Le désarroi et la frustration commencent à se faire sentir, et à s’exprimer, dans les rangs des mouvements politiques et des organisations syndicales qui ont contribué activement à la victoire électorale de François Hollande.
Par Fabio Rafael Fiallo.
Aujourd’hui il y a matière à dresser un autre parallèle avec Munich, cette fois-ci dans le domaine du fourvoiement. Mais avant de poursuivre, il convient de rappeler la fameuse anecdote à propos du chef du gouvernement français de l’époque, Édouard Daladier, lors de son retour à Paris.
Lorsque l’avion se pose sur l’aéroport du Bourget et Daladier regarde la foule amassée pour l’accueillir, il prit peur, craignant des actes de violence physique contre lui pour avoir montré tant de compromission avec le nazisme.
Quelle ne fut pas sa surprise, à sa sortie de l’avion, de voir la foule l’accueillir, non pas avec des hués, mais avec des applaudissements. Daladier ne put alors se retenir, exclamant son célèbre « Ah les cons ! ».
Des propos semblables peuvent aujourd’hui être proférés à l’égard des organisations de gauche, y compris des organisations syndicales, qui, après s’être ralliées avec espoir et dévouement à la candidature de François Hollande, observent impuissantes combien leur candidat donne l’impression de les avoir flouées.
À commencer par la hausse du smic, promesse symbolique de la campagne de Hollande. La montagne qui accouche d’une souris. Ou plutôt d’une fourmi. Car, quelque vingt euros par mois d’augmentation, le prix de quelques tasses de café, c’est s’être moqué du monde.
Il y aussi la question de la stabilisation des effectifs de la fonction publique. Qui allait dire aux syndicats qui s’étaient battus contre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, règle établie par le précédent président français, que François Hollande, celui dont la victoire électorale doit tant à ces syndicats, allait durcir la règle dans toute l’administration à l’exception de trois ministères, l’appliquant désormais à deux départs sur trois ?
Quant au pacte budgétaire européen visant à parvenir à l’équilibre des comptes publics dans les pays de l’Union, pacte dénoncé par François Hollande pendant la campagne électorale, ce n’est un secret pour personne qu’il s’apprête à le signer dans les jours ou les semaines à venir. Non pas de plein gré, mais de peur de voir, dans le cas contraire, les marchés augmenter les taux d’intérêt appliqués aux obligations de l’État français.
Cerise sur le gâteau, l’accord intervenu à Bruxelles dans la nuit du 28 au 29 juin entre Angela Merkel, François Hollande, Mario Monti et Mariano Rajoy. Accord présenté par plus d’un commentateur de l’Hexagone comme une victoire diplomatique et politique du nouveau président français puisque, nous dit-on, on a enfin ajouté grâce à Hollande un pacte de croissance au pacte budgétaire.
Sauf que, il suffit de lire dans la revue The Economist un article titré « Hopeful or hopeless », daté du 28 janvier courant, donc bien avant le début du quinquennat de Hollande, où l’on se réfère à l’importance accordée à la croissance dans la préparation d’un sommet européen qui se sera tenu deux jours plus tard.
Autrement dit, les dirigeants européens n’avaient pas attendu l’élection de François Hollande pour mettre la croissance au cœur de leurs travaux.
D’après le même article, bien que tous les dirigeants aient alors convenu de promouvoir la croissance, chacun y allait de sa petite musique quant à la façon dont il faudrait agir. Avec le texte sur la croissance adopté le 29 juin, y a-t-il quelque chose de changé à propos des ambiguïtés à ce sujet ? Évidemment que non.
Ce qui a par contre changé, c’est que François Hollande a dû remettre dans sa poche sa proposition de création d’euro obligations, car Angela Merkel y a porté un refus catégorique. Ce qui a changé aussi, c’est que François Hollande s’apprête à signer le pacte budgétaire, celui-là même qu’il avait tant exécré du temps de la campagne électorale.
S’il y a des gagnants concrets dans le sommet de Bruxelles, ce sont plutôt l’Italie et l’Espagne, qui ont fait le forcing, avec succès, pour que leurs banques puissent être recapitalisées par des fonds européens directement, c’est-à-dire sans accroître la dette souveraine de ces pays. Quant aux Allemands, ils y ont obtenu le droit de regard sur les budgets nationaux et sur les banques du continent ; une véritable avancée pour Mme Merkel.
Rien d’étonnant que le désarroi et la frustration commencent à se faire sentir, et à s’exprimer, dans les rangs des mouvements politiques et des organisations syndicales qui ont contribué activement à la victoire électorale de François Hollande. Tout ce beau monde ne peut que s’en prendre à lui-même pour avoir fait preuve de tant de naïveté.