Il n'a pas fallu attendre longtemps. La majorité se dispute,
c'est bien normal. Elle reste confiante. La tâche est rude. La droite couine avant les décisions. La classe médiatique se jette sur la moindre anicroche comme un drogué en manque de sa dose. Mais
Hollande a marqué un joli point, en fin de semaine, lors d'un sommet européen quasi-nocturne.
Et il resta modeste.
Cela nous changeait.
Sur le front des affaires, Nicolas Sarkozy faisait profil bas.Un de ses anciens conseillers devenu président de banque est sous
le coup d'une enquête pénale pour prise illégale d'intérêts. François Pérol risque gros et il le sait. A l'Elysée
entre 2007 et 2008, l'ancien banquier était secrétaire général adjoint de l'Elysée, et s'était chargé du sauvetage puis de la fusion des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires. Pressé de
retourner dans le privé, il s'était propulsé à la tête de la nouvelle entité. Ni l'Elysée ni lui-même n'avaient daigné la commission de déontologie qui est censée étudier et avaliser (ou pas) des
pantouflages bien plus ordinaires. A la Caisse d'Epargne, Pérol arrivait en milieu sarkozyste conquis. La banque avait été l'employeur de Mme Hortefeux et du fameux Thierry Gaubert, ancien
conseiller de Nicolas Sarkozy impliqué dans l'affaire Karachi.
Le gouvernement Ayrault s'était mis en
séminaire dès lundi. Les quotidiens conservateurs alignaient les rumeurs et les fuites concernant le plan de redressement des comptes publics qu'Ayrault et ses ministres semblaient nous
concocter. Nous eûmes la
confirmation d'une double catastrophe... sarkozyste: primo, il manquait 7,5 milliards d'euros dans les caisses de l'Etat pour finir l'année à la hauteur
du déficit budgétaire promis à l'Europe et aux Français. Secundo, un méchant rapport de l'INSEE réactualisait à la baisse les prévisions de croissance et... du
pouvoir d'achat. La croissance serait à peine plus faible qu'anticipé (0,4%), mais le pouvoir d'achat devait subir
cette année sa plus forte baisse depuis... 1984. François Hollande avait-il déjà frappé de son matraquage fiscal tant annoncé par les sarkozystes ? Que nenni ! Le fautif était l'ancien monarque,
Nicolas Sarkozy lui-même. En 2012, sa précédente loi de finances avait fait progresser les impôts directs et cotisations sociales de 6,7%, tandis que les revenus, crise oblige, progressaient peu.
Pire, l'INSEE n'incluait même pas le coup de TVA que Sarkozy avait fait voter pour le mois d'octobre - et qu'Hollande a promis d'annuler.
A l'UMP, on était bien silencieux. On réfléchissait
aux « valeurs », entre-soi, on se déchirait entrepro-Copé et pro-Fillon. Quelques journalistes ou témoins anonymes pouvaient relater les échauffourées verbales qui saisirent l'assemblée d'anciens
godillots sarkozystes. Nathalie Kosciusko-Morizet crut bien faire en accusant Patrick Buisson d'être encore consultant ... de l'UMP. Elle avait raison, le contrat avait été signé, croyait savoir
l'Express, quand elle était secrétaire générale adjointe. D'ailleurs, l'ancien conseiller de l'ombre ès droitisme de Nicolas Sarkozy s'était également entiché de Laurent Wauquiez et de Valérie
Pécresse, courant 2011.
Quand les premières pistes du plan de
redressement des comptes furent connues, l'UMP faisait la grimace. Mardi, l'Assemblée nationale ouvrait sa première session. Nombre de députés socialistes se refusaient à rendre leurs plus
importants mandats locaux. Il faudra une loi contre ces récalcitrants.
En fait, les critiques de la semaine les plus
visibles venaient de la gauche radicale. Jean-Luc Mélenchon crut bon d'accuser Manuel Valls de légitimer
le discours frontiste sur l'impact de l'immigration sur le chômage. Le ministre de l'intérieur avait pourtant annoncé la prochaine interdiction des rétentions
familiales, l'amélioration des conditions de naturalisation, la clarification des critères de régularisation,
la fin de la politique du chiffre, et la création d'un titre de séjour de trois ans. Pour les partisans du Front de gauche et quelques autres, son grand tort fut ... de récuser toute
régularisation massive. Sans doute avaient-ils oublié que ce point n'avait jamais été promis par le candidat Hollande.
L'autre attaque fut contre le coup de pouce du
SMIC, jugé trop modeste à gauche et quasiment mortel à droite. Michel Sapin, le ministre du travail, l'avait
confirmé à 0,6%, plus 1,4% de rattrapage de l'inflation. Les critiques avaient un point sérieux: le rapport de l'INSEE révélait combien la baisse du pouvoir d'achat des ménages, cette année,
était préoccupante... pour l'économie elle-même.
François Hollande recevait Angela Merkel à
l'Elysée. Il paraît que la chancelière allemande avait promis de refuser toute euro-obligations « tant qu'elle vivrait ». A forces de
rodomontades, elle faisait du Sarkozy. Le soir, les sourires étaient pincés, mais Hollande ne lâcha rien. Le lendemain, ils étaient à Bruxelles. Le président
français déclara qu'il espérait convaincre ses homologues d'un pacte de croissance. On évoqua 120 milliards
d'euros. Au sein de la gauche radicale française, on fustigea sans attendre le manque d'ambition. « Un "pacte de croissance" à 120 Mds € c'est un peu
équivalent à un coup de pouce au Smic de 0,6% » lâcha Michel Soudais, journaliste à Politis dès jeudi soir.
Pourtant, vendredi matin, la nouvelle était plus ample, jusqu'à surprendre les commentateurs de gauche comme de droite.
François Hollande pouvait être
satisfait.Il avait bien joué mais joua les modestes: Mme Merkel avait déjà accepté, la semaine dernière, un plan de soutien de 120 milliards d'euros. Dans la nuit de jeudi à
vendredi, l'italien Monti et l'espagnol Rajoy étaient montés au filet contre
Angela Merkel qui, finalement, avait à nouveau cédé. Les deux avaient provoqué un sommet de la zone euro,
après le grand sommet à 27 qui s'était clôt au dîner. Ils s'étaient déclarés favorables au pacte français de croissance si des mesures de soutien immédiat étaient adoptées. Et ils eurent gain de cause: recapitalisation directe par le fonds de secours - le Mécanisme européen de stabilité - des banques espagnoles; supervision
intégrée des banques par la Banque centrale européenne; et ... rachat éventuel et partiel de la dette italienne par le MES si besoin est, sans austérité supplémentaire en
contrepartie.
A Paris, Jean-Marc Ayrault officialisait l'effort
d'économies qu'il demandait à tous les ministères: la traditionnelle lettre de cadrage, pour
l'élaboration des différents budgets de l'Etat d'ici la loi de finances 2013, fixait à 7% les économies sur les frais de fonctionnement. Chaque ministère sauf les trois prioritaires qu'étaient
l'Education, la Justice et la police, aura à réduire ses effectifs, de 2,5% en moyenne. « Le premier budget qui va être voté en 2013 doit nous
conduire à rentrer dans les objectifs de 3% des déficits publics donc il y a des efforts à faire, tout le monde fera des efforts » commenta Ayrault.
A ce stade, il n'y avait aucune surprise.
Le président Hollande appliquait le programme du candidat
Hollande.