La conférence Rio+20 s'est achevée vendredi 22 juin avec l'adoption par consensus d'un texte intitulé "L'avenir que nous voulons". Plusieurs grandes organisations de la société civile, dénonçant la faiblesse de ce document final, ont cependant affirmé qu'elles se "battraient avec d'autant plus d'énergie pour la nature et contre la pauvreté".
Mercredi 20 juin, la manifestation des peuples contre la marchandisation de la vie et pour la justice sociale et écologique a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de Rio.
A travers les 283 articles du texte " L'avenir que nous voulons ", 188 États représentés s'engagent sur le chemin d'une économie verte qui doit " contribuer à l'élimination de la pauvreté et à la croissance économique durable, améliorer l'intégration sociale et le bien-être de l'humanité, et créer des possibilités d'emploi et de travail décent pour tous, tout en préservant le bon fonctionnement des écosystèmes de la planète. "
Les principaux engagements de la conférence
- Objectifs du développement durable (ODD) (article 248)
Lancement d'un processus intergouvernemental ouvert aux parties prenantes pour élaborer des objectifs de développement durable mondiaux à adopter lors d'un session ultérieure de l'AGNU (Assemblée générale des Nations unies) ; première étape lors de la 67ème session de l'AGNU (septembre 2012) par l'établissement d'un groupe de travail ouvert, qui remettra un rapport à la 68ème session de l'AGNU contenant des propositions d'ODD.
- Gouvernance international de l'environnement (article 88)
Renforcement du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) en tant qu'autorité mondiale reconnue en matière d'environnement, qui arrête les mesures en faveur de l'environnement mondial, qui favorise de façon cohérente la concrétisation de la dimension environnementale du développement durable au sein du système des Nations Unies et qui est la voix autorisée des défenseurs de l'environnement mondial
- Gouvernance mondiale du développement durable (article 84)
Établissement d'un forum politique intergouvernemental de haut niveau pour remplacer la Commission de développement durable des Nations unies (CDD).
- Renforcement du rôle de la société civile (article 84)
Au sein du forum politique intergouvernemental de haut niveau qui est amené à remplacer la Commission de développement durable des Nations unies (CDD), il est prévu de renforcer le rôle consultatif et la participation des représentants de la société civile (accrédités auprès des Nations unies) au niveau international afin de mieux faire usage de leur expertise, tout en conservant le caractère intergouvernemental des débats.
- Océans et mers (article 162)
Engagement à traiter, d'ici la 69ème session de l'AGNU, la question de la biodiversité marine au-delà des zones de juridiction nationale, notamment en prenant une décision sur l'élaboration d'un instrument international sous les auspices de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
- Financement du développement durable (article 255)
Lancement d'un processus intergouvernemental sous AGNU, en collaboration avec les institutions financières et autres parties prenantes, pour évaluer les besoins en financement, les moyens et outils existants afin d'élaborer une Stratégie de Financement du développement durable facilitant la mobilisation des ressources et leur bon usage ; le comité intergouvernemental créé devra rendre sa proposition d'ici 2014.
- Indicateurs de développement durable (article 38)
Lancement d'un programme de travail sur les mesures de progrès au-delà du produit intérieur brut (PIB) par la Commission statistique des Nations unies, en collaboration avec les autres entités des Nations unies et organisations pertinentes.
- Consommation et production durables (article 226)
Adoption du cadre décennal de programmes pour une consommation et une production durables (dit 10YFP pour "10 Year Framework of Programmes") pré-négocié lors de la dernière session de la Commission de développement durable des Nations unies (mai 2011) et lancement du processus lors de la prochaine (67ème) session de l'AGNU par la désignation d'un organe ONU-Etats Membres à définir.
En clôture du texte, l'article 283 propose l'ouverture par l'ONU d'un recueil des engagements volontaires pris par tous les acteurs, étatiques et non étatiques, pour mettre en oeuvre des actions, programmes, stratégies de développement durable et d'éradication de la pauvreté. Créé pendant la conférence Rio+20, le registre reste ouvert pendant toute l'année 2012.
Beaucoup de "blabla"...
"On remet en ordre les fauteuils sur le pont du Titanic alors qu'il est en train de sombrer" a ainsi déclaré Kumi Naidoo, directeur général de Greenpeace International. "Nos économies vont devoir devenir vertes sans la bénédiction des dirigeants de la planète", a également regretté Lasse Gustavsson, directeur exécutif du Fonds mondial pour la nature (WWF).
Dans son discours lors de la conférence devant l'Assemblée générale des Nations unies, François Hollande a salué " les résultats appréciables " de l'action des États, tout en regrettant que ceux-ci soient " en-dessous de nos responsabilités et de nos attentes " notamment concernant le projet de création d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Achim Steiner, Secrétaire général adjoint de l'ONU et Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), a lui-même avoué : "Le résultat de Rio+20 décevra et frustrera beaucoup de monde, surtout lorsque l'on dispose des analyses scientifiques, lorsque l'on sait que tant de familles et d'individus affrontent la dure réalité de la lutte quotidienne pour leur survie, et alors que l'on dispose de tant d'analyse sur le mode de développement de notre société, qui compte actuellement sept milliards de personnes, et la possibilité d'une trajectoire différente." Tout en précisant avec un élan d'optimisme que "toutefois, si les nations, les entreprises, les villes et les collectivités peuvent se concentrer sur les résultats positifs du Sommet, cela nous aidera à réaliser un jour l'avenir que nous voulons".
"L'avenir durable" réunit les peuples plus que les chefs d'Etats
Finalement, la principale chose à retenir du Sommet Rio+20, c'est bien la mobilisation de la société civile. En effet, parallèlement, un contre-sommet organisé dans le centre de Rio a réuni des milliers d'écologistes qui ont organisé des centaines de débats, manifestations, expositions, dans une ambiance festive et colorée.
Rio+20 est un échec ? qu'à cela ne tienne ! "Collectivités, entreprises, syndicats, associations, particuliers, nous devons rester actifs. Ne laissons pas la crise économique freiner nos efforts" a rappelé François Loos, Président de l'Ademe, dans une chronique pour le journal Les Echos, parue le 28 juin.
"L'échec de Rio+20 donnera aux gens plus d'énergie pour se mobiliser et se battre pour la planète" a encore exhorté Daniel Mittler (Greenpeace).
"On ne va pas rester tranquilles, il est temps pour nous de mobiliser pour que les gens que nous avons élus rendent des comptes", a déclaré Sharon Burrow (Confédération internationale des syndicats), lors d'une conférence de presse qui réunissait plusieurs organisations.
"On ne change pas le monde avec un document mais avec de l'action", a également lancé Peter Lehner (National Resources Defense Council, NRDC). "Si vous regardez Rio comme un rassemblement de peuples et non comme un document, vous constatez qu'il y a beaucoup d'énergie, c'est à nous de prendre l'énergie des gens d'ici et de la transformer en action", a-t-il ajouté.
Ainsi, si les diplomates laissent tomber la planète, la société civile, elle, ne le fera pas...
Stella Giani