_& sans escorte la mémoire n'est qu'une bibliothèque
_Nul témoignage des toutes premières lectures zébrures des nuages trajectoire des étoiles veinures des pierres brindilles herbes foulées traces du chacal doré dans les sables squelettes d'animaux marins foies ouverts pour la divination canettes de bière entailles sur troncs d'arbres camions rouillés bidons d'essence toute lecture est la marque d'un passé parfois très vite enfoui parfois traqué mais toute trace n'est pas une écriture
_Borges d'un geste bouleverse les déserts l'énigme est dans la lecture Borges lit La Divine Comédie une douzaine de fois dans des éditions italiennes parce qu'il ne comprend pas l'italien
_De quel éclat brillèrent les premières fois les yeux des scribes sumériens dans la maison des tablettes lorsqu'ils découvrirent les premières écritures et il y faut du corps du doigté sur l'argile déchiffrant les textes à recopier est-ce que leur tête fléchissait parce qu'à lire il y a tant vertiges de plaisirs et l'idée d'à venir
_En 1658 Racine s'enfuit de ses dix-huit ans dans la forêt pour lire un tragique amour grec Théagène et Chariclée que lui arracha un sacristain l'incendiant et une seconde fois mais la troisième Racine lui donna lui-même à brûler le livre l'ayant appris par cœur
_Nul témoignage des premières paroles lectures il faut faire avec cette absence et c'est bien qu'en était-il auparavant s'en fout ce qu'on en dit dégoise ne sont que reconstructions idéologiques ce qui fait peur devenir sourd et aveugle paraphraser et cætera
_Mallarmé par bonds rapts ose oser l'absente de tout bouquet cet homme sait lire c'est dire si on le juge obscur on oublie son humour qui connaît les départs
_Me souviens je me souviens me semble ma toute première fois lecture d'autres avant moi le journal à l'envers il y était question de mondes à découvrir de brèches d'énigmes d'autant plus réjouissantes que les signes noirs semblaient si proches presque pareils presque de même envergure de même départ presque de même corps avec un goût de too much qui ne se démentira pas et c'est ce presque à la fois ça et pas ça qui fut la plus merveilleuse découverte de la vie presque ça presque
_M'exténue à lire à bout j'y vais tendue il me faut lire à moitié assise sur un bord dur ou debout un pied sur la chaise ou accroupie comme une bête sauvage aux aguets approchée par le corps qui joue de tout son asthme jamais au lit détendue serait d'énerves comme quoi lire m'est un pourchas un duel une bagarre un ravage y arriverais-je cette fois-ci comme dans un galop frémissant battant la forêt les jambes du cheval roulent les pierres diminuent le chemin le précipice est si près et il sied parfois de couper les ponts
_Fougue pour rassembler le corps pour aller de l'avant quoi qu'on découvre un tel voyage peut ne pas avoir de retour lire me distance me renie me met en danger alors lire en marches le livre rentré dans la tête qui fait battre le cœur debout
_Büchner double cheval sans cavalier
_Il était une fois
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suite et fin vendredi 6 juin – épisodes précédents