Promenade Avec Les Dieux de L'Inde - Catherine Clément

Par Woland

Extraits

Il faut bien commencer quelque part. Pour ceux qui s'y intéressent mais n'ont que de très vagues notions de la religion hindoue, ce petit livre de Catherine Clément constitue un excellent b-a ba avant de passer à des oeuvres plus ardues. Et aussi infiniment plus touffues car le gigantesque panthéon hindou a de quoi décourager n'importe quel Occidental, croyant ou non, pour peu qu'il tente de l'inventorier de A jusqu'à Z.

Comme nombre de ces trois-cents millions de dieux - oui, il y en aurait trois-cents millions ;o) - ne sont que les avatars de l'un des dieux principaux, Catherine Clément évoque surtout ces derniers. Tout d'abord la fameuse trinité Brahma / Vishnou / Shiva, respectivement adorés comme le Créateur, le Préservateur - celui qui assure l'équilibre et l'harmonie de l'univers - et le Destructeur.

Malgré l'utilisation des mots "trinité" et "créateur", il n'y a rien ici qui rappelle un tant soit peu la façon de penser occidentale. Brahma, Vishnou et Shiva sont bien distincts l'un de l'autre et la fonction créatrice du premier est relativement modeste. Brahma est un peu comme le roi des échecs : on s'incline devant lui, on lui reconnaît le pouvoir de créer mais cette divinité en principe si puissante ne possède, dans toute l'Inde, qu'un seul temple qui lui soit dédié.

Plus qu'un créateur au sens où nous le concevons, Brahma se contente de guider une création initiée par Vishnou. Très souvent d'ailleurs, il apparaît sur une fleur de lotus naissant du nombril de celui-ci et on a bien l'impression que le Préservateur veille sur le Créateur - et non le contraire. Précisons en outre que Brahma possède cinq têtes - je laisse à Catherine Clément le soin de vous expliquer comment lui vint la cinquième et dernière.

Le plus souvent représenté allongé sur le Serpent d'Eternité, Ananta aux dix-mille têtes, et dormant d'un sommeil yogique - c'est-à-dire en méditation - Vishnou se reconnaît essentiellement à la haute tiare qui est la sienne et au tissu jaune qui lui ceint les reins. Sa peau est de couleur bleue et il possède en général quatre bras. Dans ses mains, il tient une conque, un disque dont il se sert comme arme - et elle est redoutable - une massue et enfin une fleur de lotus. Ce dieu, issu d'un dieu solaire védique plus ancien, est une divinité hautement bienveillante dont l'avatar le plus connu est Krishna.

A Shiva revient la charge de détruire ce qui est arrivé à son terme. Mais attention : cette destruction débouche inéluctablement sur une reconstruction. Dieu des ascètes et des yogi, il est représenté soit paré d'une peau de tigre, soit assis ou debout sur cette peau. On le reconnaît à sa longue chevelure auburn, généralement coiffée en chignon - c'est de là que s'écoule Ganga-le Gange, la Mère de l'Inde comme le Nil était le père de l'Egypte antique - à son trident, à son tambour à boules fouettantes et aussi au cobra qui se tord autour de son cou. Parfois, il foule du pied droit une sorte de démon qui symbolise l'ignorance. Comme Vishnou, il a plusieurs noms et, comme Vishnou, il peut être considéré comme le premier des dieux, ce qui provoque encore, on s'en serait douté, de sanglants affrontements entre les Vishnouïtes et les Shivaïtes. Ajoutons pour finir que Shiva est aussi adoré sous la forme d'une longue pierre dressée, le linga, censé symboliser le phallus du dieu.

Shiva est l'époux de Shakti, la déesse-mère, dont l'incarnation la plus célèbre est sans conteste Kâli. Toute noire et tirant une énorme langue rouge, Kâli arbore un collier de crânes.

Bon, quand vous en arrivez là, vous avez saisi les notions les plus basiques : vous pouvez passer à l'étape supérieure.

Le but de Catherine Clément n'est pas de vous y mener, simplement de vous fournir, de la façon la plus dynamique qui soit, avec énormément d'humour et de vivacité, les informations que vous devez retenir sous peine de passer pour un ignare absolu en matière d'hindouisme. Elle conclut en évoquant les grandes épopées de la littérature indienne, celles où interviennent les dieux : le "Mahabbarata" et le "Ramayana", histoires si connues et si aimées des Indiens que nombre de séries télévisées sont basées sur leurs péripéties. Après un petit clin d'oeil aux "Contes du Vampire", récits très appréciés également en Inde, elle évoque enfin les deux grands rivaux de l'hindouisme : le bouddhisme et le jaïnisme.

C'est donc un mini-tour de la religion en Inde mais un mini-tour très complet en son genre. En outre, avec ce style vif et plaisant, on ne s'ennuie pas une minute et ceux qui seraient tentés de penser que, justement parce qu'elle les évoque avec le sourire, Catherine Clément ne respecte pas les dieux hindous, s'apercevront très vite de leur erreur. Non seulement elle les respecte mais elle les aime et elle aime le pays où ils sont nés - ou qu'ils ont créé, allez savoir ...