Il n’y a pas de meilleur propagandiste pour la cause de la séparation du Québec du Canada que le premier ministre du Canada, Stephen Harper. Jamais n’ai-je vu un parti fédéral, le parti conservateur (PC), voter autant de lois qui vont à l’encontre des désirs des Québécois. C’est comme s’il « faisait exprès » pour nous narguer.
J’ai été membre actif du parti progressiste-conservateur du Canada (PPC) durant une longue période sous des chefs comme Diefenbaker, Stanfield, Clark, Mulroney, Campbell et Mackay. Jamais, un de ces leaders n’a posé de gestes allant si délibérément contre les opinions exprimées par les Québécois. Lorsque Mackay a fusionné notre parti avec le Reform party, parti droite-de-la-droite, dirigé par Harper et qui, par opportunisme électoral, avait changé son nom pour Alliance Canadienne, j’ai compris que je ne pouvais plus appuyer cette formation politique et j’ai quitté avec regret la barque PPC. Tout comme plusieurs autres membres de mon parti en commençant par Joe Clark, Lowell Murray, Flora Macdonald et des centaines d’autres…
Depuis 2005, j’ai écrit 32 billets de mon blog sur les politiques d’Harper et celles de son gouvernement conservateur.
Le soir de sa victoire électorale du 2 mai 2011, lorsqu’Harper a obtenu la majorité absolue des sièges à la Chambre des Communes et cela malgré qu’il n’ait gagné que cinq des 75 comtés du Québec, il affirma vouloir gouverner le Canada dans l’intérêt de tous les Canadiens et il s’adressa particulièrement aux Québécois pour les assurer qu’il ferait tout pour regagner leur faveur. À ce jour, le contraire est la vérité.
Son bilan en rapport avec les Québécois est largement négatif malgré le protocole d’entente sur l'harmonisation des taxes de vente du Canada et du Québec par lequel le gouvernement du Québec a reçu 2,2 milliards de $. Le Québec a empoché, toute proportion gardée, la même chose que les autres provinces canadiennes.
Environnement, sables bitumineux, pipeline, justice, criminalité des jeunes, registre des armes, Afghanistan, militarisme, patronage, bilinguisme, nominations d’unilingues, financement des partis, carte électorale, valeurs mobilières, rencontres fédérale-provinciale, monarchie, dette, financement santé, avortement, et encore… sont tous des sujets où Harper a agi sans vraiment tenir compte de l’opinion québécoise. Jamais depuis le PM Robert Borden avec sa loi concernant le service militaire qui mena à la crise de la conscription de 1917, a-t-on vu un premier ministre canadien se foutre si systématiquement des Québécois.
Et voilà, que soudainement, à l’occasion de la fête nationale des Québécois et Québécoises du 24 juin dernier, Harper a fait son apparition au Québec avec 19 de ses ministres, dont les plus influents. Il a choisi pour ce faire le petit village de Saint-Narcisse-de-Beaurivage, près de Québec, qui compte 1 100 habitants et qui se situe dans un des rares comtés représentés par un député conservateur. Jamais un village canadien n’a reçu la visite d’autant de dirigeants canadiens importants en même temps ! Un record ! « C’est pour faire comprendre aux Québécois qu’on les aime » affirma le ministre Christian Paradis, lieutenant du Québec pour le PC.
C’est quoi cette mise en scène, cette comédie, cette mascarade, cette pantalonnade ? Il a peur de qui le PM pour ne vouloir rencontrer que quelques Québécois alors que tous sont en liesse et débordants de joie ? Pourquoi cette réunion a-t-elle été si microscopique, si contrôlée, si cachée et annoncée à la dernière minute comme s’il visitait un territoire ennemi ? Pourquoi le PM n’a-t-il pas voulu, avec son extraordinaire contingentement ministériel, célébrer la fête nationale, à quelques kilomètres de là, en compagnie de centaines de milliers de Québécois réunis dans la capitale. Où encore à Montréal où il y en avait encore plus ? Ou en régions comme à Chicoutimi, à Rimouski, à Sherbrooke ou ailleurs ?
Cela démontre bien jusqu’à quel point Stephen Harper ressent l’impact de son impopularité, générée par sa façon de gouverner comme si le Québec n’existait pas. Il dit maintenant vouloir se rapprocher des Québécois, mieux les comprendre et agir avec eux. Quels commentaires hypocrites ! Maintenant qu’il a fait tous ses mauvais coups ! Maintenant qu’il a détruit le registre des armes, renié Kyoto, imposé le bâillon pour son bill omnibus sur la justice criminelle et autres, nommé tous ses amis unilingues anglais à de hauts postes gouvernementaux qui ont toujours nécessité des personnes bilingues, choisi comme porte-paroles francophones du gouvernement deux députés anglophones de l’Alberta qui sont bilingues, etc.. etc… voilà qu’il dit vouloir dorénavant nous écouter. Pour qui nous prend-t-il ? Il dit reconnaître la nation québécoise mais il agit comme si elle n’existait pas.
