Il y a juste quarante ans, à la même période, j’habitais Ivry, en colocation avec deux copains: un instituteur et une étudiante un peu plus âgés que moi. J’enseignais, pour ma première année, dans un lycée du XVIème arrondissement et militais souvent à Montreuil/bois.
Ex-militant de l’Unef, je donnais quasi-mensuellement un coup de main -au sens propre- à mes amis d’une partie de la FGEL Paris (Fédération des étudiants en Lettres) car, périodiquement, s’ouvrait la “boîte à gifles” dans les réunions de sa commission administrative. Je participais aussi à l’encadrement des diverses réunions publiques qu’organisait le groupe trostkyste dans lequel je m’étais retrouvé, réunions régulièrement perturbées, manu-militari, par les “stals” qui, à l’époque, obtenaient régulièrement plus de 20% des suffrages aux élections. N’ayant pas encore de voiture, je connaissais par coeur les horaires des différents trains de banlieue et le métro, dans lequel je m’endormais régulièrement, n’avait plus de secrets pour moi.
Quelques mois auparavant, une manifestation étudiante avait dégénéré à Caen. A Nancy, Besançon, Rennes, Paris, … des manifestations étudiantes importantes se déroulaient.
Mais cette grogne étudiante française n’était pas isolée. Berlin, Rome, Berkeley, Prague, … connaissaient des évènements similaires, annonçant les évènements de Mai. La massification étudiante (le nombre d’étudiants avait été multiplié par 3 depuis le début des années 60), des amphis, des cités et restau U bondés, le carcan des moeurs d’avant-guerre, la montée d’une culture et d’une consommation “jeune” sur fond de guerre du Viet-Nam peuvent expliquer ce mécontentement étudiant.
Reste qu’à partir de cette étincelle étudiante, notre pays allait, quelques semaines plus tard, connaître sa plus grande grève ouvrière, avec occupation des usines. La conjonction des deux allait même faire vaciller nos institutions avant le ressac, 3 mois plus tard, de la chambre “bleue CRS”.
La société et le social s’invitaient dans une société trop hiérarchisée, bloquée, scellant définitivement la fin de la guerre et de la colonisation, annonçant la chute du Mur de Berlin.
Certes, on vit de tout en mai 68, du pire et du meilleur, mais, comme la Commune de Paris et le Front Populaire, l’évènement appartient maintenant à notre histoire et contre les réactionnaires qui veulent revenir à une société dans laquelle règne le “chef”, tout comme le Medef veut revenir sur les acquis du Pacte National de la Résistance, il appartient à tous de combattre ces nouveaux révisionnismes et de commémorer dignement l’évènement.