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Patrimoine et histoire de St Julien: les châteaux de Ternier

Publié le 06 juillet 2012 par Pierrehk

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En préambule, précisons qu'il faut en effet corriger l'appellation habituelle des Saint-Juliennois lorsqu'ils font référence à ce site boisé et sauvage, où une municipalité précédente avait eu le bon gout d'aménager un parcours santé, malheureusement peu entretenu depuis. Il ne faut donc pas parler du château de Ternier mais bien des châteaux de Ternier puisque 2 châteaux distincts et appartenant à deux familles différentes se faisaient face sur le promontoire au dessus du village de Ternier comme on peut le voir sur la photo ci dessus.

Cette colline (490m d'altitude) sur laquelle se trouvaient les chateaux domine le vallon de l'Aire au sud et l'Arande au nord, ce qui leur permettaient de controler la route principale d'alors qui allait vers Lathoy puis au pied du Salève.

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à gauche, le chateau comtal, à droite la poype de Ternier

La Poype, situé à l'est appartenait en effet à la famille de Ternier, vassal du Comte de Genève, suzerain de notre territoire alors que le château à l'ouest  dénommé château comtal était lui propriété du Comte de Genève et était le siège de la chatellenie, occupé par un chatelain qui était chargé de le représenter sur notre territoire.

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La Poype de Ternier

La Poype

Ce terme de poype indique un mamelon arrondi, synonime de "motte". La famille de Ternier apparait dans l'Histoire avec Hugues de Ternier dès 1113, comme l'un des principaux seigneurs feudataires des Comtes de Genève. Le 1er octobre 1401, il fut convenu que les Ternier passeraient acte de fidélité seulement au Comte de Genève et qu'à son tour, celui-ci le ferait pour les mêmes biens à l'évèque de Genève. Dès le 15 juin 1277, la famille de Ternier avait prété hommage pour la Poype au Comte de Genève, hommage renouvelé par la suite le 11/9/1294 puis le 13/5/1394.

Le chateau connut bien des vicissitudes dès la fin du XIVème Siècle, et le seigneur de Ternier qui résidait principalement au chatelard de Feigères n'occupait la Poype qu'en période de troubles. Des travaux de restauration sont menés à plusieurs reprises dans la première décennie du XV ème Siècle et rien de bien particulier ne se passe à la Poype jusqu'à sa destruction.

En 1536, les Bernois occupent St Julien et le pays alentour: Ternier tombe entre leurs mains; ils conservent ces terres jusqu'à la reddition du bailliage au duc de savoie en Aout 1567. Rappelons que dès le début des hostilités de 1589 (liées à l'édification du Fort Sainte Catherine à Songy par le Duc de Savoie), les Genevois s'emparèrent du pays et occupèrent le chateau de Ternier où ils laissèrent une garnison. Le 26 mai, les troupes ducales voulurent reprendre le chateau; elles mirent alors le pétard à la "fausse porte", mais la garnison leur jeta de grosses pierres à la deuxième porte et les troupes savoisiennes durent se retirer avec pertes. Le 1er juin, après une canonade de 121 coups, de 11:00 à 16:00, une brèche fut ouverte; la garnison genevoise se rendit contre promesse de vie sauve, ce qui n'empécha pas le duc de trahir sa promesse et de pendre les combattants défaits. La Poype n'a jamais été relevée depuis cette époque. Quant au chateau comtal, il n'était déja plus en état de se défendre.

Jusqu'à la Révolution, les ruines restèrent entre les mains de la famille des Milliet de Challes; ces biens furent confisqués comme biens nationaux et furent adjugés en Themidor An IV à Etienne-François Pissard.

Description archéologique de la Poype

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On parvenait au chateau par l'est en suivant la crête de la colline depuis Lathoy. Après avoir traversé un premier fossé et une première porte, qualifiée de "fausse porte", qui se trouvait dans le mur d'enceinte, aujourd'hui disparu, on longeait les courtines de la tour pour arriver à une deuxième porte qui donnait accès à une cour bordée de batiments dont on voit encore quelques traces. L'habitation s'étendait sur les cotés sud et nord, avec une chapelle dédiée à saint-Nicolas.

