Depuis la démission de N. Sarkozy de la présidence de l'UMP, lundi dernier, c'est désormais le vice-président Jean-claude Gaudin qui assure l'intérim à la tête du parti jusqu'au prochain congrès, qui aura lieu à l'automne. Ce congrès devrait entériner un changement important dans la direction du parti : l'UMP ne devrait plus être dirigée par un président élu par les militants mais par une "gouvernance collective", comme l'a indiqué Jean-Pierre Raffarin.
"Je ne crois pas, a affirmé l'ancien premier ministre, qu'il faille que l'UMP se lance dans une élection, les Français attendent de nous qu'on travaille, que le parti aide l'exécutif dans son action réformatrice". Jean-Pierre Raffarin ajoutait par ailleurs sur Europe-1 : "les militants choisiront les nouveaux statuts [...] Il y a la conquête du pouvoir et après, il y a l'exercice des responsabilités, donc maintenant, c'est au travail!".
Je ne suis absolument pas convaincu, pour ma part, de la nécessité de changer les règles de fonctionnement du parti, au prétexte que l'élection du président de la république est désormais derrière nous. Certes, N. Sarkozy et son équipe sont très bien placés pour connaître le danger que pourrait représenter l'UMP pour le nouveau pouvoir : en prenant la tête du parti en 2004, et en fédérant une majorité autour de lui, N. Sarkozy en a fait un cheval de Troie pour l'emporter d'abord sur les Chiraquiens avant de se lancer dans la bataille présidentielle. Une gouvernance collégiale éviterait tout risque de ce genre pour les échéances de 2012.
Ce changement aurait donc un côté pratique : le parti se contentera d'accompagner le pouvoir et entrera dans une phase de demi-sommeil laissant peu de place aux divisions. Chacun sait qu'au-delà des clivages idéologiques, c'est généralement, de la gauche ou de la droite, le camp le plus uni qui a le plus de chance de l'emporter lors des grandes échéances.
Pourtant, je ne crois pas que cette unité doive se faire au prix d'un tour de passe-passe institutionnel au sein du parti : l'unité se mérite, même une fois le pouvoir conquis, et ne doit pas s'imposer par des manoeuvres qui empêcheraient éventuellement des voix divergentes de s'exprimer (et d'ailleurs N. Sarkozy a suffisamment de talent pour rassembler autour de lui sans qu'il soit besoin de cette modification).
En tenant de tels propos, qui paraîtront peut-être un peu durs aux yeux de mes lecteurs de droite, je ne fais pas de procès d'intention, mais je me contente de signaler un risque réel. L'UMP a connu une rénovation formidable avec N. Sarkozy, qui a su en faire un grand parti démocratique et un véritable laboratoire d'idées : il ne faut pas que cet élan retombe. Si les militants n'élisent plus leur président, on donnera l'impression que la démocratie n'était qu'un moyen de la conquête du pouvoir ; si l'UMP n'est plus une force de propositions, on donnera l'impression que les idées avancées par le parti étaient au service du candidat et non pas l'inverse.
Bref la gouvernance collégiale, même si elle offre un avantage pratique à court terme, est dommageable non seulement sur le plan des principes, mais aussi pour la vie du parti dans la durée. "Les militants choisiront les nouveaux statuts", répliquera un Jean-Pierre Raffarin. Certes, mais demander aux militants "Êtes-vous favorable à une gouvernance collégiale à la tête de l'UMP ?" n'a que l'apparence d'une consultation démocratique. Car derrière cette question au dehors assez anodin, les militants devront comprendre : "Acceptez-vous de vous voir confisquer le droit qui vous a été reconnu d'élire votre président ?" Je voterai non, dussé-je être très minoritaire.