La nouvelle est célébrée comme il se doit par tous les médias européens: la Cour Suprême Américaine vient de "valider" l'Obamacare, la réforme de santé promulguée par Barack Obama en début de mandat. Joie et félicité! Obama est triomphant! Victoire!
Les oppositions au projet ont été innombrables depuis sa conception et ont porté sur de multiples aspects du texte. La Cour Suprême a été amenée à se prononcer sur la constitutionnalité du projet parce qu'elle a été saisie par les procureurs généraux de pas moins de vingt-neuf Etats américains opposés à la réforme!
Leur objection? L'Obamacare (de son vrai nom le Patient Protection and Affordable Care Act ou PPACA), monstre législatif de 2'700 pages, obligerait les Américains non couverts par une assurance-maladie liée à leur employeur ou à un mécanisme gouvernemental existant à souscrire à une assurance-maladie privée, sous peine d'amende. Or, cette disposition est contraire à la Constitution des Etats-Unis par au moins deux aspects:
- Elle s'apparente à de la vente forcée ("achetez, ou sinon...") et s'avère donc contraire à la Clause de Commerce contenue dans l'Article I, section 8, Clause 3 de la Constitution définissant et limitant les pouvoirs du Congrès.
- Elle octroie à l'Etat Fédéral une nouvelle prérogative en matière de santé publique. Cependant, le Dixième Amendement stipule que seules les dispositions explicites de la Constitution dépendent du gouvernement fédéral. L'assurance-maladie n'en fait clairement pas partie. Si des mécanismes de santé publique peuvent être mis en place dans un Etat ou un autre - comme ne s'est pas privé de le faire le très républicain Mitt Romney au Massachusetts - de tels sujets ne sont pas du ressort du gouvernement de Washington.
Voilà qui vient quelque peut contredire la communication de Barack Obama et de son camp, qui prétendent depuis le début que la réforme n'est pas une taxe - en plus d'avoir clamé qu'impôts et prélèvements n'augmenteraient pas, bien entendu.
Et cet aspect des conclusions de la Cour Suprême va singulièrement compliquer les affaires du président sortant.
Si plus aucun obstacle juridique ne s'oppose à la réforme, ses principaux effets se déploieront dès 2014. A cette date, des millions d'Américains devront souscrire à une assurance-maladie obligatoire. Et non seulement la vente forcée est très mal vue aux Etats-Unis, pays où la responsabilité individuelle n'est pas un vain mot, mais les Américains se rendront très vite compte qu'ils ne sont pas assez pauvres pour bénéficier du système payé par la collectivité, et qu'un mécanisme acceptant n'importe quel client à un tarif unique au nom de la solidarité ne peut que s'effondrer sous son propre poids (la classe moyenne suisse fait l'expérience didactique de cet étranglement progressif depuis 1996 et la mise en place de la LAMal par la gauche.)
Sans même parier sur l'évidente dérive financière du système, la pilule sera dure à avaler, et ce dès la première année. Selon les chiffres avancés par Le Figaro, le coût pour la couverture de 70% des frais médicaux serait estimé à 5'200 dollars par individu et par an, 14'100 dollars par famille. Dans un pays où les salariés sont habituellement couverts par le biais de leur employeur, ces primes frapperont de plein fouet les Américains au chômage - au moment même où celui-ci est historiquement élevé.
Pas sûr que ces gens-là auront très envie de glisser à nouveau un bulletin Obama dans les urnes en novembre.
Peut-être ne s'agit-il que de rhétorique de campagne, mais le fait est là: la réforme Obamacare a été électoralement désastreuse pour les Démocrates. Poussée au forceps dans les chambres du Congrès selon un clivage partisan, elle a mené le parti à la déroute dans les élections de mi-mandat jusque dans ses fiefs historiques.
Si Barack Obama a été porté au pouvoir en 2008 par une foule enthousiaste, ce n'était vraisemblablement pas à cause de ses projets de refonte de la couverture de santé. Des années après le début des travaux, Obamacare reste impopulaire auprès d'une majorité d'Américains. Le président sortant devra garder cela à l'esprit alors même que les principales mesures de son projet ne sont pas encore entrées en vigueur.