Poésie du samedi, 50 (nouvelle série)
en pensant à Marc-François…
A défaut de trouver le soleil en ce début juillet désespérant du point de vue météo, je l’ai trouvé sur un tablier ! A lire à l’abri de la pluie, donc…
Soleil sur un tablier
Seuls subsistent
ces nœuds de parole sur la langue
pour te rappeler
le goût d’oiseau déchiré de l’enfance.
Seuls te sont concédés
un reste de pays suspendu à l’azur
par un fil de neige
et l’adieu des mouchoirs
au bord de l’infini.
Tu lèves le bras et saisis la ville
tes mains ouvrent la fente
par où surgit la mort.
Tu hèles le troupeau ingénu des images
avant de renverser le soleil sur ton tablier :
il reste à même la peau
des cicatrices de mûres
et d’oranges amères.
Tu t’en iras plus tard
avec quelques poignées de mains
pour tout viatique.
Nohad Salameh, D’autres annonciations, poèmes 1980-2012, Le castor Astral, 2012. Née à Baalbek (Liban) en 1947, journaliste et poétesse d’expression française, Nohad Salameh livre ici une belle anthologie personnelle parachevée par des extraits d’une pièce inédite, Danse de l’Une, qu’on s’impatiente déjà de pouvoir lire en entier. Le titre ne se veut pas écho biblique mais, écrit l’auteur, « me semblait surtout avoir vocation, grâce à sa signification littérale, de porter à la connaissance du lecteur l’irrévélé de multiples textes ou la quotidienneté de quelques-uns. »
Me ravissent chez Nohad Salameh les échos que suscite son sens des images drues, rassemblées en troupeau ingénu et surtout une énonciation directe et décantée. Georges Schéhadé saluait à ses débuts une « étoile montante du surréalisme oriental ». L’étoile s’est élevée à la hauteur du soleil mais n’a pas oublié de reverser ses lumières sur le tablier de travail d’où peuvent surgir nos espoirs…
J’ai été saisi ensuite par le silence de châtaigne qui survient sans doute pour qui a des oreilles pour l’entendre, lorsque sonne cette paradoxale lumière de minuit… Je me demande encore pourquoi la châtaigne, mais c’est anecdotique. J’attendrai donc l’automne et ses soirées au coin du feu pour reconsidérer la question en faisant « grâler » quelques savoureuses silencieuses. L’essentiel sont ces voix qui sont aussi des voies, des chemins d’éclairs vers la lumière qui se fait désirer comme un été tardif…
L’écoute intérieure
Quelquefois
des dieux dans la force de l’âge
venus de la lumière de minuit
par des chemins d’éclairs
s’envolent en toi
dans un silence de châtaigne.
Peuple sans signature
ni généalogie
dépourvu d’alphabet
ils ne sont plus personne :
sinon des matelots de l’air
ramant vers l’infini.
Ils pénètrent dans la mesure du songe
tel un été tardif.
De leurs voix semblables au vol
ils t’emplissent de signes
de labyrinthes
et de doute.
PS : Nohad Salameh avait aussi été repérée par Angèle Paoli dans son excellente Terres de femmes…