Voici un récit sur le désormais célèbre ouragan Katrina. Un récit de plus, allais-je dire. Katrina c’est un phénomène climatique, mais aussi un événement médiatique. C’est un peu comme le Titanic, Nostradamus, ou Claude François… Dans un siècle on en parlera encore ! Aussi quand j’ai lu la présentation me suis-je dit : encore du ressassé, encore une mise en évidence du drame humain, et du pathos ajouté au pathos. Eh bien pas du tout ! « Zeitoun » est à la fois assez banal et très particulier…
Particulier, avant même sa première ligne… Car la genèse de ce livre est philanthropique. Au départ, l’association « The voice of witness » avait pour objectif de dénoncer les inégalités sociales. Quelques bénévoles ont parcouru le sud-est des USA en vue de recueillir des témoignages concernant l’ouragan, et le clivage social qu’il a révélé. En 2005, l’auteur rencontre Kathy et Abdulrahman Zeitoun (appelé « Zeitoun » tout au long du récit). Il sent tout de suite que leur témoignage est intéressant, et qu’il transcende les autres. La famille Zeitoun en soi est spéciale. Abdulrahman est d’origine Syrienne, issu d’une famille de marins. Il a émigré aux USA où il a rencontré Kathy, fervente catholique convertie à l’Islam. Kathy a décidé de quitter la ville pour s’abriter dans sa famille, à 80 kms. Son mari lui a cru bon de rester et d’affronter le déluge, qu’il croit sans conséquence. On voit dans cette séparation toute la difficulté qu’il y a de se concerter dans un couple, et à prendre une décision commune. Le résultat sera lourd de conséquences. Zeitoun, reclus dans leur maison, se croit à l’abri. Et en effet, a priori l’ouragan passe, semblant n’occasionner que des dégâts mineurs. Mais quelques heures plus tard, l’eau monte lentement. Des digues se sont fissurées. La catastrophe ne fait que commencer.
Mais le plus dur ce n’est pas l’ouragan, ni les inondations. C’est après, la désorganisation, le manque de moyens, les pillages, les luttes pour la survie. La faim, la promiscuité, les vols. Certains engagent des mercenaires armés pour se défendre. D’autres luttent de leurs mains. Zeitoun est pris pour un brigand et incarcéré. Loin de là, Kathy n’a plus de nouvelles de lui. Les téléphones sont coupés. Le pire ce n’est pas l’ouragan, mais ses conséquences…
Au-delà du phénomène climatique, l’auteur dresse un portrait intéressant de cette famille, de ses difficultés, son éclatement. Le récit est nourri de petites anecdotes, ce qui lui donne du relief et permet au lecteur d’entrer dedans comme dans un film. L’écriture est sobre, sans excès, sans grands effets de style. Les mots s’effacent pour laisser la place aux faits. Les cent premières pages sont un peu lentes, les hésitations de la famille, les tensions de couple. Mais le paysage se dessine. Alors on se laisse lentement enlacer par Katrina. C’est finalement une fresque qui se dresse. Le témoignage est intéressant, simple et sans affect, rapporté d’une façon neutre. Loin de lui enlever du poids, la distance de l’auteur donne une lumière crue et naturelle. En comparaison, on est ici aux antipodes de Gaudé et son « Ouragan », dont l’écriture stylée éloignait des faits.
Zeitoun – Dave Eggers. Éditions Gallimard
Date de parution : 01/02/2012