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Soleil sur un tablier…

Publié le 06 juillet 2012 par Philippe Thomas

Poésie du samedi, 50 (nouvelle série)

en pensant à Marc-François…

A défaut de trouver le soleil en ce début juillet désespérant du point de vue météo, je l’ai trouvé sur un tablier ! A lire à l’abri de la pluie, donc…

Soleil sur un tablier

Seuls subsistent

ces nœuds de parole sur la langue

pour te rappeler

le goût d’oiseau déchiré de l’enfance.

Seuls te sont concédés

un reste de pays suspendu à l’azur

par un fil de neige

et l’adieu des mouchoirs

au bord de l’infini.

Tu lèves le bras et saisis la ville

tes mains ouvrent la fente

par où surgit la mort.

Tu hèles le troupeau ingénu des images

avant de renverser le soleil sur ton tablier :

il reste à même la peau

des cicatrices de mûres

et d’oranges amères.

Tu t’en iras plus tard

avec quelques poignées de mains

pour tout viatique.

Nohad Salameh, D’autres annonciations, poèmes 1980-2012, Le castor Astral, 2012. Née à Baalbek (Liban) en 1947, journaliste et poétesse d’expression française, Nohad Salameh livre ici une belle anthologie personnelle parachevée par des extraits d’une pièce inédite, Danse de l’Une, qu’on s’impatiente déjà de pouvoir lire en entier. Le titre ne se veut pas écho biblique mais, écrit l’auteur, « me semblait surtout avoir vocation, grâce à sa signification littérale, de porter à la connaissance du lecteur l’irrévélé de multiples textes ou la quotidienneté de quelques-uns. »

Me ravissent chez Nohad Salameh les échos que suscite son sens des images drues, rassemblées en troupeau ingénu et surtout une énonciation directe et décantée. Georges Schéhadé saluait à ses débuts une « étoile montante du surréalisme oriental ». L’étoile s’est élevée à la hauteur du soleil mais n’a pas oublié de reverser ses lumières sur le tablier de travail d’où peuvent surgir nos espoirs…

J’ai été saisi ensuite par le silence de châtaigne qui survient sans doute pour qui a des oreilles pour l’entendre, lorsque sonne cette paradoxale lumière de minuit… Je me demande encore pourquoi la châtaigne, mais c’est anecdotique. J’attendrai donc l’automne et ses soirées au coin du feu pour reconsidérer la question en faisant « grâler » quelques savoureuses silencieuses. L’essentiel sont ces voix qui sont aussi des voies, des chemins d’éclairs vers la lumière qui se fait désirer comme un été tardif

L’écoute intérieure

Quelquefois

des dieux dans la force de l’âge

venus de la lumière de minuit

par des chemins d’éclairs

s’envolent en toi

dans un silence de châtaigne.

Peuple sans signature

ni généalogie

dépourvu d’alphabet

ils ne sont plus personne :

sinon des matelots de l’air

ramant vers l’infini.

Ils pénètrent dans la mesure du songe

tel un été tardif.

De leurs voix semblables au vol

ils t’emplissent de signes

de labyrinthes

et de doute.

PS : Nohad Salameh avait aussi été repérée par Angèle Paoli dans son excellente Terres de femmes…


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