Je me souviens les avoir achetés le jour de leur sortie en mars 1992. C’était à la regrettée Fnac Italiens sur les Grands Boulevards, accompagné par une copine de lycée avec laquelle je ne suis finalement, malgré les pronostics, jamais sorti. On a révisé le bac ensemble, c’est tout ce qu’on a fait. Je me souviens même qu’une fois elle est passée à la maison alors que mon neveu (le premier des deux), âgé de deux mois, était là, de passage avec sa mère. Dire que ce petit bébé a aujourd’hui vingt ans alors que moi, en ce mois de juin 1992, je n’en avais que dix-neuf… C’était un peu tard, dix neuf ans, pour avoir le bac, je sais. Pourtant, Bruce, c’est cette année-là que je le passais. Bon, tu ne dois pas trop voir ce que c’est le baccalauréat, mais disons que c’est un truc assez symbolique en France. Et je me rappelle très bien que la dernière épreuve que j’ai passée, c’était justement le 30 juin. Juste avant ton concert. Depuis, des concerts de toi à Paris, il y en a eu un paquet. Plusieurs fois à Bercy d’ailleurs. Dont, sept ans plus tard, celui de ta triomphale tournée de reformation avec le E Street Band, et moi qui ralliais le POPB à pieds depuis le 18e arrondissement, parce que ce jour-là, je m’en souviens, une grève énorme paralysait les transports en commun. Cela paraît si loin. Pourtant, Bercy, je n’aime pas trop. Mes meilleurs souvenirs, à te voir et t’écouter, c’est dans des stades. Ou, exceptionnellement, au Palais des Congrès pour ton concert acoustique de la tournée Tom Joad.
Jeudi soir, le 5 juillet, un concert de toi, il devrait y en avoir un autre. J'écris la phrase au conditionnel. La place est là, qui attend, aimantée d'un magnet Beatles sur le haut du frigo. Comme il y a vingt ans donc. Sauf qu'il est moins beau, ce billet, plus impersonnel. Vingt ans après. Au même endroit, à Bercy. Pas en plein air. C’est un peu dommage pour un mois de juillet. La dernière fois, souviens-toi, c’était il y a quatre ans. Au Parc des Princes. Depuis, ça n’a jamais été aussi long. Tu me manques. Et il est probable – si je réussis à y aller bel et bien jeudi – que je me souvienne de ce concert-là encore plus longtemps que de celui de 1992. Je ne peux pas te dire pourquoi, là. C’est trop tôt. Mais, comme je l’écrivais il y a deux ans – lorsque Lola, ma fille, est née et que je ne pouvais que t'écouter, toi et pas un autre – tu trouves toujours le moyen d’être l’homme du moment aux moments les plus importants. Il doit y avoir un truc entre toi et moi, c'est sûr. Tu ne le sais pas, toi, tu as trop à faire, trop de fans à satisfaire. Mais, moi, je le sais. J’y penserai encore jeudi soir. À Bercy ou ailleurs.