J'ai trouvé le débat d'hier assez pénible à regarder, et ce, pour deux raisons tenant à madame Royal. Alors qu'il était initialement prévu d'aborder au cours de la rencontre successivement quatre grandes thématiques, S. Royal a, en pratique, tout fait pour empêcher que l'ensemble ait un aspect construit, soit parce qu'elle est en réalité incapable d'aborder les problèmes de façon ordonnée, soit parce qu'elle savait qu'une construction rigoureuse tournerait à l'avantage de son concurrent. Ainsi, dès la première question, qui touchait à la réforme des institutions, elle s'est empressée de ne pas répondre pour se lancer dans des questions économiques.
Au final, l'ensemble a donc paru brouillon, malgré les tentatives répétées de N. Sarkozy pour recentrer le débat sur les questions des journalistes. Nombreux sont ceux qui, à l'issue de l'émission, ont regretté le faible rôle qu'ont joué hier soir A. Chabot et PPDA. Je crois que cela tient en grande partie au refus de S. Royal de respecter la règle du jeu.
Ensuite, ce débat était désagréable à suivre parce que S. Royal s'y est montrée le plus souvent odieuse, interrompant son concurrent constamment et faisant preuve d'agressivité quasiment en permanence. Elle qui avait tenté de faire croire que N. Sarkozy était un homme brutal et violent, on l'a vu plus que jamais calme et posé, grand prince au point, même, de lui laisser un avantage de deux minutes de temps de parole. Il a aussi fait un éloge habile de sa concurrente (les compliments qu'il lui adressait valaient aussi bien pour lui-même), tandis que la candidate a refusé de se prêter au jeu. Bref, Sarkozy a clairement voulu montrer qu'il était un homme tout à fait fréquentable. Je vous renvoie d'ailleurs aux images filmées à l'issue de l'émission, qui confirment cette vision d'ensemble : Royal se détourne ostensiblement pour éviter de serrer la main de Sarkozy, tandis que celui-ci, prévenant, lui indique de faire attention à la marche...
Sur le moment, les commentateurs ont dit qu'il n'y avait ni vainqueur ni vaincu et que la "pugnacité" inattendue de la candidate avait montré un Sarkozy décevant, sur la défensive et souvent dominé. Avec un peu de recul, je crois pourtant que le débat a tourné à l'avantage de Sarkozy. Il me paraît avoir très habilement joué, car chez les convaincus de gauche et de droite un tel débat ne change pas la donne ; les partisans de Sarkozy en ont certes été quitte pour une soirée où ils ont eu l'impression que leur candidat n'avait parfois pas été assez combatif, mais leur vote ne changera pas ; les partisans de Royal ont vu dans l'agressivité de leur candidate une confirmation de sa stature présidentielle, et leur vote ne changera pas non plus ; Sarkozy s'adressait aux électeurs indécis et a fait le pari de l'intelligence et des idées contre l'agressivité de Royal, qui a paru au final peu crédible.
Selon un sondage publié par OpinionWay et évidemment contesté par le PS (peut-il seulement faire autrement, s'il ne veut pas démobiliser ses troupes ?), Sarkozy a été jugé plus convaincant par 53% des personnes interrogées, contre 31% pour Royal. Bien plus, dans l'électorat de Bayrou, 51% des Français ont préféré N. Sarkozy, 25% S. Royal et 24% aucun des deux. Il faut toujours considérer les sondages avec précaution, mais il semble que le futur score de madame Royal dépendra beaucoup des électeurs hésitant entre le vote pour la candidate socialiste et le vote blanc : or, de ce point de vue, madame Royal n'a pas marqué de points hier.
Il faut dire que sur le fond, elle a été très souvent médiocre, quand son concurrent était clair et précis. Lorsqu'elle est prise au dépourvue, elle renvoie systématiquement à des négociations avec les partenaires sociaux ; elle a émis la proposition ridicule de mettre un policier derrière chaque policier femme rentrant chez elle le soir, ce qui est prendre le problème à l'envers (au lieu de poursuivre les délinquants, il faut donc, selon elle, mieux protéger les policiers) ; elle annonce ne pas vouloir augmenter le nombre de fonctionnaires, mais promet en revanche partout des classes de 17 élèves : pour y parvenir, il faudrait recruter près d'un million d'enseignants et construire le double d'établissements ; elle annonce vouloir recruter 5000 enseignants supplémentaires dès la rentrée de septembre, oubliant sans doute que le recrutement se fait par concours, et qu'il sera trop tard pour changer quoi que ce soit pour la rentrée prochaine si elle est élue présidente ; elle agresse N.Sarkozy sur le nucléaire, le taxant d'incompétence alors qu'elle cite elle-même un chiffre faux ; elle ne propose aucune mesure permettant de rembourser la dette, et, acculée par N. Sarkozy, finit par dire qu'elle fera la réforme des régimes spéciaux, alors qu'elle s'y est toujours dit opposée ; elle propose de financer les retraites par un nouvel impôt boursier dont elle ne connaît ni le taux ni l'assiette, renvoyant tout cela à des négociations ultérieures. Qu'est-ce, sinon demander aux Français de lui signer un chèque en blanc ?
Enfin, il faut dire un mot sur la longue colère qu'elle a absolument tenu à exprimer à propos du discours de N. Sarkozy sur les handicapés. Ce dernier, afin d'accueillir réellement tous les élèves handicapés à l'école, à proposé de mettre en place pour cela, d'ici la fin de son quinquennat, un droit opposable pour l'intégration des handicapés à l'école. Ne supportant sans doute pas que le candidat de l'UMP aborde des questions sociales (que serait-il resté à S. Royal ?), elle a d'abord fait semblant de croire que cela obligerait les familles à aller au tribunal pour que leur enfant soit accueilli. C'était évidemment de la mauvaise foi, car le but d'un droit opposable est évidemment d'éviter les procès : c'est bien plutôt la menace de possibles procès qui peut pousser les établissements scolaires à faire de réels efforts dans l'accueil des handicapés.
Voyant que son attaque ne fonctionnait pas, S. Royal a eu alors l'idée de se mettre en colère, reprochant à N. Sarkozy et aux gouvernements auxquels il a appartenu d'avoir détruit le plan Handiscol qu'elle avait créé en 2001, taxant alors la promesse de N. Sarkozy de "summum de l'immoralité politique". Malheureusement pour madame Royal, ce n'est pas le nom du plan qui importe, mais la réalité de l'accueil des handicapés en milieu scolaire. Et sur cette question les chiffres sont parlant. Le nombre d'enfants handicapés accueilli dans les écoles est passé de 89.000 en 2002 à 160.000 à la rentrée 2006. Le nombre d'auxiliaires de vie scolaire qui les accompagnent est passé de 4700 à plus de 8000. Enfin, en février 2005, une loi a prévu l'inscription des enfants handicapés dans l'école de leur quartier. Le PS a refusé de la voter. Ceux qui mènent une véritable politique sociale ne sont pas obligatoirement du côté que l'on croit...
HandicapRoyal
envoyé par lefigaro