a jamais réussi à produire autre chose qu’une critique, parfois savante, mais toujours limitée en ce qu’elle ne propose jamais d’alternative cohérente et durable à la religion. Les écrits athées regorgent toujours de « critiques » et de « réfutations » du christianisme. Mais c’est à peu près tout. En fait, l’athéisme ne cesse de camper sur les défauts de la nature et de la religion pour expliquer l’inexistence de Dieu et, corollaire, l’imperfection de la religion :

« L’athéisme ne vous apporte que de honteuses exceptions ; il n’aperçoit que des désordres, des marais, des volcans, des bêtes nuisibles ; et, comme s’il cherchait à se cacher dans la boue, il interroge les reptiles et les insectes, pour lui fournir des preuves contre Dieu. La religion ne parle que de la grandeur et de la beauté de l’homme. L’athéisme a toujours la lèpre et la peste à vous offrir. La religion tire ses raisons de la sensibilité de l’âme, des plus doux attachements de la vie, de la piété filiale, de l’amour conjugal, de la tendresse maternelle. L’athéisme réduit tout à l’instinct de la bête ; et, pour premier argument de son système, il vous étale un cœur que rien ne peut toucher. Enfin, dans le culte du chrétien, on nous assure que nos maux auront un terme ; on nous console, on essuie nos pleurs, on nous promet une autre vie. Dans le culte de l’athée, les Douleurs humaines font fumer l’encens, la Mort est le sacrificateur, l’autel un Cercueil, et le Néant la divinité [4] »

L’athéisme est donc incapable d’affirmer, il est une philosophie seulement dans ce qu’il nie et, pour exister, il a encore besoin de l’idée de Dieu : à ce titre, et comme son nom l’indique, l’athéisme est fondamentalement théocentrique. Mais quoique se situant toujours par rapport à Dieu, l’athéisme n’en reste pas moins une invention humaine qui n’a jamais su réunir les hommes sous une même égide, une même doctrine :

« Laissons-lui donc ses déplorables partisans, qui d’ailleurs ne s’entendent pas même entre eux : car si les hommes qui croient en la Providence s’accordent sur les chefs principaux de leur doctrine, ceux au contraire qui nient le Créateur, ne cessent de se disputer sur les bases de leur néant. Ils ont devant eux un abîme : pour le combler, il ne leur manque que la pierre du fond, mais ils ne savent où la prendre [5]. »

En revanche, la religion offre la vision d’un peuple universel tout entier voué au Ciel, réunie dans une même Eglise et partageant une unité doctrinale que seule une révélation divine peut permettre. Saint Thomas d’Aquin déjà en parlait :

« Certains hommes en effet s’appuient tellement sur leurs capacités qu’ils se font fort de mesurer avec leur intelligence la nature tout entière, estimant vrai tout ce qu’ils voient, et faux tout ce qu’ils ne voient pas. Pour que l’esprit de l’homme, libéré d’une telle présomption, pût s’enquérir de la vérité avec modestie, il était donc nécessaire que Dieu proposât certaines vérités totalement inaccessibles à son intelligence. (…) Livre de l’Ecclésiastique : « Beaucoup de choses qui dépassent l’esprit de l’homme t’ont été montrées  [6]. »

Si l’athéisme est incapable d’affirmer, la religion quant à elle offre une doctrine rigoureusement complète : tous les aspects de la réalité y sont compris et agencés, de la basse trivialité morale aux hautes vérités métaphysiques. C’est que l’idée de Dieu amène tout à soi : c’est une idée si présente dans l’histoire de l’univers qu’elle peut à bon droit être présentée comme vraie. Quel orgueilleux pourrait soutenir sans défaillir, sinon trois pseudo-philosophes contemporains plus mauvais les uns que les autres, que l’humanité toute entière s’est trompée, que les hommes, des origines au XXe siècle, n’ont été qu’abrutis incapables de penser et abusés par quelques contes métaphysiques ? Quel badaud oserait soutenir que la vérité appartient désormais à une bande d’athées occidentaux, sans passé et sans valeurs, qui entendent revisiter l’histoire à travers un progrès libérateur qui a abouti, on le sait, à l’urinoir de Duchamp et Hiroshima ? La civilisation a quitté l’Occident depuis que la religion n’y a plus sa place.

L’innéisme a donc l’avantage avantage d’expliquer le fait qu’on ne puisse trouver une société, primitive ou développée, qui n’ait pas développé l’idée d’une ou plusieurs divinités : l’expérience n’a jamais révoqué cette vérité. Il existe un « consensus universel » sur l’idée de Dieu ; Cicéron le remarquait déjà dans son De natura deorum de Cicéron :

