C'est une décision difficile à prendre, s'il faut commencer une fille par le haut ou par le bas.
Avec Vida, franchement, je ne savais pas par où commencer. C'était vraiment un problème.
Quand elle se souleva un peu et, gauchement, plaça mon visage dans un petit réceptacle
qui était ses mains et qu'elle m'embrassa calmement (encore, et encore)
il fallut bien commencer quelque part.
Pendant tout ce temps, elle me regardait fixement. Ses yeux ne me quittaient pas des yeux,
comme si j'étais un terrain d'atterrissage.
Je changeai de réceptacle et c'est son visage alors qui devint une fleur entre mes mains.
Lentement, pendant que je l'embrassais, j'ai laissé mes mains dériver le long de son visage
puis plus bas encore, jusqu'au cou, jusqu'aux épaules.
Et je voyais l'avenir se chambarder dans sa tête tandis que j'arrivais à la lisière de ses seins.
Si vastes, d'un galbe si parfait sous son pull, que j'avais l'estomac perché
en haut d'un escabeau lorsque je les touchai pour la première fois.
Ses yeux ne me quittaient pas et je voyais dans ses yeux le reflet du geste
par lequel je touchais ses seins.
Ce fut comme un bref éclair bleu.
Richard Brautigan
L'Avortement / 1966