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Brando aurait-il pu être heureux? Il a été le plus grand et le plus bel acteur du monde. Il a séduit toutes les femmes et tous les hommes sur son passage. Il a passé la seconde partie de sa vie à se détruire. Peut-on échapper à la reproduction des schémas de souffrance quand on a eu une enfance comme celle de Brando? Le livre s'y intéresse... un peu... plus préoccupé d'anecdotes sulfureuses et croustillantes, réduisant le lecteur à la position de voyeur...
C'est un livre à scandale, écrit dans cet objectif, Brando y est démoli avec une construction simple, primo, l'ascension, secundo, la chute, comment (et pourquoi?) le plus grand acteur du monde, qui était aussi l'homme le plus séduisant de son époque, a cassé tout ce qu'il a construit, semant le malheur autour de lui : ça, c'est le point de vue de l'auteur, les morts autour de Brando ne sont pas un hasard car il engendre le mal et le malheur... Trop c'est trop. On est rapidement pris d'une sensation d'indigestion devant cette accumulation systématique de coucheries et défonces et du tout Hollywood, et, en particulier, le soin que prend l'auteur à fusiller Vivien Leigh sous le prétexte qu'il a décidé de comparer Marlon Brando à Lawrence Olivier, son mari, dont le premier (dans sa démonstration) aurait fini par "prendre la place" du second, longtemps considéré comme le plus grand acteur du monde. Et l'auteur ne lâche plus Vivien Leigh, on dirait que c'est la biographie bis du livre en prime!, qu'il décrit comme une psychopathe nyphomane décompensée faisant payer à Lawrence Olivier de se trouver moins bonne actrice que lui à la scène.
Revenons à Brando, le livre s'ouvre par le meurtre du fiancé de Cheyenne Brando par son frère Christian Brando, une histoire sombre où Brando, le père, tente de couvrir son fils. Mais le plus intéressant, évidemment, c'est l'enfance de Brando ou plutôt la paire de parents dont il est affublé : une mère alcoolique et nymphomane (encore!), un père monstrueux qui finira sa vie en dilapidant l'argent d'un fils qu'il a toujours méprisé. Envoyé dans une école militaire, comme son père, Brando en aurait été renvoyé pour moeurs dissolues. Quand il débarque à NY en 1943, Brando est charmant mais venimeux, déjà, il ne se lave pas, traîne avec lui un raton laveur, habite dans un appartement crasseux, couche avec tout le monde, séduit les femmes et les hommes. La liste interminable de ses proies est parfois fastidieuse...
avec Vivien Leigh "Un Tramway nommé désir" (photo Warner) ; avec Liz Taylor "Reflets dans un oeil d'or"
On suit néanmoins les tournages de Brando, ses débuts au théâtre, "Un Tramway nommé désir", la pièce en 1947, puis, le film où le réalisateur impose de remplacer Jessica Tandy, trop peu connue, par Vivien Leigh. La déception quand Elia Kazan balance ses amis à la commission des activités anti-américaines, pourtant, Brando retournera sous sa direction dans "Sur les quais" (1954) (après "Viva Zapata!", 1951). Son exaltation de jouer enfin Shakeaspeare comme le voulait tant Dodie, sa mère, sous la direction de Mankiewicz ("Jules Cesar", 1953). "L'Equipée sauvage" (1954) qui en fait l'icône des Hell's angels. Le passage le plus captivant et drôle du livre est le délirant tournage du remake des "Révoltés du Bounty" (1961) où Marlon Brando reprend le rôle tenu par Errol Flynn (1933), puis, Clark Gable (1935). Au bout d'un an de tournage, il n'y a que 7 minutes de film, Lewis Milestone remplace Carol Reed, au final, il dirigera tous les acteurs sauf Brando qui se dirigera lui-même "à part". Lors de ce tournage, Brando fait les cent coups, se prend de passion pour Tahiti, rencontre sa future troisième épouse, Tarita, figurante de 19 ans. En revanche, sur le tournage de "Reflets dans un oeil d'or" (1967) par Huston, quasiment aucune info, aucun scandale, on passe très vite sur ce film magnifique.
L'auteur reparlera cinéma pour le tournage du "Parrain" (1972) et celui d'un projet farfelu des psychédéliques seventies, "Candy" (1968) de Christian Marquand (avec tous ses amis : Marlon Brando, Richard Burton, James Coburn, John Huston, Ringo Starr, Charles Aznavour...), l'acteur français, serial séducteur désinvolte, alter ego de Brando, dont on se demande si il n'est pas la seule personne qu'il ait vraiment aimé (il a appelé son fils Christian comme lui). Mais aussi, et c'est aussi un des passages plus intéressants du livre, les relations complexes entre Bertolucci et Brando qui se sent "volé" de ses souvenirs et émotions, lors du tournage du "Dernier tango à Paris" (1972) où Bertolucci, pervers, le laisse improviser... (tirades devant le corps de son épouse suicidée). A noter la remarque lapidaire de Bergman disant que Bertolucci était amoureux de Brando, qu'il faut remplacer dans le couple formé par Brando et Maria Schneider à l'écran, la jeune femme par un jeune homme, et alors, on comprend mieux le film...