« Sans avoir l’idée d’une chose, c’est-à-dire sans en avoir une représentation mentale, vous ne sauriez la concevoir ni en parler : or, quel peuple, quelle sorte d’homme n’a pas, indépendamment de toute étude, une idée, une prénotion des dieux ? Vous voyez, dès lors, toute cette question reposer sur un fondement solide. En effet, puisque ce n’est point une opinion qui vienne de l’éducation, ou de la coutume, ou de quelque loi humaine, mais une croyance ferme et unanime parmi tous les hommes, sans en excepter un seul, il suit de là que c’est par des notions empreintes dans non âmes, ou plutôt innées, que nous comprenons qu’il y a des dieux. Or, tout jugement de la nature, quand il est universel, est nécessairement vrai. Il faut donc reconnaître qu’il y a des dieux. Et comme les philosophes et les ignorants s’accordent presque tous sur ce point, il faut reconnaître aussi que les hommes ont naturellement une idée des dieux, ou, comme j’ai dit, une prénotion [7]. »

Le parfait ne peut provenir de l’imparfait, en sorte que la présence de l’idée de l’infini en nous, êtres finis, ne peut pas avoir d’autre origine que l’être infini lui-même : c’est ce qu’affirme Malebranche dans Sa Recherche de la Vérité : « rien de fini ne peut représenter l’infini. Si on pense à Dieu, il faut qu’il soit ». Dans l’Examen de la philosophie de Bacon, J. de Maistre l’exprime avec astuce :

« Dieu parle à tous les hommes par l’idée de lui-même qu’il a mise en nous ; par cette idée qui serait impossible, si elle ne venait pas de lui, il dit à tous : C’EST MOI ! et ceux qu’on nomme athées répondent : COMMENT SERAIT-CE TOI, PUISQUE TU N’EXISTES PAS ? [8] »

Mais le génie de Maistre réside en ce qu’il montre que l’athéisme n’est pas un produit de l’intelligence mais un défaut de la volonté : la croyance en Dieu est un état naturel, et c’est bien plus la société moderne qui, fidèle à son dessein malin, détourne l’homme de sa piété naturelle.

« Nul homme n’a cessé de croire en Dieu, avant d’avoir désiré qu’il n’existât pas ; nul livre ne saurait produire cet état, et nul livre ne peut le faire cesser  [9] ».

L’athéisme n’est donc que folie en ce qu’il nie ce qui est à la fois évident et nécessaire [10]. Evident car tout ce qui appartient au sensible a nécessairement un commencement et une fin : c’est là une loi naturelle qu’il serait impossible de réfuter, et soutenir que la Nature en serait exempt est contradictoire. Remarquons d’ailleurs, quoiqu’en pensent quelques spinozistes, qu’il n’y a rien d’ « anthropomorphique » à dire que le monde ne peut exister sans cause puisque c’est là le modèle même de la nature. Par nous-mêmes, nous n’avons absolument rien : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?(I Co. 4, 7). L’impossibilité d’un regressus ad infinitum dans l’ordre des causes efficientes aboutit nécessairement à la conclusion d’un moteur premier, lui-même non engendré : Dieu. Et qu’il s’agisse de la « cause », du « mouvement », de la « génération » ou des « degrés » de perfection, toutes ces manières de remonter à Dieu ont été démontrées avec brio par la philosophie aristotélicienne [11].

 Lire l’article en entier : Svmma contra atheos (Le Rouge et le Noir)

Notes :

[1] I Corinthiens 1, 25. « Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. »

[2] « De quelle manière, nous aussi, nous sommes encore pieux. – (…) Mais cela n’équivaut-il pas à dire : ce n’est que lorsque la conviction cesse d’être une conviction que l’on peut lui concéder l’entrée dans la science ? La discipline de l’esprit scientifique ne commencerait-elle pas alors seulement que l’on ne se permet plus de convictions ? Il en est probablement ainsi. Or, il s’agit encore de savoir si, pour que cette discipline puisse commencer, une conviction n’est pas indispensable, une conviction si impérieuse et si absolue qu’elle force toutes les autres convictions à se sacrifier pour elle. On voit que la science, elle aussi, repose sur une foi, et qu’il ne saurait exister de science « sans présupposition ». Nietzsche, Le Gai savoir, § 344.

[3] Philippiens 3, 19. Leur fin, c’est la perdition, eux qui font leur Dieu de leur ventre, et mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, n’ayant de goût que pour les choses de la terre.

[4] R. de Chateaubriand, Génie du christianisme, Paris, GF-Flammarion, 1966, Première partie, Livre VI, Chap. V, p. 214.

[5] Chateaubriand, Ibid., Première partie, Livre V, Chap. I, p. 151.

[6] Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils I, 5.

[7] Cicéron, De natura deorum, Livre 1, parties XVI- XVII.

[8] J. de Maistre, Œuvres, éd. de P. Glaudes, Paris, Robert Laffont, 2007, p. 1123.

[9] J. de Maistre, op. cité, p. 1124.

[10] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia pars, Q.2, art.1. « Or, dès qu’on a compris ce que signifie ce mot : Dieu, aussitôt on sait que Dieu existe. En effet, ce mot signifie un être tel qu’on ne peut en concevoir de plus grand ; or, ce qui existe à la fois dans la réalité et dans l’esprit est plus grand que ce qui existe uniquement dans l’esprit. Donc, puisque, le mot étant compris, Dieu est dans l’esprit, on sait du même coup qu’il est dans la réalité. L’existence de Dieu est donc évidente. »


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