Charles & Nathalie Henneberg
Les membres de ce couple aujourd’hui bien oublié sont les auteurs, ensemble ou séparément, de quelques-uns des plus grands space operas des années 50. Le Chant des astronautes, paru sous la seule signature de Charles, décrit une de ces guerres totales et grandioses dont le genre raffole, avec une riche galerie d’extraterrestres. La Plaie — publié après la mort de Charles sous le seul nom de Nathalie —, énorme roman épique à l’écriture pleine d’emphase et de préciosité, embrasse un espace immense et atteint par moment une dimension quasi métaphysique. Le Dieu foudroyé, qui lui fait suite, est moins intéressant. Quant à Démons et chimères, il s’agit d’un recueil de nouvelles dont les titres parlent seuls : « La fusée fantôme », « Du fond des ténèbres ». À redécouvrir.
Francis Carsac
Une demi-douzaine de romans et une poignée de nouvelles suffisent à en faire le maître du space opera français de l’après-guerre. Ceux de nulle part, en dépit de son côté désuet, est un fort bon space opera d’aventures, imaginatif et fouillé sur le plan scientifique. Les Misliks éteignent les étoiles ; seuls les Terriens peuvent les arrêter. Pour Patrie l’Espace décrit la vie à bord des immenses vaisseaux qui relient entre eux les mondes habités. Comme dans Citoyen de la Galaxie, les équipages de ces navires mènent une existence indépendante et l’on peut même dire qu’ils ont développé une civilisation propre. La Vermine du lion, enfin, se préoccupe de colonialisme et d’ingénierie génétique. La lutte de Teraï Laprade et de son paralion contre la mise en exploitation de la planète Eldorado est menée tambour battant, prouvant que le space opera constitue le genre idéal pour qui choisit de traiter de politique sur une trame de roman d’aventures. Disons qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre et n’en parlons plus.
Célèbre pour ses romans d’horreur, parus dans la collection “Angoisse” (Fleuve Noir), son fameux Manuel du Savoir-Mourir ou ses ouvrages spéculatifs publiés sous son véritable nom, il livre avec Aux armes d’Ortog un roman baroque, épique et flamboyant, dont le vernis médiéval dissimule une intrigue de nature “cosmobiologique”. Peut-être un tantinet imparfait — mais quel souffle ! Nous recommandons également sa suite, Ortog et les Ténèbres (1967), bien qu’elle se situe hors du cadre de cet article — il s’agit d’un fort curieux livre de fantasy métaphysique à quatre dimensions.
Saga d’Argyre : Le Rêve des Forêts (1960, 1987), Les Voiliers du Soleil (1961), Le Long Voyage (1964) — J’ai lu, Le Sceptre du Hasard (1968) — Pocket.
Ici, l’empire galactique s’effondre sous son propre poids : Le Gambit des Étoiles prend en compte le fait que les décalages temporels induits par les voyages à des vitesses inférieures à celle de la lumière rendent impossible tout état interstellaire centralisé. Mais il sait aussi s’élever jusqu’à un niveau métaphysique lorsque la véritable nature des étoiles se dévoile…
Publiée à l’origine au Fleuve Noir sous le pseudonyme de Gilles d’Argyre, la saga du même nom constitue une petite histoire du futur. Le Rêve des Forêts (paru sous le titre originel Chirurgiens d'une planète) conte la terraformation de Mars, l’eau et l’air étant transportés depuis la Terre grâce à une porte dans l’espace. Dans Les Voiliers du Soleil, Georges Beyle, principal personnage du premier volume, est devenu partie intégrante d’un gigantesque ordinateur luttant contre des envahisseurs extraterrestres. Le Long Voyage voit la planète Pluton transformée en astronef interstellaire. Enfin, Le Sceptre du Hasard, qui n’est pas un space opera bien qu’il se rattache au cycle, décrit une société dont le dirigeant suprême, le stochastocrate, n’est pas élu ou coopté, mais désigné par un tirage au sort auquel participe la totalité de la population.