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Max | L'histoire pour enfants : mois de juillet

Publié le 05 juillet 2012 par Aragon

le_rire_de_gouarch.jpgIl était une foi qu'un homme sage habitant un petit village sans histoires d'un pays lointain avait perdue. Il s'était réveillé un matin après avoir pourtant passé une excellente nuit et d'habitude sa foi se levait avec lui mais ce matin-là : rien ! Il se leva tout seul.

Il en fut fort surpris, se dit qu'elle ne devait pas être bien loin, il ne s'en inquiéta pas outre mesure, les fois sont capricieuses parfois, même fort âgées, fortement ancrées dans une personne, elles peuvent se conduire de manière totalement imprévisible. Comme un cheval sauvage fier et ombrageux, difficile de leur poser une selle sur le dos, de leur passer un mors dans la bouche, c'est très particulier la foi. C'est ce qu'il pensait !

Ses enfants s'en rendirent compte les premiers. Ils lui demandèrent où était passée sa foi. Il haussa les épaules et ne répondit pas. Sa femme ensuite s'inquiéta : " Mon mari où est passée ta foi ? " Il haussa les épaules et ne répondit pas. Les jours passèrent, l'homme sage devenait de plus en plus morose, de plus en plus inquiet, de plus en plus triste, il s'ennuyait sans sa foi, elle lui manquait cruellement. Où pouvait-elle être passée ? Au bout d'un mois, pour prendre conseil, il alla voir un autre homme sage du village, un vieil homme sage.

Ce dernier lui confia sous le sceau du secret que lui-même avait perdu sa foi il y a bien bien bien longtemps, mais qu'il s'en était parfaitement accomodé, qu'il l'avait remplacée... par autre chose. Il ne lui dit pas quoi. L'homme sage demanda au vieillard sage si ce n'était pas gênant, si on pouvait vivre sans, ça lui paraissait complètement impossible. L'autre lui dit en éclatant de rire que ça l'avait fait rajeunir, que personne ne s'en était aperçu. Son absence au temple le jour de prière était même passée comme une lettre à la Poste. La première fois il avait prétexté que son petit dernier était malade quand le conseil des sages lui avait demandé la raison de son absence. Puis, une autre fois le prétexte c'est son âne qui s'était échappé et qu'il avait dû aller chercher, puis une affaire familiale l'avait retenu dans la ville voisine, puis un voyage, puis le marché, puis son champ à arroser, puis... on ne lui posa plus la question, plus personne ne remarqua son absence d'autant plus qu'au fil du temps ce qu'il était arrivé au vieil homme sage était aussi curieusement arrivé à beaucoup de femmes et d'hommes sages de la communauté, de ce petit village sans histoires dans ce lointain pays.

Les fois s'en allaient les unes après les autres, discrètement, sans faire de bruit, en général ça se passait dans la nuit, au matin elles n'étaient plus là... Le vieil homme sage sans foi vit bien que ses paroles ne pouvaient apaiser l'homme sage qui venait de perdre sa foi, il lui dit qu'il y avait une possibilité cependant, qu'un vieux grimoire qu'il possédait dans sa bibliothèque donnait des recettes pour ceux qui avaient perdu leur foi. L'homme sage se jeta à ses pieds et lui dit : " S'il-te-plaît montre-moi... Je suis désespéré... Que le saint livre m'éclaire !!! "

Il y avait trois méthodes dans le saint livre pour ce cas précis de perte de foi : la montagne, le chemin sur les mains et l'attente au temple en récitant la formule magique.

L'homme sage dit au vieillard sage qu'il allait les essayer toutes les trois pour mettre le plus de chance de son côté mais ce dernier lui demanda de bien réfléchir. De très bien réfléchir ! Si la montagne était une méthode imparable et sûre elle était en revanche longue, coûteuse, bien difficile : il fallait aller aux confins du pays, ça prendrait des mois de marche, escalader ensuite la très très très  haute montagne qui s'y trouvait, s'installer dans une grotte tout en haut de cette très très très haute montagne et attendre dans le silence des jours et des nuits que la foi revienne, ça pouvait prendre des années, de longues années. L'homme sage se gratta le menton, puis la tête, puis à nouveau le menton et demanda à voir la seconde méthode, celle dite du chemin sur les mains...

