Lyonnaise des Eaux, pour préserver ses intérêts, tous les coups seraient permis

Publié le 06 juillet 2012 par Lecridupeuple @cridupeuple

Version enrichie de l’article que j’ai rédigé, à chaud ce matin, pour le site du Parti de gauche.

Quand l’oligarchie sent ses intérêts vitaux menacés, aucune pratique ne la rebute. C’est ce que l’on apprend à la lecture d’un article de Marianne sobrement intitulé « Comment une multinationale a voulu déstabiliser un élu du Parti de Gauche ». En l’occurrence, la Lyonnaise des Eaux, filiale du groupe Suez Environnement, aurait missionné fin 2011 un cabinet de conseil en communication, Vae Solis (« malheur à ceux qui marchent seul » en latin), pour « discréditer sur le fond » la régie publique Eau des Lacs de l’Essonne et son président, Gabriel Amard, par ailleurs secrétaire national du Parti de Gauche. La Lyonnaise des Eaux semble aussi avoir aussi donné pour mission au cabinet Vae Solis « d’empêcher in fine un accord entre la régie publique Eau des Lacs de l’Essonne et Eau de Paris » sur la fourniture d’eau potabilisée…

Il faut savoir que la régie publique Eau des Lacs de l’Essonne a été créée après une votation citoyenne organisée par les élus de la Communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne en juin 2010. Il s’est agi alors, pour notre camarade Gabriel Amard, de laisser aux citoyens le choix du mode d’approvisionnement en eau potable après la sortie de la ville de Viry-Chatillon du Syndicat des Eaux d’Île-de-France. Au final, ce sont 4 945 personnes qui ont participé, votant à 95 % pour la régie publique. Il y a donc un mandat démocratique derrière la délibération prise par la Communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne. Mais cela n’a pas l’heur d’impressionner beaucoup la Lyonnaise des eaux, dirait-on… Dans son éditorial de la lettre électronique des Lacs de l’Essonne, Gabriel souligne d’ailleurs : « Les choix discordants, même quand ils sont le fruit d’un processus démocratique, ne suscitent chez (les multinationales de l’eau) que mépris. »

La régie est entrée en service le 1er janvier 2011, succédant à Veolia, le concurrent historique de Lyonnaise des Eaux. Cette dernière société a bénéficié d’un marché de gré à gré (l’eau n’est pas soumise aux règles des marchés publics) pour assurer la continuité de service. La négociation a porté ses fruits et le prix du mètre cube facturé par la Lyonnaise a baissé…

Les conséquences ne se sont pas fait attendre pour les usagers : une baisse du tarif d’accès au service de l’eau de 37 %, la gratuité des 3 premiers litres d’eau par jour et par personne, une hausse nette des investissements sur le réseau de distribution. La preuve par l’exemple que le service public est moins cher et plus efficace que le privé. Aucun actionnaire à rétribuer, pas de montage financier complexe pour faire circuler l’argent au sein du groupe en multipliant les sources de profit, pas d’exigence de rentabilité exigées par les places financières… C’est autant de moins pour l’usager qui n’est plus vache à lait. C’est bien cela que la Lyonnaise des Eaux semble vouloir discréditer pour préserver les bénéfices colossaux qu’elle réalise sur le dos des citoyens.

L’autre point qui pourrait l’avoir piquée au vif, expliquant la brutalité de la méthode (si elle est avérée), reste qu’elle serait potentiellement remplacée par Eau de Paris dans l’approvisionnement en eau potable. Cela montre que, même en concédant un tarif dit « préférentiel », les majors de l’eau réalisent encore pas mal de bénéfices. C’est là qu’il faut chercher l’explication à cette volonté « d’empêcher in fine un accord entre la régie publique Eau des Lacs de l’Essonne et Eau de Paris , déjà évoquée.

Au final, peu importe que la Lyonnaise des Eaux ait fait appel à un cabinet de lobbying pour mener à bien sa tentative. Peu importe que le cabinet animé par un militant PS ait eu besoin de proposer son aide bienveillante aux élus UMP de Viry-Chatillon. Plus inquiétant, sur le fond politique, est que, comme le révèle Marianne, le responsable de cette mission au sein de Vae Solis soit aujourd’hui le chef de cabinet du ministre de l’Agriculture. Comme le souligne le communiqué de presse du Parti de Gauche, « c’est un très mauvais signal politique envoyé aux défenseurs du service public de l’eau » que l’on compte même au gouvernement : Pierre Moscovici et Manuel Valls, dans les collectivités qu’ils présidaient avant de devenir ministres, ont aussi fait le choix de la régie publique.

Bonus pièce à conviction : la note rédigée par le cabinet Vae Solis à l’attention de Lyonnaise des Eaux (format pdf)

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