Ayrault version Kâ : « Ayez confiance ! »

Publié le 03 juillet 2012 par Lecridupeuple @cridupeuple

« Ayez confiance ! », « faites-moi confiance ! », « votez la confiance »… Tel le serpent du Livre de la jungle de Rudyard Kipling, le nouveau premier ministre nous invite à lui voter une sorte de chèque en blanc ce mardi 3 juillet à l’Assemblée nationale. L’exercice est convenu, qui permet de mesurer les forces en présence. Le parti dit « sérieux » en attend que la majorité soit au garde à vous. Par « majorité », il entend, bien évidemment, l’ensemble de la gauche. Y compris notre groupe de députés Front de Gauche. J’ai déjà expliqué la manœuvre, qui expliquait les appels du pied pressants au Parti communiste pour qu’il rejoigne le gouvernement : il s’agit bien de faire porter la responsabilité de ce qu’il ne faut surtout pas appeler la « rigueur » à l’ensemble des forces progressistes. Exit donc la possible alternative à gauche.

Jean-Marc Ayrault parle aux Français

Pour ce faire, le nouveau locataire du perchoir, le très démocrate Claude Bartolone, n’hésite pas à faire usage de la menace voilée. Estimant que ne pas voter la confiance « c’est toujours grave », il a appelé à « discuter », « car quand un pays est dans la situation qui est celle de la France actuellement, plus nous serons rassemblés et mieux ce serait ». A bon entendeur… Au demeurant, nous avons déjà mesuré dans notre chair ce que signifie « discuter » dans la bouche du capo séquano-dyonisien. On notera qu’il n’est jamais question de politique, d’orientation structurante à l’action gouvernementale mais bien de rapports de pouvoir chez Bartolone.

A croire que le parti dit « sérieux » ne ferait plus de politique ou, à tout le moins, aurait renoncé à ses grandes envolées de campagne sur la « croissance ». L’ardoise du Canada dry de politique austéritaire que nous présentera Ayrault cet après-midi s’élève à 10 milliards d’euros cette année. L’an prochain, ce serait 33 (« dites 33 », clame le docteur) si l’on en croit le membre du parti dit « sérieux » Didier Migaud, président de la Cour des comptes. Notons en passant que le PS ne fera pas de clientélisme électoral : les fonctionnaires ne bénéficieront pas d’une revalorisation du point d’indice (la base de leur traitement), point gelé depuis 3 ans. Mais ne dites pas que le hollandisme est une version rose pâle du sarkozisme, ce serait mal.
Les différences sont grandes ! Enormes même !

En matière de rigueur, sans prononcer le mot, Hollande fait ce que Sarkozy a promis. Après les paroles, les actes. Si cela ne constitue pas une différence de taille, vous êtes mesquins. Ce serait donc à cette démarche qu’il faudrait faire confiance absolument. Le président Didier Migaud précise que cette cure de non-rigueur a pour objectif de « rétablir la crédibilité de la France vis à vis des partenaires européens comme de ses créanciers ». En clair : il appartient aux Français de raquer pour les erreurs de stratégie politique de Sarkozy et Fillon. Sauf qu’il ne s’agit pas d’erreur mais d’une vraie orientation partagée entre le parti dit « sérieux » et l’UMP : hors du capitalisme, il n’y a pas d’avenir ; sans aller plus loin dans l’Europe des marchés financiers et des banques, on ne s’en sortira pas. Y a-t-il une démonstration à l’appui ? Que nenni. Nous sommes dans les mathématiques, cette doxia est un axiome qu’il convient d’accepter. Et puis c’est tout.

Nous autres, du Front de Gauche, avons passé plus d’un an (je ne parle que de la campagne électorale) à démonter cette argumentation. Nous avons démontré, a contrario, que d’autres pistes devaient être explorées. Parmi lesquelles, la relance de la consommation par la hausse conséquente du pouvoir d’achat ; la création d’emplois qui en découle mais que nous pourrions encore accélérer notamment en répondant aux besoins non satisfaits pour des millions d’habitants de ce pays ; en finir avec le diktat de la dette qui n’est qu’une absurdité même dans l’économie capitaliste et dont les Argentins nous ont prouvé que s’asseoir dessus constituait plutôt un mieux pour la plus grande part de la population…

Après avoir dit cela, l’avoir seriné sur tous les tons, il faudrait qu’on oublie notre corps de doctrine pour complaire au sieur Bartolone. Il conviendrait que nous autres nous renions pour qu’Ayrault passe pour le héros de la révolution sociale-libérale. Je cède la parole à Marie-George Buffet, députée de mon département :

« Cet après-midi, je vais m’abstenir lors du vote de confiance. Je fais le faire pour être utile au changement en soutenant d’autres propositions économiques et sociales. La politique d’austérité adoptée dans le nouveau traité européen et mise en œuvre dans les propositions budgétaires vont accentuer le marasme économique, faute d’investissements, ralentir la consommation faute de pouvoir d’achat. »

Voilà, Claude, ta confiance, tu te la mets là où je pense. A toutes fins utiles, ce vote nous situe clairement ! Si nous ne siégeons pas dans l’opposition aux côtés des députés UMPFN que nous avons combattus de toute notre énergie, nous ne sommes pas dans la majorité. Et pour revenir au Kâ Ayrault, j’ai une sainte horreur des serpents.

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Bonus vidéo : The Streets “Going Through Hell (Diplo Remix)”