L'énorme tour du donjon, qui situé au sommet de la motte constitue à lui seul l'essentiel du chateau, offre un plan polygonal à 7 pans, très irréguliers, d'environ 14m de diamètre. Cette tour était encerclée par une enceinte qui suivait le même plan avec, entre les deux, un passage très étroit de 2M en moyenne. Il est aussi certain qu'un deuxième mur concentrique, construit au XVème Siècle, entourait l'ensemble: on en voit encore quelques fragments du coté sud. Les murs du donjon ont en moyenne 2.80M avec une épaisseur de 4.60M au sud, avec un talus très prononcé. Les assises de la tour sont de facture romane. Le donjon devait dépasser 21M de haut et était recouvert d'un toit, mais la disposition de la tour laisse entendre qu'elle a été souvent remaniée, avec probablement à l'origine une tour d'origine qui aura été reconstruite au XII ème Siècle.

De par ses formes et ses dimensions fort importantes, le donjon de Ternier est unique en son genre dans notre contrée, et devait être un des donjons les plus redoutables du pays. Il en reste quelques pans de mur et des parties de son enceinte qui disparaissent malheureusement sous les buissons.

Le Chateau Comtal

S'il est antérieur au XIIIème Siècle, on ne connait pas la dâte de l'établissement de ce chateau édifié face à la Poype de Ternier. La première mention de cette forteresse relevant du Comte de Genève date en effet de 1225. L'évèque de Genève ayant des droits de supériorité féodale sur le chateau, puisque Guillaume, seigneur de Viry, reconnait dès 1278 tenir son fief de Robert de Genève, évèque et seigneur de Ternier, le comte de Genève Amédée en fait hommage à l'évèque en 1305.

En 1394, Girard de Ternier qui avait prété des sommes considérables aux héritiers du comte obtient la cession de Ternier et de son mandement, ce qui réunit à l'époque les deux chateaux dans les mêmes mains. Après le Traité de Paris, Ternier passa à la Maison de Savoie et Amédée VIII prête hommage à l'évèque de Genève pour le chateau le 1er octobre 1405.

Relevant de la Maison de Savoie, Ternier passa de mains en mains, jusqu'au 29 mai 1781 quand ces terres furent annexées au domaine de l'Etat, élevées au rang de marquisat.

Description archéologique du chateau comtal

Il ne reste plus grand chose des ruines du chateau comtal: seulement les amorces des deux tours principales et quelques pans de l'enceinte. En revanche, les fossés et voies d'accès restent bien visibles.

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Ce chateau occupait un plateau assez vaste en forme de pentagone auquel on accèdait de l'ouest en montant directement du village de Ternier; puis par un large pont qui  traversait le fossé, on parvenait à la première porte. A gauche s'élevait le donjon, tandis que la vaste cour était entourée de communs et de dépendances. Tout le coté nord était réservé à l'habitation du comte , comprise entre l'ancien donjon et la nouvelle tour.

Au nord, le donjon ancien est de type roman, mesurant environ 8.75M sur 10M. Malgré les aménagements et perfectionnements réalisés en 1331-1332, le chateau n'était pas très vaste, surtout pour y loger le comte et sa suite qui y venaient fréquemment. Aussi édifia t-on une nouvelle tour du coté de la Poype, vers 1328-1330, avec l'aménagement de chambres en 1337-1338. Le revètement de la tour en pierres de taille semble avoir eu lieu plus tard entre 1402 et 1410. Cette tour neuve dont les bases subsistent , avec porte et double cave, mesurait environ 13M sur 11M. La porte cintrée de la cave, faite de pierres de taille et de grès, est encore en place.

Avant chaque visite du comte, on procédait à une profonde réfection des batiments, ce qui nécessitait un entretien considérable: il fallait des forets pour les ouvrages en bois, les pierres étaient prises dans les carrières du Salève, les bois et la chaux à Pomier. A noter qu'un puits a été entièrement refait en 1338-1340 puis à nouveau en 1402.

Les vendanges ont une grande importance dans la vie du chateau. En 1333, la garnison ordinaire se compose d'un portier, cinq clients et deux guets. Le chateau comtal a été constamment habité, soit par les comtes de Genève, puis par ceux de Savoie. En mars 1331, le comte de Genève vient y séjourner avec la comtesse d'Airlay et la dame de Faucigny.

