Le boson de Higgs expliqué aux enfants

Publié le 05 juillet 2012 par Alon210 @alexanderc

Après près de 50 ans de recherche et une traque acharnée, le boson de Higgs, graal de la physique aurait été découvert. Une particule malaisée à comprendre de prime abord ; et pourtant, sans elle nous ne serions pas là…

Le boson de Higgs expliqué aux enfants… et à tous ceux s’étant arrêtés avant le doctorat en physique !

La grande nouvelle du 4 juillet 2012, c’est la découverte quasi-certaine du boson de Higgs. Une découverte parmi tant d’autres en physique ? Non ! Certes, cela n’influencera pas (tout de suite) les technologies ; mais c’est un coup de tonnerre dans la physique fondamentale. Il ne s’agit pas d’un turboréacteur dernier cri, encore moins du prochain écran tactile flexible, mais bel et bien d’une découverte capitale nous en apprenant davantage sur l’Univers…

En physique, traverser une zone de turbulences, ça arrive : au début du vingtième siècle, il y avait le “petit nuage dans le ciel de la physique” évoqué par Lord Kelvin (rayonnement du corps noir qui mena à la physique quantique) ; plus récemment – depuis la fin de la seconde guerre mondiale – on se demandait, avec les progrès de la physique subatomique, pourquoi les particules ont une masse.

Toute la question (existentielle) est de savoir pourquoi certaines particules ont une masse et d’autres n’en ont pas ! Eh oui, ce n’est pas évident : le photon (grain de lumière) n’en a pas (c’est pourquoi il se déplace si vite, à la vitesse de la lumière ; au passage c’est ce qui permet de téléphoner loin !). A l’inverse, nous on en a… une masse, pour la bonne raison que nos constituants (protons et électrons) en ont !

Le boson de Higgs est surnommé particule-Dieu : si les particules sont massives, ce serait (uniquement ?) grâce à lui ! D’où l’intérêt de le cerner : le CERN – Centre Européen de Recherche Nucléaire – vient justement de mettre la main dessus. C’est une bonne chose : s’il n’existait pas, il  y aurait une faille – de taille – dans le modèle standard sur lequel repose toute la physique…

Cette particule a été prédite par la théorie en 1964 pour pallier à une lacune du modèle standard : la brisure de l’interaction unifiée électrofaible en deux interactions par le mécanisme (encore plus imbuvable que son nom) de Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble… Quésako ?

Le champ de (bosons de) Higgs peut être vu comme une “mélasse” dans laquelle baignent les particules qui nous entourent : selon leur interaction avec cette mélasse (frottements), ces particules s’y meuvent plus ou moins facilement, donnant ainsi l’illusion qu’elles ont un poids spécifique. En fait selon le mécanisme de Higgs, les particules que l’on connait n’auraient donc pas de masse intrinsèque, celle-ci ne serait qu’une mesure de leur interaction plus ou moins grande avec le champ de Higgs qu’il introduit.

De l’absence d’interaction du photon avec ce champ découlerait ainsi à la fois sa masse nulle (le photon se mouvant sans difficulté dans le champ de Higgs), et la portée infinie du champ électromagnétique (le photon n’étant pas “ralenti” par les bosons de Higgs).

Ça passe toujours pas ? 

Matt Strassler, professeur à l’université Rutgers, compare le champ de Higgs à l’air environnant :

« Qu’est-ce que le champ de Higgs et comment le concevoir? Pour nous, il est tout aussi invisible et indétectable que l’air pour un enfant, ou que l’eau pour un poisson ; en réalité, il l’est même encore davantage, car en grandissant, nous apprenons à prendre conscience du flux d’air dans lequel baigne notre corps et à le détecter par nos sens, mais aucun de nos sens ne peut nous permettre d’accéder au champ de Higgs. »

Flotte un air de colombe de Kant fendant l’air où elle se meut…

Margarat Thatcher dans une pièce bondée

Le physicien Peter Higgs (l’unique, le vrai) explique que sa métaphore préférée a été imaginée par le physicien David Miller, qui voit dans le mécanisme du boson de Higgs une métaphore de la politique britannique contemporaine. Dans Physics World, Matin Durrani écrit :

« Miller est célèbre pour avoir comparé le boson de Higgs à l’ancien Premier ministre britannique, Margaret Thatcher, avançant dans une salle bondée et gagnant de la masse à mesure que d’autres personnes s’agrégeaient autour d’elle. »