Le seul bon point que j’accorde à Harper c’est la façon avec laquelle il gère notre économie. Il a investi au bon moment pour contrer la crise de 2008 et, aujourd’hui, il sait serrer la ceinture pour retrouver un budget balancé. C’est important pour notre avenir, mais est-ce suffisant pour les Québécois ? Je ne le crois pas. Ces derniers reconnaissent qu’il a démontré un certain leadership dans ce domaine, mais ils savent qu’il est incapable de tenir compte de leurs sensibilités politiques particulières. En somme, Harper n’est le premier ministre que d’une partie des Canadiens puisqu’il a démontré ne pas être celui de la nation québécoise.
Harper se doit de trouver des Québécois d’envergure pour aider son gouvernement et pour remonter la côte au Québec. Entre temps, il devrait reconnaître que Maxime Bernier est un député populaire, bien éduqué, qui a de l’étoffe et qui sait se tenir debout. Lorsque ce dernier est apparu sur la scène politique, j’avais dans un billet prédit qu’il serait un jour PM du Canada. Depuis, je le suis, l’analyse, lis ses discours dans le Hansard et ailleurs et je crois encore dans ma prédiction. Certes il a fait des erreurs, il était jeune, responsable d’un gros ministère malgré son peu d’expérience politique. Un grand nombre de bons politiciens ont fait des erreurs mais sont revenus plus forts. Car ce qui compte, c’est leur caractère, leur sincérité, leur engagement, leurs idées, leur capacité de parler et de se faire comprendre, leur qualité de leadership… Bernier a tout cela. Harper devrait le nommer son lieutenant du Québec et remplacer Paradis, qui « ne fait pas la job ». Bernier, bien appuyé, pourrait devenir un grand politicien et aider le parti conservateur à se ressaisir face au Québec. On le dit trop à droite, je le vois migrer peu à peu vers le centre-droit où se sont situés les partis progressistes-conservateurs du passé.
La situation politique au Québec est particulière, comme toujours. L’annonce du déclenchement prématuré d’une élection générale est dans l’air. Elle peut arriver dans les prochains mois. À ce jour, il est difficile d’en prédire le résultat. Mais il y a des indices qui sont inquiétants pour le premier ministre Jean Charest et son parti libéral. En effet, la récente élection complémentaire d’Argenteuil a résulté, contre toute attente, dans l’élection du candidat du parti Québécois. Ce comté, qui depuis près de 50 ans était libéral, vient de basculer dans le camp des péquistes. C’est une surprise révélatrice !
On sait aussi que les électeurs votent généralement « contre », surtout après de longues années de pouvoir d’un parti. Ils veulent du changement. C’est pourquoi, même si Pauline Marois, cheffe du parti Québécois, est impopulaire, il est fort possible, dans les circonstances actuelles, qu’elle devienne premier ministre et forme le prochain gouvernement. Les séparatiste-indépendantistes-souverainistes seraient alors au pouvoir et cela pourrait vouloir dire qu’il est possible qu’en 2015, un nouveau référendum sur la séparation du Québec du Canada soit déclenché par ce gouvernement péquiste.
Et qui défendra la position Canada lors de ce référendum ? Dans le passé ce fut deux premiers ministres de grande envergure, Pierre Elliot Trudeau et Jean Chrétien. En 2015, ce sera Stephen Harper. Oh !
Les séparatistes auront aussi un problème de porte-paroles. Il n’y a pas parmi eux actuellement de Jacques Parizeau ou de tribun de la force de Lucien Bouchard qui à lui seul est venu près de convaincre les Québécois de faire le grand saut lors du référendum de 1995. Quant à Pauline Marois, elle n’a ni le charisme ni le pouvoir d’entrainement pour assurer une victoire référendaire à son clan. Mais l’effet négatif de Harper sera tellement dévastateur pour la cause fédéraliste que cela aidera la cause des séparatistes-indépendantistes-souverainistes, que Marois soit convaincante ou non.
Si j’étais organisateur séparatiste, je ferais campagne pour garder Harper au pouvoir. C’est une stratégie qui aiderait ma cause.
Claude Dupras