Ternier était une résidence et un chateau fort, mais sa position de défense était très inférieure à celle de la Poype. Aussi, en temps de guerre, il était nécessaire à ces deux chateaux de s'entendre pour assurer une défense commune. Il semble que dès le XVIème Siècle, le chateau comtal était hors d'état de subir un siège puisque seule la Poype a été occupée par les Genevois qui y ont vécu l'épisode sanglant de 1589 relaté plus haut.

L'administration et la vie au chateau comtal

Le chatelain était nommé pour une période d'environ 1 an, renouvelable, par le Comte de Genève; il s'agissait donc d'une sorte de fonctionnaire qui avait la confiance du comte et dont les responsabilités couvraient 3 grands domaines:

Les attributions financières:

Le chatelain devait veiller aux revenus de son domaine; certains revenus étaient en nature (froment, avoine....) en fonction des récoltes. d'autres en argent :droits féodaux tels que taille, corvée et droit d'échute, ou encore deniers du cens ainsi que droits de mutation, péages ou enfin fermages.

Les attributions judiciaires:

Le chatelain se devait d'assurer le calme et de juger les conflits qui se produisaient dans son "mandement". Si les crimes de sang et d'atteinte à la noblesse dépendaient de la justice du comte, le chatelain exercait la justice quotidienne dans sa châtellenie.

Les attributions militaires:

Outre ses fonctions d'administrateur de la châtellenie, le chatelain devait conserver le chateau comtal où il logeait en parfait état puisque celui-ci était avant tout un lieu défensif mais aussi d'accueil pour les hôtes du Comte. Il assurait aussi la garde et la surveillance locale à l'intérieur de son mandement qui au XIV ème siècle s'étendait de Valleiry à Collonges.

Contrairement à une rumeur largement répandue, les rapports entre les deux châteaux ont toujours été bons; le château comtal était protégé par le château des  seigneurs de Ternier avec lesquels les comtes du Genevois avaient toujours entretenus de bons rapports; les chatelains de Ternier n'eurent jamais de conflits avec la famille de Ternier, et Bérard de Ternier appartenant à la branche cadette de la famille fut même chatelain pendant plusieurs années  de mars 1337 à juin 1343.

Ternier aujourd'hui

Si Ternier eut son heure de gloire comme on l'a vu plus haut, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet bien peu des constructions reste visible sur le site comme le montrent les photos ci-après. Les arbres ont poussé et la végétation a pris possession du lieu. Le site est devenu un lieu de promenade, mal connu,  pour les habitants de St Julien, ainsi qu'un parcours santé, assez mal entretenu, pour les sportifs.  C'est bien dommage d'ailleurs car l'endroit est très sauvage, avec de très jolies promenades là travers champs ou e long du ruisseau Ternier qui vous mènent jusqu'au hameau de Lathoy. Je souhaite d'ailleurs qu'un jour l'un de ces chemins soit aménagé en liaison douce (vélo, ....) pour que nos enfants puissent se rendre au Cinéma d'Archamps ou à Vitam'Parc en toute sécurité, à l'abri des voitures.

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Le mamelon, site des 2 chateaux, vu du village de Ternier

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Ruines actuelles des chateaux

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Le parcours santé parmi les ruines des chateaux

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Une clairière dans le bois, peut-être la séparation des 2 chateaux

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Vue du Salève depuis Ternier
ce chemin pourrait être aménagé en piste cyclable

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Le pont de pierre qui enjambe le Ternier

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Le ruisseau Ternier, une nature sauvage et mal connue

PS: On ne pourrait pas finir un tel article sans parler du fameux souterrain qui relierait le château à l'extèrieur et qui a fait fantasmer nombre de jeunes St Juliennois.  Il n'a jamais été mis à jour si ce n'est quelque chose qui y ressemblerait et qui fut découvert lors des travaux de construction de l'autoroute, et qui déboucherait sous le viaduc de Bardonnex. Sait-on jamais? N'a t-on pas découvert un puits non recensé devant la maison HOO PARIS en plein centre de St Julien, quand on y fit des travaux il y a 2 ans. L'aventure reste possible....

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Remerciements:  Merci à Michel Brand qui  eu la gentillesse de me communiquer des extraits du livre de Louis Blondel sur les châteuux du Diocèse du Genevois dont plusieurs informations de l'article sont tirées.


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