Autre version que la dame de fer s’attirant les foudres, celle-ci est due à Burton DeWilde :

« Imagine une pièce remplie de physiciens. Tout d’un coup, Einstein arrive et essaye de la traverser, mais des physiciens éblouis par sa personne s’agglutinent autour de lui et entravent ses mouvements, ce qui augmente sa masse. Maintenant, imagine que je rentre dans la pièce. Un étudiant de seconde zone, personne ne veut me parler, ce qui fait que j’arrive à traverser relativement facilement la foule de physiciens – pas de masse effective pour moi ! Enfin, imagine que quelqu’un lance une rumeur, et que les physiciens se mettent à s’exciter et à se rassembler spontanément. »

Dit autrement, on ne se fraye un chemin (dans l’espace-temps) que si on est ignoré, c’est-à-dire si personne n’interagit avec nous. L’agglutination permet de se représenter commodément les choses ! Une perle (lisse, sans aspérités) tombe plus vite dans un liquide qu’un objet cabossé. Sans penser à la loi de Stockes, le liquide est comparable au champ de bosons de Higgs : selon leur nature, les particules y baignant sont plus ou moins freinées, donc plus ou moins massives !

Plus il y a de monde autour, moins on s’évertue facilement ; plus la pression est étouffante, moins on avance… Du Higgs tout craché ! A condition bien sûr d’être sensible au liquide (c’est-à-dire d’interagir avec les bosons de Higgs) : des perles s’enfonçant dans un liquide subissent ses frottements, mais des grains de sables (assez fins) ne sont pas freinés ! Ils filent au fond de l’eau en ligne droite, à l’instar des photons voguant au gré de l’espace-temps…

Ce n’est qu’une image, mais c’est l’art d’éviter les mathématiques en vulgarisant… Est-ce légitime d’ailleurs ? Un physicien intransigeant n’y verra pas que du feu !

Pour moi, la physique repose avant tout sur le bon sens, au sens où elle doit être en adéquation avec la réalité. Bien entendu, les maths sont le socle de cette discipline, mais elle ne s’y réduit pas. Exemple : la loi de Fick et la loi de Fourier régissent respectivement la diffusion de soluté en solution et la diffusion de la chaleur. Chacun sait que la diffusion se fait du milieu le plus concentré (en sel, sucre…) vers le moins concentré ; de même la chaleur va spontanément du milieu le plus chaud au plus froid.

L’expérience (fort simple !) consistant à laisser ouverte la porte en hiver est une expérience scientifique (un brin archaïque)… Elle fournit la confirmation d’une loi mathématique faisant intervenir un gradient (opérateur vectoriel) de température. Si, thermodynamiquement, la chaleur ne peut aller (naturellement) que du plus chaud au plus froid, le bon sens reste de mise : c’est aussi – et avant tout – une affaire pratique.

Deux catégories de phénomènes s’affrontent en physique : ceux qu’on explique après leur découverte, et les autres… expliqués avant d’être découverts ! C’est le cas du plus célèbre boson, dont l’existence ne demandait qu’à être confirmée par l’expérience. Le cas échéant, les physiciens se seraient fourvoyés durant des décennies ; cela dit la physique recèle encore bien des mystères… Il suffit de regarder un film de science-fiction pour appréhender notre ignorance !

Voyage intergalactique, invisibilité, et antigravitation ne sont pas pour demains ; pour autant Peter Higgs, théoricien de génie né en 1929, n’a pu retenir ses larmes : ce n’est pas tous les jours qu’on découvre un nouveau boson – qui plus est, d’une importance cruciale – , et c’est encore moins souvent qu’il porte notre nom…

Et le web-magazine Slate de finir en beauté : “Enfin, n’hésitez pas à vous rendre sur le site du Cern. Oh, pas pour y lire les dernières données enregistrées par l’accélérateur de particules, qui ressemblent à ça :


Non, plutôt pour consulter le mini-site dédié aux enfants, CernLand, avec des explications à la portée de tous… et des petits jeux sympa.”

Un petit détail, pour terminer : le New York Times rapporte que les scientifiques avaient mis le champagne au frais depuis le mois de décembre. C’est dire… s’ils sont cachottiers ! Pour l’heure, après moult vérifications, la nouvelle est fiable à 99,99997 %. Sait-on jamais !

“Faites péter le champagne ; un boson de Higgs, on en découvre un tous les 10 milliards d’années… au moins !” Si sérieux d’ordinaire, vont-ils finir soûls pour l’occasion ? 

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