La dernière frontière – Philip Le Roy

Par Ray31

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2010 (Au Diable vauvert)
Genre : Thriller
Personnage principal : Nathan Love, ex-agent du FBI
Blog de l’auteur :
http://www.philipleroy.blogspot.ca/

En 2003, peu de temps après le Da Vinci Code de Dan Brown, le polar français s’est donné un nouveau rythme avec Le Dernier Testament de Philip Le Roy, écrivain peu conventionnel, à cause des milieux fréquentés (enfance à Toulouse,  études en commerce à Paris, exportateur de vins, travailleur occasionnel aux États-Unis, puis à Lyon et à Nice, parolier pour un groupe de chanteurs de blues, et des voyages à travers le monde (Asie, Afrique…) qui nourrissent ses romans. Admirateur de Jean –Christophe Grangé, qui commence à publier une dizaine d’années avant lui (Le Vol des cigognes, en 94; Les Rivières pourpres, 98), Le Roy a passé sa tendre jeunesse avec Bob Morane, puis San Antonio, puis Stephen King et, curieusement dans cette énumération, Shakespeare.

Pas surprenant que le premier roman, Le Premier testament, ait fait un tabac : Grand Prix de la littérature policière en 2005. En 2008, j’ai rendu compte de La Dernière arme (2007) où le point de départ nous embarquait tout de go, mais ça s’étirait un peu et l’invraisemblance était plus que frôlée. J’en avais fait un coup de cœur, néanmoins, mais j’avais conclu à propos du héros: « Un peu trop invulnérable à mon goût : James Bond, je veux bien, mais Goldorak, non ».

La Dernière frontière décolle étrangement (c’est toujours bon signe) mais ça se prolonge lentement : des gens disparaissent dans le désert de Snake Valley, y compris le père de Nathan Love, ex-agent du FBI, expert en arts martiaux et adepte du zen, qui devra interrompre sa dolce farniente et se lancer dans la bagarre, en renversant tout sur son passage, y compris le caïd de Bogota, Estevan, qu’il tente de convertir aux bonnes actions. Il se défait gaillardement de tous les traquenards, avec à peine quelques égratignures. Il ne continue pas moins à cajoler sa Carla et à lui prodiguer les massages nécessaires pour contrer les effets secondaires de ses médicaments contre la séropositivité.

L’écriture se prêterait bien à un scénario de film : peu psychologique, très visuelle, effets spéciaux qui font oublier les incohérences. J’ai plus pensé à Bob Morane qu’à Bond (plus inventif) ou à Jason Bourne (plus vulnérable). Et je n’ai rien contre le fait qu’Angelina Jolie donne un coup de main à Nathan. On finit, cependant, par tourner les pages plus vite parce qu’on a hâte de passer à autre chose.

Le Roy explique : « L’idée était de faire peur au lecteur en lui montrant qu’il vivait dans un monde qui n’existe pas, un monde écrit par une poignée de personnes. Tout en racontant une histoire d’amour, une vraie. Mon objectif était de repousser les limites du thriller sans basculer dans la science-fiction et celles de la love story sans sombrer dans l’eau de rose. Je voulais également terminer ce roman sur un dénouement non consensuel au point que presqu’aucun lecteur ne le cautionnerait » (Le concierge masqué).

Je suis d’accord sur le dernier point : un dénouement non consensuel. Pas pour des raisons morales. Plutôt parce que Nathan pousse jusqu’au bout une partie de son credo, selon lequel la réalité n’existe pas vraiment, tout en agissant apparemment à l’inverse : la réalité n’existe pas sauf mon père, ma blonde et surtout moi et mes besoins primaires. Un coup de vieux?! Ou il est devenu adepte du philosophe Berkeley et croit qu’il est le seul à exister!

Pour le reste : trop fiction pour avoir peur (et nous avons eu notre compte de théories du complot plus convaincantes), et relations avec Carla trop paternalo-nanane pour être ému. Et une raison supplémentaire de ne pas trop aimer la fin, c’est que ça sent trop l’histoire à suivre : je n’aime pas me sentir poussé à signer un contrat supplémentaire de presque 700 pages.

Malgré tout, de bons points pour le souffle, l’imagination, le non-conventionnel.

Ma note :  3,5 / 5