Le livre sage et saint précisait que cette méthode était elle aussi bien difficile à suivre. Il fallait sortir du village, chercher un chemin très caillouteux, en pente, qui mène à une fontaine et entreprendre de marcher sur ce chemin pour aller à la fontaine mais en le faisant sur les mains, rendu à la fontaine il faudrait se rafraîchir bien évidemment... les pieds, tout en restant debout sur les mains, remplir ensuite une outre d'eau avec les pieds et revenir au village sans verser une seule goutte d'eau. Cette méthode le laissa plongé dans un abîme de réflexion. Il se gratta à nouveau le menton et le crâne, puis le crâne et le menton, il se dit que s'il était encore jeune et fort il pourrait bien entendu y arriver, mais il lui faudrait s'entraîner un peu auparavant. Non, ce n'était pas ça le problème qui le turlupinait déjà... Il savait qu'il pourrait arriver à marcher sur les mains, mais cette méthode lui paru hasardeuse car il pensa que les enfants et les femmes se moqueraient de lui quand ils verraient marcher sur les mains un homme dont le vêtement retomberait sur des mains justement, laissant voir les parties de son corps qu'un homme sage ne pouvait décemment pas montrer en public !

" Vieil homme sage, je suis désespéré, je ne vois rien de bon jusqu'à présent, montre-moi la troisième méthode pour retrouver ma foi ! "

La troisième méthode consistait à aller dans le temple, à jeun, à s'asseoir, et à réciter une formule magique très très très précise qui se prononçait ainsi, d'un seul trait sans respirer : " Un, deux, trois, quatre, miche de pain, petit caillou, plume de coq, queue de lézard et raisin sec, nom d'une pipe je veux ma foi ! "  Il devrait la réciter autant de fois que nécessaire jusqu'à ce que la foi revienne en lui. Il trouva la formule bizarre mais il ne se posa pas d'autre question, il ferait. La méthode lui plaisait, il n'aurait pas à entreprendre un long et périlleux voyage, à attendre dans le froid et le silence d'une grotte, il n'aurait pas non plus à se rendre ridicule, il irait donc au temple dès le lendemain. Il retrouva le sourire, sa femme et ses enfants en furent ravis.

Il arriva au temple de bonne heure, trouva une place confortable à l'abri des regards mais il se rendit bien compte qu'il n'y avait personne dans le temple, il serait tranquille et commença à réciter la formule.... Il la récita cent fois dans la journée avec grand, très grand, très très grand sérieux. Rien ne se passait. Il ne perdit pas confiance. La journée se terminait, il l'avait récité mille fois, il récitait encore la formule quand il éclata de rire et en fut tout surpris car il venait de se tromper et avait dit : " Un, quatre, trois, deux, miche de coq, petit raisin, plume de pain, queue de caillou et lézard sec, nippe du pont je vois mon feu ! "... Il n'arrivait pas à retrouver son sérieux et s'amusa encore, mais volontairement cette fois à dire la formule magique dans tous les sens... Il éclata de rire, mais de rire et il riait et ça lui faisait un bien fou car il y a des années qu'il n'avait pas ri ainsi ! Il se roulait par terre et se tenait les côtes, le rire lui dilatait la rate, le faisait pleurer, mais pleurer, il se marrait... que c'était bon, que c'était bon et tout d'un coup il comprit !

Comme frappé par la foudre, il sortit du lieu saint, il couru couru couru dans le village, il riait encore en courant, il entra sans frapper chez le vieil homme saint et fort sage qui le voyant ne le laissa pas parler, du reste il ne pouvait pas, trop d'émotion encore, trop de rires encore prêts à s'échapper de sa bouche en mille cascades sonores. Le vieil homme sage lui dit en le serrant contre lui : " A la bonne heure, tu as compris ! Tu as enfin compris. Tu peux rentrer chez toi maintenant, tu ne seras plus jamais malheureux, tu ne te sentiras plus jamais dépossédé de ta foi qui n'en était pas une, tu as retrouvé bien mieux que la foi, tu sens en toi ce qui te remplit à présent ? Tu le sens ? Et bien... garde-le précieusement en toi car c'est ta vie, et si tu perds confiance un jour, si tu es triste, pense à la miche de coq, à la plume de pain, au lézard sec, pense-y toujours, le rire est la vraie, la seule foi qui vaille".

L'homme sage rentra chez lui, la nuit était largement entamée, mais sa famille veillait en l'attendant. Il embrassa sa femme et ses enfants qui comprirent qu'il s'était passé quelque chose d'important. Il raconta alors l'histoire et tout le monde éclata de rire, mais de rire, mais de rire, les murs de la maison s'en souviennent encore !!!


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