Mohamed Salah BEN AMOR commente un texte de Patricia LARANCO.

Par Ananda

Un texte énigmatique, apparemment symbolique, dont l’idée charnière est exclusivement nouvelle et qui s’apparente quelque peu aux allégories utilisées dans certaines fables où le personnage principal est végétal . A première vue, l’auteure n’a pas planifié rigoureusement les évènements qu’elle relatera par la voix de l’arbrisseau mais elle s’est laissée entraîner par le plaisir de lui imaginer , à partir de cette idée originale , des actions et des comportements surprenants. Ces actions et comportements , bien individuels afin qu’ils concordent totalement avec le titre (« Un arbrisseau-un seul- «  )  ont été accomplis sous forme d’exploits miraculeux relevant du merveilleux tel qu’il a été défini par Tzetvan Todorov, à savoir une action ou un événement ou un personnage dont la nature n’a rien de pareil dans le réel : la construction de villes imperceptibles , tout en étant encore dans le sous-sol , la montée , une fois émergé de la terre , vers le sommet d’une colline où est planté un arbre avec lequel il établit un contact végétal , enfin l’acte le plus spectaculaire qui consiste à monter encore plus haut jusqu’à ce qu’il atteigne le ciel et gifle le disque solaire. Ces trois exploits   féeriques accomplis par un arbrisseau minime et de constitution frêle dévoilent d’un côté une sensation de blocage , d’incapacité et de manque de confiance en ses moyens – et c’est l’explication la plus plausible de l’auto-identification à un arbrisseau – et de l’autre une compensation démesurée par la réalisation de prouesses dignes de divinités , laquelle peut bien révéler une ambition sans limite étouffée par les contrariétés du réel . Enfin l’idée est ingénieuse et la formulation est esthétiquement de haute qualité !


Mohamed Salah Ben Amor.


Un arbrisseau-un seul-

par Patricia Laranco,

Un arbrisseau-un seul-

démantèle l'azur.

J'irai ramper sous le sable et, ce faisant, je bâtirai des villes. Des villes, toutes en sinuosités, aux murs fragiles, presque inutiles, d'ores et déjà mangés par le ciel. Des villes de cristal et de respiration pure, qui tinteront.

Des villes sableuses, évanescentes, qui expireront une aura bleue, plus diaphane que le plus diaphane des songes qu'on puisse imaginer.

Après, j'émergerai au grand jour.

Il y aura encore de la route.

Sans un regard en arrière, je trouverai des collines blondes, ventrues, paisibles ainsi que des vaches qui paissent, le sommet couronné d'un arbre-seul-particulièrement noueux.

Je m'approcherai des nodosités tourmentées de l'arbre; je les fixerai. Elles aussi, me fixeront, comme peuvent vous fixer des horloges.

Des lèvres remueront alors...une parole se dessinera. Elle se dessinera en creux.

Mon corps en sera traversé.

Mes veines, ensuite, la charrieront.

J'avancerai, à ce moment, la main et j'ouvrirai ma paume.

Cette dernière viendra se plaquer contre la joue du disque solaire.

Les plantes regroupées en contrebas, qui me cerneront, éclateront de rire tout en fournissant un torrent d'applaudissement à tout casser. Je penserai, avec une certaine nostalgie, à la nuit fraîche. A son galop de plus en plus acéré, de plus en plus vif. A ses embruns qui arrachent un cri à la lune vagabonde, à la lune dilettante qui rôde, légère telle une bulle de rêve rebondissant de toit en toit.

Soyeuse, plus qu'une fleur de lotus.