Priée par le gouvernement Ayrault de fournir un audit détaillé de l’état des finances publiques, la Cour des comptes a lancé lundi un sérieux avertissement pour l’année 2013, estimant en revanche que l’étape 2012 pourrait être franchie sans trop de difficultés.
Ayrault – Photo AFP
Selon la Cour, le gouvernement, comme il l’a d’ailleurs lui-même annoncé, doit dénicher cette année 6 à 10 milliards d’euros – recettes fiscales nouvelles et économies supplémentaires sur la dépense publique – afin de respecter l’engagement pris par la France à l’égard de ses partenaires européens de ramener son déficit à 4,5% du produit intérieur brut (PIB) contre 5,2% en 2011.
Son rapport de 250 pages « sur la situation et les perspectives des finances publiques », remis officiellement lundi au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, devait précisément permettre au gouvernement d’ajuster les curseurs d’un « collectif budgétaire » attendu mercredi en Conseil des ministres pour corriger la loi de finances 2012.
L’objectif est double: imprimer la marque de la nouvelle majorité sur un budget concocté par le gouvernement Fillon et faire face à une situation économique dégradée. Avant la présidentielle, la précédente majorité avait assuré à plusieurs reprises qu’un nouveau plan d’austérité ne serait pas nécessaire cette année.
Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a annoncé dimanche que le gouvernement s’apprêtait à abaisser ses prévisions de croissance à 0,4%, au mieux, pour 2012, et entre 1% et 1,3% pour 2013. Jusqu’à présent, il tablait sur 0,5% cette année et 1,7% l’an prochain.
Selon la Cour des comptes, si la croissance n’était bien que de 0,4% en 2012, la perte de recettes atteindrait « mécaniquement » 3 milliards d’euros pour les caisses publiques. En outre, les magistrats financiers estiment que 3 à 7 milliards de recettes fiscales prévues par le budget 2012 correspondent à une évaluation « trop optimiste ».
Relever la TVA ou la CSG ?
Le défi budgétaire s’annonce d’une toute autre ampleur pour l’an prochain. Dans l’hypothèse médiane d’une croissance économique de 1% en 2013, l’effort exigé pour ramener comme prévu les déficits publics à 3% du PIB serait « nettement plus important » puisqu’il atteindrait 33 milliards d’euros.
Les « sages de la rue Cambon » jugent « possible » d’y parvenir dans la mesure où cet effort serait, selon eux, « de même ampleur que celui réalisé par la France à la veille de l’entrée dans la zone euro », de 1994 à 1996. Mais 2013, souligne-t-on au siège de la Cour, sera quoi qu’il arrive une année « cruciale » et « décisive » pour la trajectoire des finances publiques. De la maîtrise des finances publiques cette année-là dépendra le retour à l’équilibre promis par le président François Hollande pour la toute fin de son mandat, en 2017.
Au détour de son audit, la Cour brise un tabou, celui de la TVA. Alors que le gouvernement socialiste entend abroger la « TVA sociale » votée par la précédente majorité et qui devait entrer en vigueur à l’automne, les magistrats estiment qu’une hausse « au moins temporaire » de la TVA ou de la CSG sera « difficilement évitable » en 2013 si la France compte bien tenir ses engagements.
La juridiction financière s’inquiète aussi des effets de deux contentieux fiscaux (dispositif « précompte » et OPCVM – Organismes de placement collectif de valeurs mobilières) qui ont valu à la France d’être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne et qui pourraient peser à hauteur de près de 5 milliards d’euros sur l’exercice 2013 et de 1,75 milliard sur 2014.
Les « sages » donnent en revanche pratiquement quitus au gouvernement de François Fillon pour l’exécution des premiers mois du budget 2012. Les « menaces de dépassements » budgétaires sont d’une « ampleur réduite », observent-ils, estimant les impasses budgétaires entre 1,2 et 2 milliards.
Parmi elles, la plus importante serait représentée par la « prime de Noël » accordée aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) qui se chiffrerait 450 millions d’euros.