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Des tartuffes féministes

Publié le 29 juin 2012 par Juval @valerieCG

En préambule voici déjà tous les articles que j’ai écrits sur la prostitution :
Prostitution et non abolitionnisme
Cache toi, bordel
19eme et prostitution
Assises de la prostitution
Caubere Philippe, fat
De la prostitution encore

Ce qui me frappe depuis plus de dix ans dans ces éternels débat féministes sur la prostitution, c’est l’immense agressivité qui sévit de chaque côté. J’ai été très longtemps abolitionniste, je ne le suis plus. Au cours de ces années, j’ai vu les deux camps s’opposer à coups d’invectives et en se donnant mutuellement des brevets de féminisme.

Je suis tout à fait certaine, pour ma part, que la position féministe abolitionniste – qui passe donc entre autres par une punition du client mais pas que – est une position féministe. Je ne désire pas décerner des diplômes de féminisme en décrétant qui l’est et qui ne l’est pas. Dans le monde 90% des prostituées sont des femmes et des enfants filles. Les clients sont quasi tous des hommes. On ne peut faire l’économie de cette réflexion là. Personnellement je n’aurais rien contre le fait d’acheter du sexe dans une société non sexiste, non homophobe, non raciste mais nous n’en sommes pas là. Ici et maintenant, cela me pose un problème clair qui n’a rien de moral (encore que cette accusation répétée est débile, la morale n’est pas un gros mot).

En revanche je me refuse à ne pas comparer le sexe avec d’autres activités. L’immense majorité des professions peu diplômées consacrés aux soins (vieux, enfants, malades) est aussi exercée par des femmes et/ou des étrangères. En Italie, ce sont par des migrantes sans papier et sous-payées. On ne peut pas, comme je l’entends souvent, préjuger du non consentement des prostituées. Il faut réfléchir à la prostitution en tant qu’activité pratiquée par des femmes, cisgenres ou non, pauvres, souvent migrantes. Réfléchir à la prostitution hors des rapports de classe serait à mon sens une erreur. Pour autant, cela n’est pas parce qu’on appartient à une classe dominée qu’on n’a aucun choix, aucune liberté possible. C’est pour cela, au passage, que je préfère l’usage du mot agentivité qui traduit davantage la situation (vous en avez l’explication dans le premier texte). Un certain nombre de prostituées en France sont des migrantes de pays pauvres qui ne peuvent pas travailler légalement et qui n’ont aucune perspective possible dans leur pays ; la prostitution leur paie rapidement  ce dont elles ont besoin ; une université pour un enfant, des soins médicaux pour un membre de la famille, une maison au pays. On me dit qu’elles ne sont pas consentantes à cela ; le consentement est une donnée difficile à définir en la matière. Il me parait beaucoup trop simple de conclure qu’il y a non consentement.
Je voudrais pour cela comparer à la migration de travail. j’ai connu ainsi des maghrébins qui vivaient en foyer sonacotra, travaillaient en faisant deux ou trois boulots, n’avaient aucune activité en dehors de leur travail, avaient femme et enfant au pays et finissaient vers 60 ans par avoir réuni assez d’argent pour rentrer. Pensez vous qu’il y avait consentement à cette vie là ? Pensez vous qu’il y a consentement pour les roms à poireauter à 5 heures du matin devant un batimat quelconque en attente d ‘une embauche au noir ? Avant de hurler que les gens sont consentants – ou non consentants – il convient d’évaluer les possibilités qu’ils avaient au départ. Oui des personnes peuvent estimer que la prostitution est pour eux la solution la plus rapide, facile, pratique ; si j’estime qu’ils ne font pas cette activité en connaissance de cause, en consentement, alors je dois estimer qu’ils ne font rien en connaissance de cause et qu’ils sont, pratiquement par nature, aliénés.
Alors oui voir des blancs hétéros  hurler qu’il est de la liberté des femmes pauvres migrantes de se prostituer fait mal à certaines et je le comprends très bien ; simplement nous n’avons rien d’autres à proposer. Qui peut garantir de la nourriture, une maison convenable, des soins de santé, une école pas trop loin, aux chinoises, africaines qui viennent en France et se prostituent ? Est ce que, vraiment, je peux expliquer qu’il est de leur dignité de ne pas se prostituer, mais beaucoup plus d’aller torcher des vieux ou des gamins non déclarées ?

Pour autant, faut-il punir le client ? Je l’ai déjà expliqué maintes et maintes fois, cela me semble – et j’en apporte la preuve – une position contre productive qui desservira les prostituées et pas les clients.

Je ne doute pas des bonnes intentions de Vallaud-Belkacem mais elle fait depuis trop longtemps de la politique pour ignorer les tendances de l’AN ; c’est à dire de vieux barbons blancs hétéros bien machos qui se contrebalancent du féminisme qu’il soit abolitionniste ou règlementariste. Quand je constate que ces gens, ces partis ont tous été infoutus de faire respecter une simple loi sur la parité, je me dis que tous n’ont pas UNE ONCE de réflexion et d’intérêt féministe.  Cette loi ne sera jamais votée pour une simple raison ; nos bons machos de l’AN considèrent que c’est la liberté des hommes – et leur nature, et la logique des choses – que d’acheter un rapport sexuel (et vous noterez qu’aucun de nos grands féministes actuels n’a jamais fait la moindre proposition pour faire abolir la loi sur le racolage passif ; en dix ans y’avait le temps non ?). Alors la loi ne sera jamais votée ; je devrais m’en réjouir car je la considère comme véritablement dangereuse. A partir du moment où elle le sera pour de mauvaises raisons, je reste sceptique.


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