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« L’Ennemi » : Batman sur le ring (2/2)

Publié le 08 juillet 2012 par Sheumas

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La lutte de l’artiste contre la menace du Temps

   La tension entre le Temps et les forces de création est marquée à travers l’image finale portée par le cri sous la forme d’une anaphore : « ô douleur ! ô douleur ! ». Le tercet exploite une implacable antithèse qui oppose les forces de vie aux forces de mort : « Du sang que nous perdons croit et se fortifie »

   Pour autant, la bataille n’est pas perdue (elle est même gagnée aux yeux du lecteur qui découvre ce poème au sein de l’ensemble et du « jardin » des Fleurs du mal). La volonté de résister est assumée à travers la référence (très prosaïque et presque vulgaire dans un poème lyrique) aux outils de jardins : « la pelle et les râteaux » (vers 6) qui fonctionnent par métaphore et renvoient à l’idée de jardin et de « fruits vermeils ». Privé de comparés, le lecteur comprend que ces mots signifient travail et inspiration. Les allitérations en « r » et en « l » des vers 6 à 8 montrent bien l’idée de maniement obstiné des deux outils.

   Par ailleurs, le printemps est « raconté » à deux reprises dans ce sonnet : d’abord sous sa forme éphémère et précaire dans le premier quatrain (consacrée à la jeunesse), ensuite sous une forme beaucoup plus idéale et intemporelle dans le premier tercet (consacrée à la possible création). Les mots connotent la vie : « fleurs nouvelles », « mystique aliment », « vigueur ». Le rythme du tercet est entraîné dans un mouvement d’euphorie (les vers 9-10 et 11 enjambent les uns sur les autres) et semble faire reculer la morsure du Temps. L’énonciation évolue d’ailleurs dans le dernier tercet détaché du précédent par un tiret (signe d’un écart ?) : le poète revient à une réflexion à caractère universel : « nous » : « L’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur (...) / Du sang que nous perdons » comme s’il venait d’affirmer la dualité qui est en lui : il est à la fois un poète capable d’opposer au Temps une œuvre impérissable et un homme fragile et conscient de la précarité de l’existence.  

Conclusion : Le Temps coupe les veines d’un poète en veine d’écriture... Mise en scène d’un conflit inégal : le jardinier au cœur de l’orage : « L’Art est long et le Temps est court » affirme le poème suivant « le guignon ». Malgré l’affirmation du doute, ce poème trouve sa place dans l’architecture des Fleurs du mal et affirme ainsi de façon jubilatoire la supériorité de l’Art sur le Temps. Vision prométhéenne de l’artiste, rival de Dieu. En cela Baudelaire est le continuateur des poètes baroques des XVI° et XVII° comme Ronsard marqué par la conscience de la vanité : cf : « Sonnet pour Hélène » dont on peut aussi rapprocher « une charogne » de Baudelaire.


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