Au temple, un frais parfum des fleurs saintes s’exhale.
Harpe, ton chant est mort : Enfants, vos hymnes doux,
Doux comme l’innocence, au ciel fuient ! Sur la dalle
Seule, une femme est à genoux.
Est-ce l’ange pieux qu’auprès du sanctuaire
Le Seigneur a placé pour porter la prière
De l’orphelin au ciel parmi les flots d’encens ?
Non : fils, c’est une mère : écoutez ses accents ;
« C’est moi qui, lui parlant de nos douleurs amères,
« Quand le soir amenait la prière au foyer,
« Fis ses yeux se mouiller de larmes, les premières !
« Et devant Votre croix ses deux genoux ployer !
« Comme un jeune lys croît à l’ombre d’un grand chêne,
« Votre main au berceau se pare de candeur
« Et nous vous bénissons ! Est-il vrai que Dieu vienne
« Aujourd’hui visiter son coeur,
« Qu’il l’appelle à briller en sa sainte phalange ?
« Vous le dites.. j’espère. Oh ! qu’en ce jour, Seigneur,
« Un chant de joie au ciel sur les ailes d’un ange
« S’élève jusqu’à vous, faible écho de mon coeur !
« S’il trahissait la foi que sa bouche a jurée,
« Vous savez, ô Jésus, quel serait son tourment !
« Qu’il soit digne toujours de la table sacrée
« Où l’archange enviera le bonheur de l’enfant !
« Toi, qui sous ton haleine as fleuri son enfance,
« Frère sacré, qu’à l’ange exilé l’Eternel
« A donné pour guider ses pas dans l’espérance
« Et pour lui rappeler le ciel,
« Que ce jour soit pour toi comme au ciel une fête !
« Ta joie est de sourire au bonheur fraternel,
« D’attacher à son front l’étoile qu’à ta tête.
« Au matin de ta vie, attacha l’Éternel !
« Oh ! demande au Seigneur que cet astre fidèle
« Luise pur à son front comme il brillait au tien !
« Quand le baigna l’eau sainte il dormait sous ton aile,
« Que sous ton aile encore il aille au Dieu qui vient !.. »
Et son oeil souriait mouillé de douces larmes !
Dieu parlait à son coeur, ô prélude du ciel !
Elle vit s’envoler ses pieuses alarmes,
Puis un ange effleura l’autel !
Stéphane MALLARMÉ (1842-1898).
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