Ô Mon Sauveur, trop ma vue est troublée
Et de te voir j’ai pitié redoublée,
Remémorant cette bénignité
Qui te fait prendre habit d’humanité..
Donc, ô seul Dieu qui tous nos biens accrois,
Descends, hélas de cette haute croix,
Jusques au bas de ce très sacré temple,
À cette fin que mieux je te contemple..
Pas n’est si longue icelle voye comme
Quand descendis du ciel pour te faire homme ;
Si te supplie de me prêter la grâce
Que tes genoux d’affection j’embrasse,
Et que je sois de baiser avoué
Ce divin pied qui sur l’autre est cloué.
Mais, à Jésus, Roy doux et aimable,
Dieu très clément et juge pitoyable,
Fais qu’en mes ans ta hautesse me donne
Pour te servir saine pensée et bonne ;
Ne faire rien qu’à ton honneur et gloire,
Tes mandements ouïr, garder et croire,
Avec soupirs, regrets et repentance
De t’avoir fait par tant de fois offense.
Puis quand la vie à mort donnera lieu,
Las, tire-moi mon Rédempteur et Dieu,
Là-haut, où joie indicible sentit
Celui larron qui tard se repentit,
Pour et afin qu’en laissant tout moleste,
Je sois rempli de liesse céleste,
Et que d’amour, dedans mon coeur ancrée,
Qui m’a créé, prés de toi me recrée.
Clément MAROT (1496-1544).
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