Coulon © Viviane Hamy 2012
C’est un bled paumé de l’Amérique profonde. Une scierie, un troquet, un shérif, un médecin... Tout se sait, rien ne s’oublie. William Hogan y a acquis le domaine de ses rêves, une vaste propriété où les arbres sont centenaires. De son union parfois tumultueuse avec Mary est né le petit Thomas. Un gamin frêle, sensible, taciturne, ombrageux. A la mort du père, Thomas se retrouve seul avec sa mère. Une vie simple et heureuse. Mais le temps passe, le gamin grandit et les événements vont façonner peu à peu sa personnalité. L’enfant sage va laisser sa place à un jeune adulte en proie aux pires tourments. Il faudra cet accident épouvantable pour que les choses basculent définitivement...Ce n’est pas pour rien que l’on trouve une citation de Steinbeck en exergue du premier chapitre. L’influence de l’auteur des Raisins de la colère est ici évidente. Difficile d’imaginer que Cécile Coulon n’a que 22 ans tant son écriture exprime déjà une belle maturité. Une grande sobriété, pas de chichi ni d’envolée lyrique, juste quelques métaphores parfaitement troussées. Tout tient dans la force d’incarnation de personnages disséqués jusqu’à l’os. Proche d’une certaine oralité, la prose est celle d’une raconteuse d’histoire qui vous prend par la main et vous demande de vous laisser guider.
Chronique familiale, Le roi n’a pas sommeil est aussi et surtout une ballade tragique. Le malheur de Thomas ne lui appartient pas, il lui tombe dessus sans crier gare. En filigrane, on décèle une volonté de décortiquer un modèle de vie à priori idyllique où la part d’ombre de chacun peut à tout moment venir brouiller les cartes.
Un roman puissant et maîtrisé.
Le roi n’a pas sommeil, de Cécile Coulon. Viviane Hamy, 2012. 142 pages. 17 euros.