La nouvelle de la semaine c’est que la chasse est ouverte avec au moins deux mois d’avance sur la date habituelle. Mais attention, avis aux amateurs, ce nouveau "changement" ne vise pas toutes les chasses. Faudra encore attendre un peu pour celle à la bartavelle si chère au Pagnol de La Gloire de mon Père. Idem pour la chasse au lapin qui ce matin a tué un chasseur façon Chantal Goya ou pour celle à la galinette cendrée à la manière des « Inconnus ». Après enquête, nous sommes en mesure de révéler aux fidèles lecteurs de « Restons Correct ! » que cette dérogation aux usages cynégétiques les mieux établis ne concerne en fait que la chasse aux gros. Aux gros contribuables, aux gros patrimoines, aux grosses entreprises, aux gros banquiers, aux gros capitalistes, bref à tout ce qui dépasse la norme en termes de tunes. Par ailleurs, la même enquête nous permet d’affirmer que le privilège de chasser les gros sera exclusivement réservé à l’Etat. Tout comme avant la Révolution quand seul le Roi avait le droit de courir après les cerfs dans les bosquets de Versailles ou de Fontainebleau.
Ce n’est donc pas de si tôt que nous pourrons repartir sur les traces de l’Hemingway des
Neiges du Kilimandjaro ou des
Vertes Collines d’Afrique, pour traquer les grosses bêtes en voie de disparition et c’est bien dommage. Ca nous aurait pourtant bien plu de voir
Jean-Marc Ayrault costumé en « grand chasseur blanc » menant sa caravane de riches oisifs alcooliques de lodges luxueuses en bivouacs spartiates, à la recherche du trophée qui ornera le mur du salon de la baraque qu’ils viennent de se faire construire dans les Hamptons. Le soir, au coin du feu, tandis que les femmes indigènes préparent la (vraie) galette-saucisse vespérale, nous aurions pu nous mettre minables au gin-tonic tout en philosophant gravement sur l’Afrique éternelle et la hausse du prix des fusils
Purdey dans les échoppes spécialisées de la Cinquième Avenue. Ben non, c’est pas ça, tant pis pour la nostalgie, les derniers rhinos peuvent dormir tranquilles et c’est certainement pourquoi les z’écolos n’ont pas protesté à l’annonce de cette réouverture…
Maintenant, faudrait quand même pas que ce safari citoyen et patriotique tourne à la tartarinade à la mode de Tarascon. Car le danger est bien là : que les gros aillent rejoindre l’ibis japonais ou l’hippopotame nain sur la trop longue liste des bestioles menacées d’extinction. Tout ça parce que cet ahuri de
Michel Sapin aura trouvé intelligent de s’la jouer
Buffalo Bill massacrant les bisons dans la prairie des beaux quartiers. La biodiversité y perdrait beaucoup, les finances publiques aussi. Si ça se trouve faudra même ouvrir des réserves de gros dans l’Oberland bernois ou sur le rocher de Son Altesse le Prince
Albert II de Monac’. Avouons que ça ferait plutôt désordre si Josette et Marcel étaient contraints de payer pour s’offrir un safari photo du côté de Gstaad ou de Monte-Carlo, au lieu d’aller jouer pour pas un rond aux paparazzis dans la banlieue de Saint Trop’ ou à la terrasse du Fouquet’s.
C’est pourquoi notre question du jour s’adresse au WWF : bravo pour les pandas mais que comptez vous faire pour sauver les gros de l’hécatombe qui s’annonce ?